La chambre criminelle a entendu mercredi après-midi, au 10e jour du procès, la mère du prévenu Lee K. C’est elle qui avait alerté la police en novembre 2016 après avoir découvert la vitre cassée de la Mercedes. Son audition s’est terminée par une véritable passe d’armes.
«Je veux que toute la vérité sorte.» De façon déterminée, la mère du prévenu Lee K. s’est avancée mercredi après-midi à la barre de la 13e chambre criminelle. Elle voulait prêter serment. C’est elle qui avait appelé la police, le 16 novembre 2016, après la découverte de la Mercedes A170 avec la vitre côté passager cassée et les vêtements ensanglantés dans le coffre.
La mère n’a pas fait mystère de la consommation de cocaïne de son fils. Quand il avait mauvaise mine à l’époque, c’est parce qu’il avait de nouveau «pris du sucre glace ou mangé un Berliner». C’est ainsi qu’ils en parlaient. Elle ne cache pas avoir contrôlé son fils à l’époque. Souvent réveillée la nuit, elle aurait suivi une partie de ses va-et-vient nocturnes via la caméra installée dans leur entrée de garage. Elle aurait eu l’habitude de noter toutes ses observations. Ce qui lui fait dire qu’il est impossible que son fils soit sorti le 13 novembre entre 21 h et 22 h 30 avec la voiture. Il s’agit du fameux soir où la prostituée a été tuée avant d’être déposée sur le parking du Fräiheetsbam. La mère en est sûre : «Car sinon on aurait eu un fantôme à la maison.»
Face à une présidente qui connaît le dossier sur le bout des doigts, ces affirmations ne sont toutefois pas passées comme une lettre à la poste : «Votre déposition est en contradiction avec une grande partie des éléments objectifs du dossier.» Mais c’est surtout le portrait, tout sauf flatteur, que la mère a dressé du second prévenu, Alden S., qui a mis le feu aux poudres mercredi après-midi. «Alors que son nom a été mentionné dès le 16 novembre, Alden S. n’a été arrêté que deux jours plus tard. Il avait le temps de se préparer. Ce n’est pas juste!» Sur quoi le procureur d’État adjoint est intervenu : «Ce qui n’est pas juste dans ce dossier, c’est que deux personnes ont perdu la vie!»
Alden S. : «Je ne connais pas cette dame»
Depuis le banc des prévenus, Alden S., qui avait longuement suivi en secouant la tête, n’a pas non plus tardé à se lever. «Je ne connais pas cette dame.» Et d’ajouter en montrant une femme dans le public : «Je pensais que la mère de Lee K., c’était elle.» Stupéfaction dans la salle. «Mais moi je connais bien Alden S.», a réaffirmé la mère.
«Pourquoi aujourd’hui, en 2019, parle-t-elle autant d’Alden S.? Pourquoi quand elle a dénoncé son fils n’a-t-elle pas tout de suite mis en cause Alden S. et raconté aussi qu’il était le dealer de son fils?», voulait savoir Me Pim Knaff de la part du témoin. Effectivement, comme le confirmera la présidente, lors de sa première audition à la police, la mère n’avait pas parlé d’Alden S. Et Me Knaff d’insister : «Mon client n’est pas un ange, mais ce n’est pas non plus un assassin!»
«Je commence à regretter d’avoir appelé la police, a alors rebondi la mère. Car on parle toujours d’un ange et d’un diable…»
Le ton est encore monté d’un cran quand la mère a abordé une confidence que son fils aurait obtenue d’un codétenu à Schrassig : afin de sortir de prison en mai 2017, Alden S. aurait payé un avocat 10 000 euros et un autre aurait reçu 50 000 euros… Une déclaration qui n’est pas tombée dans l’oreille d’un sourd. «Vous insinuez par-là que les juges qui ont signé la sortie d’Alden S. ont été payés 50 000 euros. Même si on entend cela, on peut faire le tri de ce qu’on répète devant la chambre criminelle sous serment!», l’a avertie la présidente.
C’est là que Lee K. s’est manifesté depuis le box des prévenus. «Comment est-ce possible qu’Alden S. sorte au bout de six mois de détention préventive? Et moi je suis en prison depuis trois ans?» La présidente : «C’est ce qu’on appelle la mise en liberté provisoire! Mais cela ne change rien au moment du jugement.»
Observateur de cette passe d’armes, le procureur d’État adjoint finira par constater : «Christopher O. et Florentina E. sont les noms les plus importants dans ce dossier. Ce sont eux, le dealer et la prostituée, qui ont perdu la vie. Mais on n’en a pas beaucoup parlé aujourd’hui. Dans votre déposition, vous avez fait des reproches dans tous les sens.»
«Cherchez-vous un alibi pour votre fils?»
En tant que mère du prévenu, la situation n’est certainement pas facile pour elle, a-t-il poursuivi. «Malgré cela, vous racontez une autre version que celle que vous aviez rapportée la première fois à la police. D’où viennent ces nouvelles histoires? Cherchez-vous à fournir un alibi à votre fils?» Il terminera néanmoins sur une note plus positive : «Pour vous, c’était pénible d’appeler la police, mais vous avez eu le courage de le faire, à la différence d’autres. Et la série s’est arrêtée à deux morts!»
La chambre criminelle n’aura pas eu le temps d’entendre les deux autres témoins prévus mercredi après-midi. Suite du procès ce jeudi après-midi.
Fabienne Armborst
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