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Dépolluer l’aciérie ex-Ilva de Tarente, un chantier titanesque


L'ex-Ilva qui emploie 12 000 personnes est stratégique pour une ville où le taux de chômage atteint le double de la moyenne nationale. (photos AFP)

La mer en arrière plan, des alpinistes installent un auvent géant, le plus grand au monde, au-dessus de l’aciérie ex-Ilva de Tarente dans le sud de l’Italie. Un chantier titanesque pour le groupe sidérurgique européen ArcelorMittal qui a entrepris d’assainir et relancer l’usine la plus polluante du pays.

Les vacanciers sur la plage face à l’aciérie n’ont guère envie de se jeter à l’eau ou déguster les coquillages locaux. Ce site des Pouilles est au cœur d’une bataille juridique pour ou contre sa fermeture.

Selon des experts cités par le parquet, sur 11 500 décès recensés à proximité entre 2004 et 2010, 7 500 avaient été causés par des maladies cardio-respiratoires et des cancers imputables aux émissions toxiques des hauts fourneaux.

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En reprenant en novembre cette aciérie, la plus grande d’Europe, ArcelorMittal a promis d’y investir 2,4 milliards d’euros sur cinq ans dont la moitié pour la ramener à des normes environnementales acceptables d’ici 2024.

Mais le Parlement italien, sous l’impulsion du Mouvement Cinq Étoiles (M5S), a révoqué en juin l’ « immunité pénale et administrative » dont disposait l’usine, avec obligation de fermeture le 6 septembre. Le directeur financier d’ArcelorMittal, Aditya Mittal, est convaincu que le gouvernement adoptera une « nouvelle législation pour rétablir l’immunité ». Mais avec la crise politique en cours, rien n’est garanti désormais.

ArcelorMittal pourrait devoir jeter l’éponge alors que ses projets incluent un dispositif tout neuf de transport des matériaux et de nouvelles tours pour la fabrication d’acier.

Dépoussiérer aussi

De la poussière rouge et noire recouvre balcons et terrains de jeu des quartiers voisins de Tamburi et Paul VI. Les habitants se claquemurent chez eux et les écoles se barricadent quand le vent souffle dans leur direction. La poussière émane d’énormes tas de charbon et minerai de fer atteignant 20 mètres de haut, qui s’étendent sur l’équivalent de 56 terrains de football.

Des travaux sont en cours pour les recouvrir d’une toiture de 480 mètres de long sur 250 m de large et 80 m de haut. Composée de 20 000 tonnes d’acier, ce sera « la plus grande structure de ce type au monde » avec « l’objectif de garantir zéro émissions de poussière », explique Henri-Pierre Orsini, chargé du plan d’assainissement qui prévoit de réduire aussi les rejets de métaux, dioxines et eaux polluées.

ArcelorMittal organise des visites pour les ouvriers et leurs familles pour tenter de faire oublier les multiples tombes du cimetière juste en face. L’ex-Ilva qui emploie 12 000 personnes est stratégique pour une ville où le taux de chômage atteint le double de la moyenne nationale, à quelque 20%. Mais le repreneur a du mal à reconquérir les cœurs.

« Mourir pour sauver des emplois ? »

Même si ArcelorMittal s’efforce de réduire les émissions polluantes sous les niveaux européens, elles ne seront jamais totalement éliminées.

« Bien sûr cette usine est une énorme ressource économique. Mais est-ce que nous sommes supposés tous mourir pour sauver des emplois ? », lance Giuliana Tomaselli, une retraitée de 64 ans, en observant depuis la plage les cheminées de l’usine.

De nombreuses familles sont victimes d’une incidence anormalement élevée de cancers et maladies respiratoires – 21.313 nouveaux cas entre 2006 et 2012 dans le département – et estiment que l’usine, contrôlée par l’État jusqu’en 1995, doit fermer.

« Ils ont nourri les familles avec cette usine, mais ils ont tellement enlevé aux autres », constate Angelo Di Ponzio, 46 ans qui a perdu son fils Giorgio, 15 ans, en janvier dernier après trois ans de lutte contre le cancer.

LQ/AFP