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Depuis le Grand-Duché, il recrutait les chauffeurs passeurs de migrants


Pendant de longs mois, le chauffeur de taxi d'origine portugaise s'était livré au trafic de migrants en organisant la logistique pour un certain nombre de voyages vers la Grande-Bretagne. (illustration Didier Sylvestre)

Le parquet a requis lundi dix ans de réclusion et une amende contre un quadragénaire poursuivi pour trafic de migrants entre fin 2015 et début 2017.

Plusieurs migrants étaient cachés dans des meubles quand ils ont été interceptés sur le site de l’Eurotunnel. Toujours d’après la police française, d’autres étaient cachés dans des espèces de «sarcophages». Une autre fois, ils ont été découverts dans une cache en bois sur laquelle étaient entreposés des pneus usés… On reproche à Armando P. (46 ans) d’avoir tenté à onze reprises de faire entrer illégalement des migrants en Angleterre. «Pour certains de ces faits, cela rappelle le transport de bétail. Cela n’a rien d’humain», notait la représentante du parquet lundi après-midi. «Il menait un trafic avec les migrants.»

Les faits pour lesquels le quadragénaire comparaissait depuis jeudi devant la chambre criminelle de Diekirch remontent à fin octobre 2015 à mars 2017. Ce sont les autorités françaises qui avaient contacté les autorités luxembourgeoises après avoir arrêté sur le site de l’Eurotunnel à Coquelles plusieurs passeurs à bord de véhicules immatriculés au Grand-Duché. L’enquête avait permis de remonter jusqu’à Armando P., qui résidait alors à Echternach.

Une enveloppe de 4 000 à 5 000 euros

Pendant de longs mois, ce chauffeur de taxi d’origine portugaise s’était livré au trafic de migrants en organisant la logistique pour un certain nombre de voyages vers la Grande-Bretagne. En difficulté financière à l’époque, il raconte avoir eu le malheur de rencontrer un certain «Anglais» d’origine albanaise qui lui aurait demandé s’il était en mesure de faire venir des membres de sa famille en Angleterre… Plusieurs fois, ce dernier lui aurait demandé son aide.

Le quadragénaire avait donc commencé par recruter des collègues de travail, ensuite il avait trouvé ses chauffeurs au Portugal. Des chauffeurs pour lesquels il louait des camionnettes afin qu’ils puissent procéder au transport des migrants.

Les véhicules partaient du Luxembourg sans migrants jusqu’à Bruxelles ou la frontière française. Pour mieux les cacher, les véhicules avaient été aménagés. Une fois les migrants arrivés à destination, il recevait une enveloppe de 4 000 à 5 000 euros. Visiblement, les ressortissants des pays tiers – Albanie, Afghanistan, Iran et Irak – étaient prêts à débourser jusqu’à 8 000 livres pour le passage.

Organisation criminelle structurée

«Mon client n’a jamais été en contact avec les migrants», a plaidé Me Philippe Stroesser. C’est l’ «Anglais» qui aurait tout coordonné. L’avocat a demandé d’accorder des circonstances atténuantes à Armando P. en raison de ses aveux à la barre et son repentir. «Les peines auxquelles les chauffeurs ont été condamnés en comparution immédiate par les juridictions françaises sont en moyenne inférieures ou égales à 12 mois», a-t-il insisté, demandant de rester en dessous du minimum des cinq ans de réclusion.

«Les chauffeurs ont été interceptés pour un fait unique», a rétorqué la parquetière. Dans son réquisitoire, elle a mis l’accent sur la gravité des faits : «Il a abusé de la situation particulièrement vulnérable des gens qui se trouvaient dans une situation administrative illégale afin de s’enrichir.» Et de poursuivre : «Sans ses actes de participation, un passage clandestin n’aurait pu avoir lieu.» Si une autre personne s’occupait de «recruter» les migrants dans le campement de Grande-Synthe près de Dunkerque, l’ «Anglais» jouait le rôle de coordinateur et Armando P. organisait la logistique depuis le Luxembourg en louant les véhicules et recrutant des chauffeurs. Les nombreux appels téléphoniques auraient prouvé qu’il contrôlait ces derniers. Bref, il aurait fait partie d’une organisation criminelle structurée.

Le parquet a fini par requérir dix ans de réclusion ferme et une amende conséquente contre le prévenu qui a des antécédents judiciaires et qui est en détention préventive à Schrassig depuis octobre 2017. À la barre, le prévenu a reconnu que sept passages avaient réussi.

Prononcé le 4 avril.

Fabienne Armborst