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Des formations contre le racisme au Luxembourg : «Il est temps qu’on se réveille»


Une cinquantaine de personnes du secteur social et associatif ont assisté au lancement à Luxembourg. Marise Habib rappelle les conclusions accablantes de l'étude du Cefis en 2022. (Photo : Hervé Montaigu)

La Croix-Rouge veut former plus de 700 personnes à l’interculturalité et la lutte contre le racisme parmi le personnel des communes et les travailleurs sociaux avec son projet «Reveil».

Avec son nouveau projet «Reveil», la Croix-Rouge luxembourgeoise veut contribuer à une société plus inclusive et favoriser la cohésion sociale au Grand-Duché, pays le plus multiculturel de l’UE.

Porté par des fonds européens et étalé sur quatre ans, son objectif est de «REnforcer le Vivre-Ensemble à travers l’Interculturalité et la Lutte contre le racisme et les discriminations».

Des formations axées sur la réalité du terrain vont être proposées dès le mois de mai :

  • à tous les collaborateurs des administrations communales (agents, employés, fonctionnaires)
  • au personnel du secteur social (associations, ONG)
  • au personnel du secteur de la jeunesse et de l’enfance (crèches, maisons de jeunes, maisons relais)

«La diversité est une force indéniable pour le Luxembourg, mais soulève aussi des défis. Il y a de l’incompréhension entre les communautés, de fausses représentations et, bien sûr, des discriminations», note Marise Habib, de l’Organisation Internationale pour les Migrations, partenaire du projet.

«Le rapport du Cefis sur le racisme, publié en 2022, le montre : la vie quotidienne de nombreuses personnes est affectée par des discriminations fondées sur la couleur de peau, l’origine supposée ou la méconnaissance des langues. Et ça a des conséquences directes dans l’accès au logement, l’emploi, l’éducation ou même les relations de voisinage.»

Marise Habib rappelle les conclusions accablantes de l’étude du Cefis en 2022. (Photo : Hervé Montaigu)

Les recommandations issues de cette étude – la première de cette envergure au Luxembourg – pointaient notamment la nécessité de former les professionnels qui, chaque jour, se trouvent au contact de ces populations fragilisées. Le but : qu’ils comprennent mieux les enjeux interculturels et soient en mesure de réagir avec justesse aux situations sensibles.

Trois communes déjà engagées

Trois communes sont déjà engagées dans le processus et accueilleront les ateliers à venir ces prochains mois : Bettembourg, Mersch et Esch-sur-Alzette. D’autres devraient bientôt les rejoindre.

«Nous avons déjà formé nos collaborateurs des services liés à l’action sociale, mais je souhaite aller plus loin et proposer ces ateliers à des services de la commune qui ne se sentent pas forcément concernés», explique Andreja Wirtz, cheffe du service Égalité de la Ville d’Esch.

«Savoir gérer une équipe multiculturelle par exemple me semble important. J’ai moi-même appris des choses en suivant ces modules, alors que je suis diplômée dans ce domaine.»

Mises en situation et visites à l’étranger

Dans les formations «Interculturalité et empathie», puis «Comprendre et combattre le racisme et les discriminations», qui seront intégralement en français, les participants découvriront des outils concrets pour dépasser le choc culturel, prendront conscience de l’impact du racisme avec des témoignages et des mises en situation, apprendront comment soutenir les victimes et identifier les micro-agressions, tout en réfléchissant aux notions de privilèges, d’intersectionnalité et de relations de pouvoir. Des visites d’étude dans des villes à l’étranger figurent aussi au programme pour un partage d’expérience.

Arline Tchagnang a été victime de remarques ouvertement racistes, parfois en public. Photo : christelle brucker

 

Insultée en plein cours à l’université

Un réel espoir pour Arline Tchagnang que, dans le futur, d’autres n’aient pas à subir les comportements racistes auxquels elle a dû faire face. Aujourd’hui chargée du projet «Reveil» pour la Croix-Rouge, elle a connu plusieurs expériences traumatisantes depuis son arrivée au Luxembourg en 2016.

«À l’université, quand j’étais en master, un professeur a demandé à l’amphi s’il y avait des francophones. J’ai levé la main avec d’autres étudiants, et il s’est adressé à moi en précisant « français-français, pas français-africain ». La salle l’a hué et il a fini par s’excuser, mais le mal était fait.»

«Je suis sortie en larmes»

Plus tard, alors qu’elle postule pour un emploi dans une grande société de la place, elle doit à nouveau faire face à un racisme éhonté.

«J’avais envoyé mon CV sans photo et décroché un entretien. En arrivant dans l’immeuble, on m’a dit que j’avais dû me tromper d’adresse parce que cette entreprise ne travaillait pas avec « des gens comme moi ». Je suis sortie en larmes, j’étais complètement déboussolée.»

La jeune femme, qui a consacré son mémoire de master au plurilinguisme et à l’intégration des étrangers au Luxembourg, se bat désormais contre ces injustices. «Il est temps qu’on se réveille et qu’on lutte ensemble contre toutes les discriminations.»

D’ici 2028, la Croix-Rouge ambitionne de former 720 personnes au total, entre les agents communaux et ceux du secteur social, jeunesse et enfance. Si le projet devait être prolongé, les administrations publiques et les entreprises pourraient être ciblées.

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