Excuse imparable ou histoire vraie ? Mathieu, accusé de délit de fuite, prétend ne pas en être l’auteur et avoir prêté la voiture fautive à une connaissance dont il ne connaît que le prénom.
Les dommages causés à la voiture de Kevin ont été réparés depuis longtemps, mais leur auteur présumé, un jeune Français de 27 ans, a tout de même dû répondre des faits face à la 7e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg, lundi après-midi. Mathieu, grand jeune homme mince portant un baise-en-ville en bandoulière, les conteste. Ce n’est pas lui qui se trouvait au volant de la voiture au moment de l’accident. Il ne peut donc en être tenu pour responsable.
Les faits sont simples, mais l’histoire avancée par Mathieu est rocambolesque. Le samedi 18 janvier 2020, au petit matin, une voiture a percuté par la droite celle de Kevin à proximité du parking du Glacis, à Luxembourg. Un homme est sorti de la voiture avant de remonter à bord et de prendre la fuite, selon le témoin qui s’apprêtait à rentrer chez lui après une soirée avec sa compagne. «Je n’avais pas de constat sur moi. J’ai proposé de prévenir la police. C’est à ce moment-là qu’il est remonté en voiture et est parti», s’est souvenu le Belge à peine plus âgé que Mathieu.
La version du prévenu est tout autre. D’entrée de jeu, à la barre, il affirme : «Je ne prêterai plus jamais un véhicule à quelqu’un dont je ne connais pas exactement l’identité.» Le jeune homme prétend avoir remis les clés du véhicule à un certain Abdel lors d’une soirée dans une boîte de nuit située avenue de la Faïencerie. «J’avais rencontré Abdel à deux ou trois reprises en vacances et je l’ai revu ce soir-là parce qu’il était de passage au Luxembourg. Il m’a demandé de lui prêter ma voiture. J’étais très alcoolisé, je n’avais pas toute ma tête ce soir-là», explique-t-il. Abdel aurait donc embouti la voiture de Kevin. Pas lui. Pourquoi pas ?
La question aurait pu être vite tranchée. Le juge a demandé à Kevin si la personne assise sur le banc des prévenus était la même que celle qui avait pris la fuite après avoir embouti sa voiture. Mais Kevin n’a pas pu l’affirmer avec certitude. «C’était il y a trois ans. Je ne me souviens plus à quoi il ressemblait», reconnaît-il sans vouloir s’avancer. Ce qui arrange la défense.
«Des déclarations peu probables»
Abdel aurait déposé la voiture en France «avec les clés à l’intérieur», selon le prévenu qui ne se serait pas rendu compte qu’elle était accidentée quand il l’a ramenée à son vrai propriétaire, le lendemain. «Je n’avais pas de voiture à ce moment-là», note le prévenu. Il avait donc prêté une voiture qu’il avait lui-même empruntée à quelqu’un d’autre.
«Qui vous a reconduit chez vous après votre soirée en boîte de nuit ?», tente de savoir le président. «Un ami dont je ne souhaite pas donner l’identité parce qu’il voyage beaucoup et qu’il ne se déplacera pas jusqu’au tribunal», répond Mathieu froidement. Le prévenu tient à entretenir le mystère alors que ce mystérieux personnage aurait peut-être pu le disculper en confirmant sa version des faits.
L’histoire, si elle est vraie, paraît bien étrange. La représentante du parquet a du mal à y croire et ne s’est pas montrée impressionnée par «les déclarations peu probables» du prévenu. Et ce, d’autant plus qu’elles ne sont pas corroborées par les différents protagonistes. Elle a requis une peine de 18 mois d’interdiction de conduire à l’encontre du prévenu et ne s’est pas dite favorable à un sursis étant donné une précédente condamnation du jeune homme pour conduite en état d’ivresse.
L’avocat du prévenu, Me Paris, a plaidé l’acquittement. Il a expliqué que l’intention de commettre un délit de fuite n’était pas donnée dans le chef de son client. Il a également profité du fait que le témoin ne soit pas en mesure d’identifier formellement le prévenu comme étant l’auteur de l’accident et du délit de fuite. Rien ne prouve que Mathieu était au volant de la voiture au moment des faits.
Le prononcé est fixé au 9 mars.