La législation en matière de prévention et de protection des victimes de violences, essentiellement des femmes, est insuffisante. Le parti d’opposition propose du neuf.
Le député Marc Baum l’admet, la proposition de loi que déi Lénk a déposé cette semaine à la Chambre est un gros morceau, «complexe». Ce n’est pas une modification qui porte sur deux ou trois articles, mais bien un texte qui veut s’apparenter à «une pierre dans l’édifice des relations de genre non violentes qu’il s’agit d’édifier au plus vite», selon le parti d’opposition.
«Nous nous sommes inspirés des recommandations du Grevio (Groupe d’experts sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique) et des bonnes pratiques dans nos pays voisins, notamment la France et la Belgique», indique Ana Correia da Veiga, membre du comité national.
Elle rappelle quelques chiffres qui justifient une amélioration de la législation. Au Grand-Duché de Luxembourg, selon une étude du Statec, datant de 2020, près d’un tiers des femmes ont subi des violences physiques, plus d’un quart des violences sexuelles et 6,7 % des violences économiques au cours de leur vie.
Le pourcentage exact des violences domestiques et des récidives n’est pas connu, mais le nombre de poursuites judiciaires des auteurs de violences reste faible en comparaison.
Si 9,8 % de femmes ont été victimes de violences physiques, sexuelles ou économiques en 2020, il y a eu, en comparaison, 81 instructions ouvertes en matière de violence domestique en 2022 et 983 interventions policières (soit 0,3 % des femmes recensées au Grand-Duché de Luxembourg cette année-là).
Selon Julie Oé, membre du comité national, le texte repose aussi bien sur la prévention que la protection. Côté prévention, déi Lénk propose que les officiers et agents de la police judiciaire informent le procureur général d’État dans les meilleurs délais s’il existe des indices sérieux qu’une personne a commis, à l’égard d’une personne avec laquelle il cohabite dans un cadre familial, une infraction contre la vie ou l’intégrité sexuelle, physique, économique ou psychique, a fortiori si cette personne est un récidiviste.
Au chapitre de la protection, le parti énonce un certain nombre de nouveautés, dont l’assistance juridique pour toutes les victimes. Actuellement, c’est l’auteur qui peut en bénéficier automatiquement si ses moyens ne lui permettent pas d’assurer sa défense alors que la victime doit faire des démarches pour l’obtenir.
Déi Lénk propose encore une prise en charge des enfants, qui doivent être considérés en tant que victimes, comme toute personne qui a subi un préjudice causé par la violence fondée sur le genre.
Dans le même ordre d’idées, le texte propose la suspension de l’autorité parentale et du régime du droit de garde, de visite et d’hébergement des mineurs victimes ou covictimes et surtout, la suppression de la nécessité du consentement des deux parents d’un enfant exposé à la violence domestique ayant besoin d’un accès à un soutien et des soins psychologiques.
Nouvelle infraction
Le parti d’opposition veut que soit créée une nouvelle infraction pénale : la violence économique. «Elle ne nécessite pas de proximité physique, elle peut continuer même après la fin de la relation entre partenaires ou familiale, par exemple, via le refus de payer les pensions alimentaires ou la pression exercée sur la victime d’accepter des accords financiers inéquitables», selon la proposition de loi.
Cette nouvelle infraction a aussi pour but de protéger les personnes vulnérables en général, «alors que ces dernières sont également susceptibles de devenir victime de telles violences de la part d’une personne qui exerce une autorité sur la personne vulnérable».
Enfin, déi Lénk aimerait aussi une modification du code de procédure pénale pour que la victime soit informée sans délai de ses droits. Cela concerne le soutien qu’elle peut obtenir y compris, le cas échéant, des informations de base concernant l’accès à une aide médicale, à toute aide spécialisée, notamment une aide psychologique, et à une solution en matière de logement. Sur ce dernier point, la contribution financière ne peut pas dépasser 10 % du revenu mensuel brut de la femme.
Le parti d’opposition vise ici également l’indemnisation à laquelle la victime aura droit et qui lui sera systématiquement octroyée par l’État en cas de non-paiement.