Dans le cadre de la bataille autour de la garde de son enfant, une mère avait fait appel à des détectives privés en 2018. La nouvelle compagne du père réclame aujourd’hui à ces derniers 12 000 euros au titre du préjudice parce que dans leur rapport d’observation, ils auraient insinué qu’elle s’adonnait à la prostitution… Lundi matin, elle avait cité le duo pour diffamation, calomnie et faux témoignage devant le tribunal correctionnel.
« Chaque soir, le même taxi de la marque Mercedes de couleur grise vient transporter Madame à différentes adresses.» Les conclusions du rapport rédigé par le cabinet de détectives privés luxembourgeois est édifiant. Entre les fréquentations de cafés, hôtels et… terrains vagues, ainsi que son habillement de manière très aguichante, tout porte à croire que «Madame» s’adonne à la prostitution la nuit.
«C’est l’une des pires calomnies que l’on puisse imputer à une mère de famille, de faire commerce de son corps», estimait lundi matin Me Philippe-Fitzpatrick Onimus, qui réclame 12000 euros de dommages et intérêts pour sa cliente. «Ce rapport et ces attestations ayant été présentés en justice en France, ils auraient pu mettre en péril la garde de ses propres enfants.»
Si le juge aux affaires familiales à Briey a décidé de rejeter le rapport dont a fait état la mère dans le cadre de la procédure de litige avec son ex-mari au sujet de la garde de leur enfant commun, la nouvelle compagne du père a décidé de ne pas se laisser faire. L’insinuation que l’enfant ne vivrait pas dans un environnement sain en raison de son «activité professionnelle durant la nuit» l’a poussée à lancer une citation directe pour faux témoignage, diffamation et calomnie contre les deux détectives privés.
Tampons de la douane sur le passeport au Maroc
Selon l’avocat de la mère, Me Onimus, ces derniers ont «fait preuve d’une imagination débordante». Et il est facile de démontrer que «certaines de leurs observations ne sont que des affabulations» qui devaient satisfaire la mère. Pièces à l’appui, l’avocat a notamment remis en cause certaines dates de leur filature remontant au printemps 2018. «Pour les faits du 13 au 17 avril, Madame séjournait au Maroc, comme l’attestent la réservation de billets d’avion et la présence de tampons de douane sur son passeport.» Les observations fin juin seraient également le fruit de l’imagination des cités. Car, à ce moment, sa cliente aurait été en vacances à Bari. Et, enfin, il y aurait le chauffeur de taxi qui atteste ne pas connaître Madame et qui, à l’aide de ses feuilles de route, déclare qu’il n’était pas où les détectives privés le prétendent.
« Ce que j’ai noté est vrai »
Les deux détectives privés entendus lundi à la barre contestent les accusations. «Ce que j’ai noté est vrai», a appuyé l’homme du terrain qui, comme son collaborateur, travaille depuis une dizaine d’années au Luxembourg. Remarquant qu’il s’exprimait en allemand à la barre, le tribunal s’est intéressé de savoir comment il avait donc pu rédiger le rapport en français. «J’ai traduit avec quelqu’un qui parle bien français.»
«Ils rapportent des faits qu’ils ont observés. Il n’y a aucune intention d’imputer des faits méchants à Madame», a renchéri Me Jean-Philippe Lahorgue, plaidant l’acquittement des deux détectives privés. Toujours selon leur avocat, impossible d’asseoir une condamnation pour calomnie ou diffamation à l’aide d’un passeport: «Les tampons de la douane au Maroc, n’importe qui peut les faire contre un billet. Il faut effectuer des vérifications complémentaires pour arriver à une condamnation.»
Me Lahorgue s’était par ailleurs attaqué à la compétence territoriale du tribunal luxembourgeois: «Le rapport de détectives a été réalisé pour une cliente française dans le cadre d’une procédure judiciaire française.» Un argument finalement balayé par le représentant du parquet. Ce dernier note que les deux détectives sont domiciliés au Grand-Duché et que le rapport émane bien d’une entreprise luxembourgeoise. Mais pour en ce qui concerne le fond de l’affaire, il s’est rapporté à sagesse du tribunal, comme d’habitude en cas de procédure de citation directe.
Prononcé le 2 mai.
Fabienne Armborst