Un adulte est accusé d’avoir grondé un peu trop vertement un garçon de 10 ans pour faire passer un message. Avec ses copains, il sonnait aux portes et prenait la poudre d’escampette.
Miguel, 59 ans, habite une maison jumelée dans un quartier résidentiel de Luxembourg avec sa femme, sa fille et son chien. Un quartier sans voitures où les enfants jouent ensemble dans la rue après l’école quand ils ne jouent pas des tours aux adultes. La petite bande de chenapans semble en affectionner un tout particulièrement auquel se sont livrées des générations d’enfants avant eux : sonner aux portes et déguerpir.
D’ordinaire, Miguel, sa femme et sa fille n’y attachent pas d’importance. Mais le soir du 8 juin dernier, ce jeu d’enfants a tourné au drame. «Il était 21 h. Ils n’ont pas arrêté pendant une demi-heure. Ils venaient, sonnaient, puis partaient se cacher», raconte Miguel face à la 12e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg réunie vendredi matin. «Notre chien n’arrêtait pas d’aboyer. La situation était devenue insupportable. Ma femme avait mal après une opération et ma fille ne parvenait pas à étudier.» «Normalement, les enfants arrêtaient de sonner après une ou deux fois, mais pas cette fois», a confirmé l’épouse. «Nous ne savions pas quoi faire. Nous ne voulions pas déranger la police, mais nous voyions qu’ils y prenaient plaisir.»
Lassé, le prévenu décide de sortir parler aux enfants. «Je voulais leur demander d’arrêter et les prévenir que la prochaine fois, j’appellerais la police.» Entre-temps, les enfants étaient partis se cacher, à l’exception du petit Charles, 10 ans, «40 kilogrammes tout mouillé», selon l’avocate de ses parents, Me Valérie Dupong. «À aucun moment, je ne lui ai porté des coups», jure Miguel à la barre. Il lui est reproché de l’avoir blessé en l’agrippant par la gorge et en le plaquant au sol. Des accusations que le prévenu et son épouse contestent.
«De belles histoires»
Le petit garçon s’est mis à crier très fort «tout le temps». Selon eux, il se serait laissé tomber au sol et aurait refusé d’avancer. Miguel l’aurait aidé à se relever avant de le réprimander. «Après cela, mon mari l’a lâché. Le gamin s’est calmé et est reparti tranquillement», note l’épouse.
De son balcon, une voisine assiste à la scène, alertée par les cris de l’enfant. Le récit qu’elle a livré aux juges diffère de celui du prévenu et de son épouse. «Il demandait de l’aide. Monsieur l’a plaqué et traîné au sol», indique-t-elle en mimant le geste employé par Miguel. «J’ai retrouvé le petit dans la rue avec une autre voisine. Il tremblait, il était en panique et s’était fait pipi dessus.»
À nouveau questionné par le juge, le prévenu n’en démord pourtant pas : «À aucun moment, je n’ai frappé l’enfant ou ne l’ai plaqué au sol ou pris par le cou.» «Ces enfants jouent dehors toute la journée sans supervision des parents. Il peut s’être blessé en jouant.» Son avocat estime même que la voisine n’a pas pu voir la scène depuis son balcon.
De quoi faire fulminer Me Dupong. «Il s’agissait de petites bêtises d’enfants qui ne méritaient pas ce qui s’est passé ensuite.» «On nous raconte la belle histoire d’un enfant qui s’est laissé tomber, mais c’est de la lâcheté de ne pas reconnaître qu’en tant qu’adulte, on n’ait pas pu se retenir», lance Me Dupong. «Le petit garçon n’est pas parti comme si de rien n’était. Il a été réconforté et ramené à sa mère par deux voisines.»
Depuis les faits, Charles serait terrorisé et n’oserait plus sortir seul, même pas pour aller jouer au football avec ses copains, rapporte la femme de loi. «Deux jours après la journée internationale des Droits de l’enfant, Il est inacceptable qu’on pense encore en tant qu’adulte pouvoir faire subir des violences à un enfant.»
L’avocat de Miguel «doute sérieusement» que son client ait pu le faire. «Il n’est pas sorti de chez lui avec l’intention de blesser un enfant. Il voulait juste passer un message. La seule manière pour lui d’être certain que l’enfant ne s’enfuie pas était de le retenir pour partager son message.» Il demande aux juges d’acquitter son client des charges retenues contre lui ou, à défaut, de lui octroyer une suspension du prononcé ou un sursis intégral.
Le tribunal rendra son jugement le 19 décembre.