Massimo Savo est l’unique fabricant de batteries au Grand-Duché. Il nous raconte son savoir-faire, qui mélange passion et connaissances des matériaux.
Située au rez-de-chaussée de l’un des bâtiments du 1535° Creative Hub à Differdange, la baie vitrée qui donne sur la boutique d’Essebi Drum fait figure de vitrine de Noël. Éclairées par une chaude lumière orangée, les batteries et les caisses claires réalisées de toutes pièces par Massimo Savo, le maître des lieux, étincellent et accrochent le regard par leur accastillage et leur prestance. «Les personnes qui viennent ici tombent dans une ambiance magique», assure celui qui fabrique ce type d’instruments depuis un peu plus de 35 ans.
Unique personne à concevoir des batteries au Grand-Duché, cet Italien âgé de 55 ans s’active tous les jours dans sa boutique-atelier où s’entassent instruments, outils et planches de bois exotiques. Originaire d’une petite ville non loin de Rome, il s’est installé au Luxembourg en 2016, suivant sa compagne et sa fille et emportant dans ses valises sa passion et son savoir-faire. En 2017, il parvient à dégoter un espace à Differdange, dans ce lieu de création unique au Luxembourg, pour y construire ses grosses caisses, caisses claires et autres baguettes.
«Ce que l’on voit chez moi, on ne le trouve pas dans un magasin traditionnel : 95 % des objets sont produits par mes soins. C’est un point de référence pour les batteurs de tous les niveaux, les amateurs comme les professionnels», appuie l’homme qui pratique lui aussi l’instrument depuis son adolescence.
Façonner le son
L’atelier de Massimo cohabite avec sa boutique. «C’est plus le bazar», sourit l’artisan. Une fois passé un mur de caisses claires, on entre dans cet espace où cohabitent marteaux, raboteurs, scie électrique, toupies, batteries démontées et planches de chêne, de noyer et d’autres essences venues du monde entier. Le quinquagénaire y fabrique ou y rénove les instruments de ses clients. «Ici, je ne fais pas de la quantité, mais de la qualité. Tout est réalisé à la main. Il me faut entre 30 et 40 jours pour confectionner une caisse claire et entre quatre à six mois pour une batterie», explique Massimo. En moyenne, une batterie standard confectionnée par ses soins est vendue aux alentours de 5 000 euros.
Lorsqu’un batteur pousse la porte de son atelier avec l’ambition d’acquérir un instrument personnalisé, ce nouveau projet prend d’abord vie par le biais d’une longue conversation entre le constructeur et le futur acheteur. L’artisan va s’attarder sur deux facteurs à l’importance capitale dans la fabrication d’une batterie : la taille de l’instrument et le bois. La taille va varier suivant les envies et le style de musique du batteur. Imposant instrument aux multiples toms ou batterie épurée, grosse caisse aux bords larges ou cercle de taille plus modeste… «Même si je fais des batteries très polyvalentes, toutes les étapes de fabrication vont être réalisées en fonction du style du musicien», détaille Massimo.
La fibre de bois est différente, donc la sonorité est différente
Quant au bois, c’est lui qui va «faire chanter l’instrument». Pour des dimensions identiques, les sonorités ne seront pas les mêmes suivant l’essence utilisée. Diapason en main, l’artisan frappe un petit coup sec sur un cercle fait de chêne destiné à devenir une caisse claire. Il réitère l’opération sur un cercle de frêne. «La fibre du bois est différente, donc la sonorité est différente. Le chêne donne quelque chose de plus grave, tandis que le frêne émet un son plus aigu.» Padouk d’Afrique, olivier italien, noyer, bubinga du Congo… Pour répondre à la demande et varier au maximum les sonorités de ses instruments, le fabricant possède des planches de nombreuses variétés. «J’ai un stock qui se trouve en Italie, où je laisse sécher le bois entre cinq et dix ans. Même si le bois est toujours plus cher, j’ai de bons contacts là-bas pour en acheter», décrit celui qui, par le passé, a suivi une formation de menuisier.
Le regard des batteurs
À un carrefour de sa vie, Massimo Savo a dû choisir entre une carrière de batteur professionnel ou un avenir de fabricant de batteries. Lors d’une formation en menuiserie, il s’amuse à taper sur du bois qu’il trouve autour de lui. Le son qu’il reçoit en réponse l’ébranle tellement qu’il décide de pousser dans cette voie. «À l’époque, dans les années 80, il n’y avait pas internet. Je suis donc allé chez les luthiers, chez les constructeurs, chez les ébénistes et je me suis mis à rénover les batteries de musiciens», raconte l’artisan. C’est au contact des batteurs qu’il apprendra le plus, ces derniers soulignant la moindre erreur qu’il pouvait commettre lors des rénovations et lui expliquant comment il pouvait améliorer son savoir-faire.
Il ressort de ces années d’expérience un véritable respect quant aux matières utilisées, notamment le bois. Toucher, frapper, peser, y poser son oreille pour entendre si les sons révèlent fissures ou nœuds… Massimo caresse le bois comme d’autres goûtent un millésime. «J’apprécie quand la résonance reste la plus naturelle possible. Le beau bois est un symbole de prestige. J’avoue que j’aime orienter mes clients pour qu’il laisse le bois naturel apparent, sans couche de plastique», sourit le passionné.