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De plus en plus de jeunes en crise psychique


Il ne s'agit pas forcément de jeunes ayant une maladie psychique mais aussi ceux qui, à un moment, pour certaines raisons, craquent, explosent. (illustration Isabella Finzi)

Beaucoup de questions, peu de réponses. Les lycées se sentent démunis face à l’augmentation d’élèves en crise psychique. De jeudi à samedi, des actions seront menées pour sensibiliser et informer.

« Nous avons constaté dans le lycée qu’il y a de plus en plus d’élèves qui entrent en crise aiguë psychotique, remarque Robert Kanz, attaché de direction au Lycée technique pour professions de santé (LTPS). Je ne parle même pas des crises que nous pouvons calmer, mais de celles graves où nous devons faire appel à une ambulance et qui sont suivies d’un internement psychiatrique. Nous avons un service d’orientation psychologique et scolaire, mais ce n’est pas de la psychologie clinique. Il manque une structure d’intervention qui permettrait que quelqu’un puisse intervenir pour aider », déplore-t-il, avant d’ajouter : «Nous avons déjà eu trois cas cette année dans notre lycée, tout comme un autre lycée de l’est du pays.»

Un constat alarmant qui désempare le corps enseignant qui se retrouve démuni face à ce phénomène. Pour Robert Kanz, la situation n’était pas la même lorsqu’il a commencé à travailler dans le lycée, il y a une dizaine d’années. Lui et ses confrères ne peuvent que remarquer que ces incidents sont de plus en plus fréquents.

Le LTPS a donc décidé de réagir en trouvant des partenaires: le lycée des Arts et Métiers (LAM), les ASBL Liewen Dobaussen et Mathëllef, les Hôpitaux Robert-Schuman ainsi que la Spuerkeess. Ce groupe s’est constitué l’an passé en vue d’entamer des discussions sur des problèmes psychologiques et psychiques d’élèves de leurs lycées afin de trouver des solutions. Pour y parvenir, le groupe s’est mis en quête de partenaires professionnels avec des compétences adéquates pour encadrer ces jeunes avec des problèmes psychiques multiformes.

Des rencontres constructives, puisqu’elles ont débouché sur plusieurs jours d’action, qui auront lieu de jeudi à samedi. Il s’agit d’un ensemble constitué d’une conférence, d’ateliers, d’un groupe de réflexion et d’un concert, le tout réuni sous un nom : les «NormArtFolies 2019 / Art et psychiatrie».

Le risque des étiquettes

À ce premier groupe s’est associée la Spuerkeess, qui partage le constat que la maladie psychique est malheureusement devenue un phénomène de plus en plus présent au sein de la population résidente, affectant également ses employés et leur famille. Pour l’attaché de direction du LTPS, cette manifestation est aussi le moyen de sensibiliser le public aux difficultés psychiques qui n’empêchent pas d’avoir une vie normale, même si cela pose des problèmes.

Grâce à l’intervention de professionnels, le corps enseignant espère aussi avoir des réponses à leurs questions. Combien de cas cela représente-t-il ? Pourquoi cette augmentation de cas ? Comment les employés de lycées peuvent-ils réagir face à une personne en souffrance psychique ?…

«Il y a aussi l’aspect humain, nous ne voulons surtout pas coller des étiquettes sur les personnes concernées», ajoute Robert Kanz.

Il ne s’agit pas forcément de jeunes ayant une maladie psychique mais aussi ceux qui, à un moment, pour certaines raisons, craquent, explosent. «Dans un premier temps, on se demande si la crise est grave ou passagère», explique l’attaché de direction, qui émet l’hypothèse que cette augmentation est peut-être liée au stress. Il souligne aussi qu’«’il y a de plus en plus de jeunes qui ont du mal à trouver un but à leur vie».

Un retour en cours difficile

L’initiative a été bien accueillie par les élèves et, surtout, les parents d’élèves, notamment ceux ayant un enfant en souffrance. Une fois la prise de conscience qu’un problème existe, ces derniers «nous disent souvent se sentir délaissés», souligne Robert Kanz.

Un autre problème se pose, celui du retour en cours d’un élève après la crise et, éventuellement, un temps de convalescence. «Il y a désormais une structure à Junglinster qui a été créée pour recevoir les élèves avant leur réintégration en établissement scolaire. Nous avons, par exemple, une élève qui a fait une tentative de suicide et qui est partie une année. Elle veut revenir dans le lycée, mais comment va-t-on faire ? Que va-t-on pouvoir lui dire et ne pas dire ? C’est sensible et complexe. Et, surtout, il ne faut qu’elle perde la face avec les autres élèves, qui ont certainement vu ou entendu parler de ses problèmes. D’ailleurs, que va-t-on dire à la classe ? Le Grand-Duché est un microcosme, on voit beaucoup de gens qui ont une mauvaise idée des personnes qui ont des problèmes psychiques, contrairement à la France ou l’Allemagne, où il y a des dizaines de millions d’habitants.»

Un obstacle qui ne doit pas entacher la réinsertion des élèves sensibles ni dans le présent ni dans le futur. En fin de semaine, des ateliers permettront aux élèves de travailler avec des personnes qui ont des maladies psychiques afin de les sensibiliser.

Le groupe de partenaires compte bien poursuivre son travail au-delà du mois de mai. Une autre manifestation sera sans doute organisée l’année prochaine avec d’autres intervenants, ateliers et questions.

Audrey Libiez

Programme des actions sur le site ltps.lu