Il s’en est fallu de peu pour que la gauche se retrouve au deuxième tour de la présidentielle française dimanche dernier. L’ex-député David Wagner (déi Lénk), qui avait déjà affiché son soutien au candidat Mélenchon par le passé, commente ces résultats.
Avez-vous été surpris par les résultats du premier tour ? Comment avez-vous réagi à leur annonce ?
David Wagner : Je n’ai pas été surpris du fait qu’Emmanuel Macron, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon constituent le trio de tête. J’espérais évidemment que Mélenchon soit au second tour car je n’excluais pas du tout cette possibilité, il en avait la force. Certaines formations à gauche auraient pu s’abstenir de présenter un candidat, comme le PCF avec Fabien Roussel par exemple, d’autant plus qu’elles n’apportaient pas de plus-value.
J’aurais par contre pensé que Macron recueillerait moins de suffrages (NDLR : il a obtenu 27,8 % des voix), mais il a sans doute bénéficié d’un vote utile, en défaveur de Valérie Pécresse (LR) : l’électorat de centre droit ou de droite a finalement préféré tout miser sur lui. Ce qui acte une réalité : La République en marche (LREM) est le parti qui rassemble le centre droit jusqu’à la droite et n’est en aucun cas un parti de gauche ou de centre gauche – ce que je pensais déjà en 2017.
À l’annonce des résultats, ma réaction était celle de la colère. Je pense qu’il y avait une fenêtre historique qui s’ouvrait si Mélenchon passait. Cela aurait renversé énormément de choses. Et comme la France jouit d’une certaine influence, de tels résultats auraient peut-être provoqué quelque chose au-delà de ses frontières.
Comme en 2017, Macron et Le Pen s’affronteront pour le second tour. Qu’est-ce que cela reflète de la France ?
Contrairement à 2017, où je ne croyais pas du tout que Le Pen puisse être élue, en 2022, c’est un autre scénario. Elle pourrait même l’emporter. Elle risque d’obtenir 40 à 45 % des voix. Ce résultat élevé de Le Pen, c’est aussi le bilan de Macron. Pendant cinq années, Macron a mené une politique très dure qui a ouvert des digues : des gens se sont fait massacrer par la police, dans certains secteurs les policiers se lâchent et on sait qu’ils sont d’extrême droite.
De plus, les grands médias tenus par Patrick Drahi et Vincent Bolloré ont constamment mis sur le devant de la scène les questions identitaires, de faux problèmes, ce qui a beaucoup conditionné le débat. La Macronie a également repris ces thèmes. Il y a eu une alliance objective qui s’est faite.
De surcroît, Macron n’a pratiquement pas voulu débattre, on n’a jamais vu ça! Difficile de faire plus antidémocratique! Mais ce n’est pas étonnant : Macron et ses copains sont pourris jusqu’à la moelle, il n’avait pas envie que d’autres candidats le confrontent.
Je n’ai par contre jamais vraiment cru à la candidature Zemmour. Mais comme il s’est positionné encore plus à droite de Le Pen, il lui a donné une certaine respectabilité. Ce qui était le but de l’opération.
En France, l’électorat de gauche est très déçu, d’autant qu’on lui demande une fois encore de faire barrage contre l’extrême droite. L’abstention à gauche semble gagner du terrain pour le second tour. Seriez-vous allé voter ?
Bien que j’aie la double nationalité, je n’ai pas le droit de vote en France, mais j’ai essayé de me projeter. Dans un premier accès de colère et de rejet, j’aurais décidé de m’abstenir, de sorte que le président sortant ait le moins de légitimité possible. Mais c’est un mauvais calcul parce qu’ils n’en ont rien à faire…
Surtout, Macron n’est certes pas un démocrate mais Le Pen est une fasciste. Il y a encore une différence et le pire est possible. Lutter sous Le Pen sera difficile, voire dangereux. Des témoignages d’antifascistes ou de personnes racisées ont prévenu que si Le Pen était élue, il y aurait des ratonnades, certains policiers pourraient aussi se lâcher. Il y a des gens qui vont en souffrir très concrètement et il faut éviter cela à tout prix.
Dans la situation actuelle, j’irais donc voter Macron – même si ça va saigner avec Macron également. II y aura encore des dérives antidémocratiques, mais les chiens d’extrême droite ne se lâcheront pas autant. Je n’ai pas envie de jouer avec la vie des autres.
J’irais voter Macron – même si ça va saigner avec Macron également
Quel impact l’élection de Macron ou de Le Pen pourra-t-elle avoir sur le Luxembourg ?
La question, c’est de savoir combien d’entre eux ont des comptes au Luxembourg ! Franchement je n’ai pas encore pensé à cette question. Je suppose que si Macron passe, ça va continuer comme avant. Par contre, si Le Pen passe, j’ignore quelle influence cela pourrait avoir sur le Luxembourg….
L’extrême droite et les fascistes dans d’autres pays pourraient s’en sortir renforcés dans un premier temps peut-être. Ou complètement affaiblis : car si elle commence véritablement à gouverner tel qu’elle le veut, on constatera très vite un appauvrissement d’une grande partie de la population. Marine Le Pen est une néolibérale. C’est de la grande esbroufe de penser qu’elle est sociale. La bourgeoise française, ou du moins une partie, va la soutenir, et elle aura besoin d’elle pour gouverner parce qu’elle n’aura pas le soutien de la masse de la population. Les gens vont peut-être voir très vite qu’elle n’arrive rien à faire, comme Trump aux États-Unis.
Il y a en tout cas eu un grand mouvement vers une gauche plus radicale. Peut-on s’attendre à des similitudes au Luxembourg pour les prochaines élections en 2023 ?
C’est très difficile à prévoir. On se demande toujours quel impact les élections chez nos voisins peuvent avoir au Luxembourg, or j’ai souvent constaté qu’il n’y en a pas vraiment. Les conditions sont quand même assez différentes.
Le combat politique va devoir se faire également dans la rue, et il se peut que s’il y a un véritablement mouvement en France en dehors des urnes, on suive cela de près, on essaie aussi de s’inspirer de ce qui se fait ailleurs.
Le vrai fasciste, c’est Macron: privation de liberté, stigmatisation de sous-hommes (les non vaccinés), gouvernement de cabinets noirs (successions de « conseils de défense » à huits clos. Etc.
A côté, MLP fait figure de dame patronesse.