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De la diligence à la voiture autonome : Emile Weber ouvre l’album de famille


Emile Weber est aujourd'hui le plus jeune de la famille à siéger au conseil de gérance. Carlo Beaumet, ancien employé, l’a vu grandir. (Photo : Fabrizio Pizzolante)

Savez-vous que le leader de la mobilité dans la Grande Région doit ses débuts à un jeune paysan de Canach et sa voiture à cheval, il y a pile 150 ans? L’un de ses héritiers raconte.

Combien de kilomètres parcourus depuis les débuts de l’entreprise de transport Emile Weber sur les petites routes de la Moselle luxembourgeoise au 19e siècle? Impossible de le dire!

En retraçant le passé de ce pilier de l’économie nationale qui célèbre ses 150 ans, c’est toute l’histoire de la mobilité qui défile en filigrane.

Avec une image emblématique : celle de Nikolas Weber, le fondateur, posant fièrement à bord de sa voiture à cheval à Canach en 1875.

Derrière lui, sa ferme de la rue d’Oetrange, qui deviendra l’Hôtel de la poste et le siège administratif de l’entreprise. De nos jours, la bâtisse est toujours occupée par l’une des 13 agences de voyages du groupe.

 

Une aventure que nous racontent, sept générations plus tard, le jeune Emile Weber, 27 ans, et Carlo Beaumet, 72 ans, directeur financier retraité depuis dix ans, qui continue pourtant de pointer deux fois par semaine au bureau. Il faut croire que lorsque l’employeur devient une seconde famille, il n’est pas si facile de couper les liens.

Et au sein d’Emile Weber, cette valeur a traversé toutes les époques. «Quand j’ai commencé en 1978, on était une cinquantaine. Le matin, les chauffeurs prenaient le petit-déjeuner à la table de la famille Weber dans la cuisine. Et à midi, un grand repas était servi pour le personnel du garage, les mécaniciens, les femmes de ménage.»

Une tradition qui se poursuit, sourit Emile : «On déjeune toujours en famille. C’est un moment privilégié où on évite de parler travail et où on voit nos grands-parents, c’est très important».

Tous, y compris les jeunes générations, sont restés vivre à Canach, le berceau historique. «On est restés soudés entre nous et avec nos collaborateurs toutes ces années, ça me rend fier.»

En retraite depuis dix ans, Carlo Beaumet (à droite) ne peut pas s’empêcher de venir au bureau deux fois par semaine. (Photo : fabrizio pizzolante)

Ce jeune diplômé a étudié la gestion et le management avec l’idée d’apporter un jour lui aussi sa pierre à l’édifice. Alors en intégrant le conseil de gérance il y a quelques mois, ses souvenirs d’enfant sont remontés : «Je nous revoyais avec les cousins, jouant à cache-cache dans les bus, le meilleur terrain de jeu. Notre maison au village était aussi un hôtel-restaurant et faisait office de siège social.»

Un lieu bouillonnant à tous les étages, tous les jours de la semaine, souligne Carlo. «Le dimanche soir, les familles qui revenaient de leur promenade sur les bords de Moselle s’arrêtaient manger une tartine au jambon.»

Premiers trajets, premiers succès

À peine quelques éléments témoignent des origines de la société. «Nikolas, qui était fermier, a lancé une activité de transport de courrier en 1875 à Canach. Avec sa diligence, il reliait la région de la Moselle à la capitale.» Les villages n’étant pas du tout desservis, l’affaire marche plutôt bien et se transmet de père en fils.

Quand la Seconde Guerre mondiale éclate, l’unique camion de la firme Weber est soigneusement caché dans les bois, sur les hauteurs du village, pour éviter qu’il ne soit confisqué par les Allemands. Stratégie payante : l’ennemi ne mettra jamais la main dessus, et le camion prendra même part au défilé de la Libération en 1945.

L’unique camion de transport dont disposait la société dans les années 1940. (Photo : emile weber)

Dès la fin du conflit, l’affaire est relancée par l’arrière-petit-fils de Nikolas, Emile Weber, qui donne son nom à la société et la développe à vitesse grand V aux côtés de sa femme Emilie, notamment en proposant du transport de passagers avec une mécanique bien huilée.

«Ils emmenaient les clients le matin à la capitale en camion, puis revenaient à vide et démontaient tous les sièges pour pouvoir faire du transport de bétail durant la journée. Le soir venu, ils nettoyaient tout, replaçaient les sièges et partaient récupérer les gens à Luxembourg», rapporte Carlo Beaumet en riant.

En 1946, la première voiture-bus est acquise. Le début d’une longue période de croissance pour l’entreprise, qui va rapidement diversifier son offre et investir dans des bus flambants neufs.

Les Rapid Canach lancés en 1946 au sortir du conflit mondial connaissent immédiatement un grand succès. (Photo : emile weber)

«Dans les années 1960, beaucoup de paysans et de vignerons qui ne s’en sortaient plus financièrement ont commencé à travailler dans les usines au sud du pays. Fernand Weber a alors ouvert des lignes spéciales pour desservir Esch et Differdange. Le Schichtebus revenait couvert de poussière!»

«C’était le marketing de l’époque!»

À la fin des années 1970, c’est l’informatisation qui s’impose : «Ça a totalement changé la distribution des catalogues de voyages, dont la mise sous pli nécessitait auparavant une trentaine de personnes.»

En parallèle, pour assurer la promotion, des tournées dans tout le pays étaient organisées pour présenter les destinations Emile Weber et fidéliser les clients. «Les épouses et les voisines confectionnaient des canapés destinés aux visiteurs. C’était le marketing de l’époque!», s’amuse Carlo Beaumet.

En 1990, près de 200 collaborateurs travaillent déjà pour le groupe, mais c’est véritablement à partir de l’an 2000 que la société va croître de façon exponentielle, pour arriver à 2 300 employés aujourd’hui, propulsant Emile Weber parmi les 20 plus gros employeurs du Luxembourg.

En 2009, suite à une expansion fulgurante de ses activités, Emile Weber s’installe à l’entrée de Canach. Le premier bus de ligne hybride est mis en circulation. (phoot : emile weber)

Sans parler de la révolution technologique en marche dans le monde de la mobilité ces dernières années, bien loin de la voiture à cheval de Nikolas. Près de 20% de la flotte roule ainsi à l’énergie électrique désormais, tandis que des projets pionniers sont menés sur le site de Canach.

«On a un partenariat avec Pony.ai qui développe la conduite autonome sur le réseau routier européen. Leurs ingénieurs travaillent ici et nous leur apportons notre expertise. On veut rester à l’avant-garde de tout ce qui se fait dans notre secteur», insiste Emile Weber.

Pour ces mêmes raisons, le groupe a investi dans la start-up suisse Twiliner afin d’ouvrir des liaisons routières en bus équipés de sièges-lits inédits.

«C’est une première en Europe. L’idée, c’est de proposer une alternative écologique aux vols courts, tout en conservant un haut niveau de confort pour une clientèle business. On desservira Zurich et Amsterdam dès cette année.» La relève est assurée.