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De la haute mathématique pour accroître l’offre de logements


Les ministres Yuriko Backes (Finances), Henri Kox (Logement) et Taina Bofferding (Intérieur) ont présenté vendredi les contours des futurs instruments fiscaux pour contrer la spéculation foncière (de g. à dr.). (photo Julien Garroy)

Le gouvernement a dévoilé vendredi le très attendu paquet fiscal qui, par le biais d’une taxation plus équitable et incisive, doit enfin endiguer la spéculation sur les terrains et les logements vacants.

Un premier montant est connu. Le propriétaire d’un terrain de six ares situé à Mersch qui refuse, pendant vingt ans, toute réalisation d’un projet immobilier sur ses terres, devra s’acquitter d’une taxe annuelle de plus de 23 000 euros. Le principe est qu’au bout de cinq ans sans viabilisation du terrain, un impôt de mobilisation initial de 75 % sera perçu sur le montant de l’impôt foncier, chiffré à 344 euros dans cet exemple de calcul. Le taux augmente progressivement, avec une courbe fortement ascendante à partir de la 10e année où le terrain constructible reste désert.

Les montants du futur impôt sur la mobilisation de terrains, une taxe sur la spéculation qui ne porte pas son nom, seront-ils vraiment suffisants pour amener les magnats du foncier à bouger ? «Nous sommes bien d’avis que le nouveau paquet fiscal va produire ses effets. Aujourd’hui, il n’existe aucune obligation fiscale pour un propriétaire qui décide de laisser un terrain vide ou un logement inoccupé. Il faut regarder ce nouvel impôt comme la pièce d’un plus grand puzzle», répond la ministre de l’Intérieur, Taina Bofferding.

«Il nous faut intervenir sur le marché»

Vendredi, le gouvernement a levé le voile sur trois de ces pièces d’un même puzzle, qui comprend aussi le Pacte Logement 2.0, la nouvelle loi sur le bail à loyer, mais aussi le «Baulandvertrag». Ce dernier instrument, également en voie de finalisation, prévoit qu’un terrain constructible qui n’est pas viabilisé au bout d’un certain délai est reclassé en zone verte, et perd donc toute sa valeur foncière.

Le triptyque composé par le nouvel impôt foncier (IFON), le futur impôt sur la mobilisation de terrains (IMOB) et le futur impôt sur la non-occupation de logements (INOL) doit cependant peser lourdement dans l’offensive que la coalition au pouvoir veut mener pour créer davantage de logements au Luxembourg. «Nous avons besoin de mesures contraignantes. Il ne suffit plus d’en discuter, mais il nous faut maintenant intervenir directement sur le marché», clame Taina Bofferding.

La base qui permettra de mobiliser davantage de terrains constructibles est l’impôt foncier, figé depuis… 1941. Plus de 40 experts en mathématiques, architecture, urbanisme, informatique ou fiscalité, issus de huit ministères et administrations, ont développé une nouvelle formule de base pour calculer l’impôt foncier, que nous reproduisons ci-contre. «Il ne s’agit pas d’une formule magique qui va résoudre du jour au lendemain la crise du logement, mais elle permet de rendre plus équitable l’imposition des propriétaires fonciers», précise la ministre de l’Intérieur.

Vers un impôt foncier plus équitable

Le calcul du nouvel impôt foncier se base sur une valeur de référence de 1 000 euros par are. Seuls les terrains constructibles seront taxés. Plusieurs critères seront appliqués pour définir, à partir de la valeur de référence, un impôt foncier équitable. Sont pris en compte la surface du terrain, le potentiel constructible, les services de proximité ou encore la situation géographique par rapport à la ville de Luxembourg.

L’impôt foncier restera une taxe communale qui devra se situer dans une fourchette comprise entre 9 % et 11 % de la valeur de base. Elle servira de base à la définition du futur impôt national visant à mobiliser les terrains, expliqué plus en détail ci-dessus.

S’y ajoutera une taxe visant à éviter que des logements existants restent inoccupés. «Laisser des logements vides est un luxe que l’on ne peut pas se permettre au vu de la pénurie qui existe», souligne le ministre du Logement, Henri Kox. Un registre national sera établi pour identifier tous les logements vides.

La ministre des Finances, Yuriko Backes, souligne que l’objectif de l’État n’est pas de générer des millions d’euros de nouvelles recettes fiscales : «C’est un peu contre-nature pour un ministre des Finances, mais nous espérons effectivement que les nouvelles taxes généreront le moins de recettes possible. Cela voudrait dire que le nouveau régime fiscal produit l’effet souhaité, à savoir la création de davantage de logements.»

Les travaux législatifs s’annoncent très lourds et très longs. Au mieux, le nouvel impôt foncier serait redevable à partir de 2027.

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Les petits propriétaires ne seront pas pénalisés

Le nouvel impôt foncier sera doté d’un abattement sur la résidence habituelle. Voici un exemple de calcul : la valeur de base (calculée à partir de la valeur de référence) d’un terrain de 6 ares situé à Mersch est estimée à 3 438 euros. Le propriétaire-résident bénéficie d’un abattement de 2 000 euros. La valeur sur laquelle est calculé l’impôt foncier (10 % dans cet exemple) passe à 1 438 euros, avec, donc, un montant de 143,8 euros à verser par an, au lieu de 343,8 euros sans abattement.

Le nouvel impôt sur la mobilisation, perçu sur un terrain laissé vide pour permettre à un enfant du propriétaire d’y construire un logement, comprend aussi un abattement forfaitaire par enfant qui n’a pas encore atteint 25 ans. Voici un exemple de calcul : l’impôt perçu sur un terrain de 6 ares situé à Mersch et laissé vide pour un enfant sera plafonné au bout de 20 ans à 257 euros par an, au lieu de 23 207 euros pour un terrain «classique» (voir graphique ci-dessous).