Pour avoir menacé et extorqué un dealer de Differdange et séquestré son ami en 2015, six hommes ont été condamnés mercredi après-midi à de lourdes peines. Jusqu’à 18 ans ferme pour certains.
« Cette affaire a permis d’arrêter un dealer. » La défense avait tenté le tout pour le tout dans ses plaidoiries. De l’avis de Me Frank Rollinger, l’avocat de l’un des prévenus, impossible de prononcer une condamnation pour le vol des produits d’activité illicite… à l’aide de violences et de menaces. Car, techniquement, le dealer n’en aurait pas été propriétaire. La 13e chambre criminelle a déclaré le moyen soulevé par la défense non fondé. Mercredi après-midi, elle a condamné les six hommes âgés de 27 à 33 ans à de lourdes peines.
Dans son jugement, elle a dans les grandes lignes suivi les réquisitions du parquet. En raison de leurs antécédents spécifiques, de la gravité et la répétition des faits, le substitut principal réclamait 18 ans de réclusion contre les prévenus «Goma» et José M. La chambre criminelle a donné suite à cette demande. La peine de José M. est toutefois assortie d’un sursis de 10 ans.
Seize ans avaient été requis contre Sandro S. «Même s’il se présente ici comme un enfant de chœur, il est très dangereux. Il intimide des témoins», avait considéré le substitut principal. Il écope au final de 18 ans ferme. Tout comme le prévenu Luis D., qui ne s’est pas présenté à son procès. Seize ans avaient été requis à son encontre.
David D., qui bénéficie de circonstances atténuantes, est condamné à 8 ans de prison, dont 4 avec sursis. Le parquet demandait 10 ans. La peine la moins sévère (7 ans) est pour Kevin D. : «C’est le seul dont la version coïncide avec celle des témoins», avait estimé le parquet, qui réclamait néanmoins 8 ans.
Tout au long des débats, les prévenus avaient tenté de sauver leur peau, soit en contestant leur présence sur les lieux du crime, soit en minimisant leur rôle. «Certes la victime n’est pas exempte de tout reproche. Oui, c’est un dealer qui a eu un business lucratif. Mais ce n’est pas parce qu’on est délinquant qu’on ne peut pas être victime et qu’on est d’office menteur», leur avait rétorqué le substitut principal.
Séquestration, extorsion, vol à l’aide de violences et menaces et blanchiment. Voilà les infractions que le parquet reprochait aux prévenus. «Le dealer était une proie facile. Comme il était un criminel, ils pensaient qu’il n’irait sûrement pas se plaindre. Ils n’ont eu aucun scrupule à recourir à la violence.»
Trois victimes se voient allouer 15 000 euros
Le premier fait reproché remontait à l’été 2012. Dans un appartement à Audun-le-Tiche, le dealer racontait avoir été menacé et séquestré à l’aide d’une machette et d’un fer à repasser chaud. On aurait tenté de lui extorquer 20 000 euros. Son calvaire aurait pris fin quand ses agresseurs avaient pu mettre la main sur les 500 g de marijuana qu’il avait cachés dans un bois au Pakebierg à Belvaux. Visiblement les juges n’ont pas retenu ce premier fait de 2012, mais les trois suivants.
Le dealer avait parlé d’une nouvelle attaque le 29 décembre 2014 au soir. En l’espace d’un mois, il avait été trois fois visité à son domicile à Differdange. Armés d’un pistolet ou d’un couteau, les agresseurs auraient notamment soustrait 2 kg de marijuana, 30 000 euros en liquide et un sac de stupéfiants. La dernière fois, ils s’en étaient même pris à son ami de 24 ans qui promenait son chien. Ils l’avaient embarqué dans une VW Golf, frappé, blessé de deux coups de couteau dans la jambe, puis sur la banquette arrière, avec le couteau sous la gorge, forcé d’appeler son ami pour lui annoncer leur arrivée. «Ils l’ont kidnappé pour faire plier le dealer à leurs exigences», avait analysé le parquet. C’était le 25 janvier 2015. Après ce fait, le dealer avait décidé de tout déballer à la police. La suite, on la connaît.
Les six hommes ont également été condamnés à indemniser le dealer. Il se voit allouer 5 000 euros au titre du préjudice moral. Les trois hommes reconnus coupables du fait du 25 janvier doivent verser 8 000 euros à son ami séquestré. Enfin un autre jeune homme présent lors d’une attaque dans l’appartement à Differdange se voit allouer 2 000 euros au titre du préjudice moral.
À part «Goma» qui purge actuellement une peine à Arlon pour des faits de rébellion, aucun des condamnés ne se trouve en prison. Ils ont 40 jours pour interjeter appel contre le jugement.
Fabienne Armborst