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Dei Lénk, seule contre le Conseil d’État


Le député déi Lénk Marc Baum réclamait depuis un an une réaction du parquet. Les autres partis restent silencieux.  (photo Julien Garroy)

Perquisition, conflits d’intérêts, violations du secret professionnel… Le Conseil d’État est sous les feux des seuls projecteurs de déi Lénk qui réclame une réforme en profondeur de l’institution.

Au fil des discussions avec les présidents successifs du Conseil d’État, la haute corporation se porte bien et n’a pas besoin d’une réforme en profondeur pour y instiller plus de transparence ou de légitimité. Avec la perquisition dans ses locaux le 4 octobre dernier, le discours devrait changer.

Depuis le courriel malheureux du conseiller Lucien Lux envoyé à son client Flavio Becca, les soupçons d’opacité et de conflits d’intérêts sont devenus palpables et ont conduit à une situation inédite. Lucien Lux, représentant du LSAP au Conseil d’État depuis 2013, se retrouve dans une position très inconfortable. L’ancien ministre à la tête de la société Minga SARL ne compte qu’un seul client, Flavio Becca, qui lui assure des dividendes de l’ordre de 300 000 euros, comme le révélait Reporter.lu.

Alors que l’avis sur le projet de loi relatif au virage ambulatoire n’était pas encore adopté, Lucien Lux l’avait envoyé quelques heures plus tôt à son seul et unique client intéressé par l’ouverture de cabinets privés extrahospitaliers. Dès que cette information a circulé, déi Lénk a demandé des comptes et, à ce jour, c’est le seul parti à s’émouvoir de ce flagrant conflit d’intérêts.

Un an plus tard, la police judiciaire, sous la direction d’un juge d’instruction et en présence d’un magistrat du parquet de Luxembourg, a organisé une perquisition dans les locaux de la haute corporation dans le cadre d’une information judiciaire ouverte sur la base d’un réquisitoire du parquet de Luxembourg des chefs d’abus de biens sociaux, de blanchiment, de violation de secret professionnel et de recel de violation de secret professionnel.

Cette communication du parquet met en cause Lucien Lux, qui est suspecté d’avoir divulgué un document non public au moment des faits et tombant sous son secret professionnel dans le cadre de ses activités au sein du Conseil d’État.

L’ancien président Christophe Schiltz (LSAP) se targuait encore dans nos colonnes de l’indépendance de l’institution. «Ce qui est important, c’est que nos avis soient élaborés de façon indépendante. Il faut éviter une politisation, une pression de l’extérieur sur les conseillers, pour qu’ils puissent travailler en tant que collège, en toute sérénité. Je pense que cela fait la force du Conseil d’État de savoir que les avis ont été rédigés de manière indépendante, sans pressions indues du gouvernement, de la Chambre ou d’autres. Les membres des différentes commissions sont connus et l’on sait laquelle va analyser le projet de loi soumis. Notre autre force, c’est que la très grande majorité des avis sont adoptés à l’unanimité. Il n’y a pas de clivage politique comme à la Chambre des députés», nous disait-il.

Conflits d’intérêts

Clivage politique, peut-être pas, mais conflit d’intérêts, certainement. Le cas de Lucien Lux n’est pas isolé en matière de conflit d’intérêts, mais il est le seul à être passé par le comité de déontologie, composé de trois membres effectifs et de trois membres suppléants désignés par le Conseil d’État «en raison de leur expérience et de leur autorité morale en matière de déontologie professionnelle». Ils ont rendu leur rapport au Bureau du Conseil d’État avec les résultats de l’enquête et ont adressé un blâme au conseiller Lucien Lux qui ne comptait pas démissionner.

Selon la gravité de la faute, Lucien Lux risquait l’avertissement, la réprimande, l’exclusion temporaire des fonctions avec privation de l’indemnité pour une période de six mois au maximum ou la révocation, qui emporte la perte du titre.

Si l’instruction concernant Lucien Lux suit son cours, le parti déi Lénk ne lâche pas le morceau. Dès l’année dernière, le député Marc Baum avait déclaré qu’une enquête pour corruption devait être ouverte. Le parti de gauche était déjà à l’époque «le seul parti à faire pression dans ce dossier où la crédibilité de nos institutions est en jeu», dit-il aujourd’hui.

Après cette perquisition et les poursuites du parquet, déi Lénk rappelle que ses revendications de l’été 2023 «deviennent de plus en plus urgentes». Pour le parti, les membres du Conseil d’État doivent divulguer leurs intérêts et leurs conflits d’intérêts potentiels. Il y a urgence à réformer fondamentalement le Conseil d’État pour le rendre plus démocratique et transparent et, toujours selon déi Lénk, il faut des mesures disciplinaires à l’encontre de Lucien Lux, «s’il refuse toujours de démissionner».

Les socialistes doivent choisir un nouveau conseiller qui remplacera le départ de Christophe Schiltz. Le nom de Max Leners circule avec plus ou moins d’insistance. L’auteur d’un brûlot sur l’actuel Premier ministre Luc Frieden pourrait secouer le cocotier.