La confiance placée par les citoyens dans la démocratie représentative continue de s’éroder. S’il existe des signaux d’alerte, les résultats de l’enquête Polindex dévoilés mardi comprennent aussi des chiffres plus positifs.
«On pourrait embellir la situation en se disant que l’intérêt pour la politique reste important, aussi en comparaison avec d’autres pays. Mais cela n’empêche pas qu’il existe des chiffres extrêmement inquiétants. Tout cela doit servir à souligner une nouvelle fois que la démocratie n’est jamais acquise.»
Avec ces quelques mots, Claude Wiseler, le président de la Chambre des députés, résume les résultats de l’enquête Polindex 2024, qui était plus largement consacrée à l’état de la démocratie au Luxembourg.
Entre le 15 et le 29 mai 2024, 1 558 citoyens, dont 1 058 électeurs de nationalité luxembourgeoise, ont répondu au questionnaire préparé par la Chaire de recherche en études parlementaires. Les conclusions dévoilées hier indiquent que la démocratie a pris un coup, mais qu’elle est loin d’être abattue.
Parmi les points positifs : le degré de satisfaction global pointe toujours à 68 %, le fonctionnement de la démocratie satisfait 77 % des citoyens luxembourgeois, leur intérêt pour la politique est de 74 % et ils ne sont pas tentés par l’extrême droite, avec 38 % d’entre eux qui se positionnent au centre de l’échiquier politique.
La méfiance augmente à 54 %
Par contre, la confiance placée dans les institutions démocratiques, en tête la Chambre et le gouvernement, descend à moins de 55 % (voir également ci-dessous). La méfiance envers la politique est majoritaire parmi les citoyens luxembourgeois et étrangers (54 %).
Un des chiffres les plus inquiétants est qu’un nombre grandissant de citoyens – 33 %, +12 points par rapport à 2018 – est tenté par un régime politique qui mise davantage sur l’«efficacité» que sur la démocratie.
«Ce chiffre est préoccupant. Des études réalisées dans d’autres pays démontrent qu’à partir du moment où un tiers des électeurs juge que l’efficacité doit primer sur la démocratie, on se trouve confronté à un risque systémique potentiel pour la démocratie», lance le Pr Philippe Poirier, le titulaire de la Chaire de recherche en études parlementaires, rattachée à l’université du Luxembourg.
En France, 48 % des personnes interrogées (+5 points) se disent favorables à un régime politique plus efficace mais moins démocratique. Les taux sont également assez élevés en Allemagne (44 %, +10 points), en Italie (43 %, +4 points) et aux Pays-Bas (44 %, inchangé). «Même si, au Luxembourg, le chiffre est encore plus bas que dans d’autres pays, la tendance allant dans cette direction est importante», fait remarquer Philippe Poirier.
Au Grand-Duché s’y ajoute le fait que 35 % des jeunes électeurs (18-24 ans) et moins de 50 % des jeunes non luxembourgeois ne se prononcent pas clairement en faveur de la démocratie.
En 2004, 90 % de satisfaction
Les chiffres plus positifs sont aussi à relativiser. Le degré de satisfaction de la démocratie au Luxembourg connaît une érosion depuis 2004. «On est parti d’un taux très élevé de près de 90 %, un des taux les plus élevés dans l’UE, pour arriver aujourd’hui à 68 %. Il s’agit toujours d’un bon chiffre, mais il est en déclin», développe Philippe Poirier.
Le même constat vaut pour la corrélation entre intérêt et méfiance : «Si l’intérêt pour la politique reste très élevé, il y a quand même une méfiance envers la politique qui est devenue majoritaire.
Ce chiffre (54 %) est particulièrement mauvais par rapport aux pays limitrophes.» Le sentiment de méfiance que la politique inspire pointe à 37 % en France, à 29 % en Allemagne, à 28 % en Italie et à 33 % aux Pays-Bas. «Derrière des éléments plus positifs, il y a donc aussi des chiffres plus inquiétants pour l’état de la démocratie», conclut Philippe Poirier.
Plus d’un tiers des 18-24 ans s’éloignent du camp pro-démocratie
Les auteurs de l’étude qualifient la situation d’«alarmante». Parmi les jeunes électeurs luxembourgeois âgés de 18 à 24 ans, ils sont 35 % à ne pas vouloir ou pouvoir se positionner clairement en faveur de la démocratie comme meilleure forme de gouvernement du pays. Moins de la moitié des 18-24 ans de nationalité étrangère se déclare favorable à la démocratie.
Ce résultat préoccupe particulièrement Claude Wiseler. «Ils sont 35 % à ne pas appuyer la démocratie alors que la réponse à la question de savoir si la démocratie est la meilleure forme de gouvernement me semble évidente. Ce n’est pas le cas pour eux, pour quelque raison que ce soit. En tant que politicien et président de la Chambre, j’ai la responsabilité de savoir quel peut être l’impact de cette tendance sur notre démocratie», développe-t-il. Les chiffres seraient à analyser de manière plus approfondie dans la prochaine enquête Polindex.
La méthodologie utilisée pour la mise en place des deux échantillons est celle des quotas. L’échantillonnage des électeurs et des résidents étrangers ont été gérés séparément. Les variables de profils utilisées dans la mise en place de l’échantillon initial sont : L’âge, le sexe, la région d’habitation. La répartition des résidents selon ces variables a été faite en accord avec les statistiques officielles du STATEC (Institut national de la statistique et des études économiques du Grand-Duché de Luxembourg).
La sélection des répondants à inviter s’est faite sur base des statistiques du Statec, et chaque groupe d’invitations a été représentatif de ces dernières. La sélection au sein d’une cohorte dans la base MyPanel globale s’est fait aléatoirement via notre programme d’envoi d’invitations. La procédure d’invitation consiste en une sélection hiérarchisée des panélistes inversement proportionnelle au nombre de sollicitations préalablement envoyées. Grâce à cette règle, chaque panéliste reçoit environ le même nombre d’invitations, et nous évitons ainsi la « sur sollicitation ». Les nouveaux inscrits se voient ainsi également rapidement invités après inscription.
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