Les premiers étudiants plongent dans le grand bain du codage jusqu’au 15 décembre, dernière étape avant d’avoir le droit de commencer un cursus pour devenir programmeur.
Créée il y a tout juste dix ans par le milliardaire français Xavier Niel, l’École 42 ouvrait ses portes à Paris pour former des développeurs. Ouvert 24 h/24, 7 j/7, sans cours, sans professeur, sans prérequis, gratuite et promettant à ses diplômés un taux d’embauche de près de 100 % à l’issue d’un parcours d’un an en moyenne, l’établissement séduit.
Le principe pédagogique est novateur : les élèves sont face à leur ordinateur et, un peu comme dans un jeu vidéo, ils ne peuvent franchir des paliers que s’ils ont débloqué le précédent, preuve qu’une nouvelle notion a été acquise. Quand ils arrivent à bout des neuf niveaux, ils sont certifiés.
Ni emploi du temps, ni obligation de présence
Pour y parvenir, ils doivent réfléchir, mais aussi s’entraider ou recourir à des moteurs de recherche sur internet. Cette façon d’apprendre préparerait le mieux possible au métier de codeur en entreprise, où il faut savoir faire preuve de débrouillardise et de capacités de communication. En plus, comme il n’y a ni emploi du temps ni obligation de présence, les étudiants doivent être organisés et motivés, autres qualités recherchées par les futurs employeurs, selon l’école.
Désormais, une cinquantaine de campus suivent les préceptes de cet établissement pour adultes formant et délivrant des certifications en codage, dans une trentaine de pays. Parmi ces derniers figure le Grand-Duché, où l’Éducation nationale finance le projet. Depuis le 20 novembre à Esch-Belval, «42 Luxembourg» accueille ses premiers étudiants, plus d’un an après l’inauguration de ses locaux, le temps, nous dit-on, qu’il a fallu pour régler des procédures administratives.
Une ambiance de travail détendue
D’ici à fin 2024, les premiers étudiants auront achevé le cursus et décrocheront leur certificat ou pourront choisir de se spécialiser pendant deux ans supplémentaires. Mais à entendre les organisateurs, être certifié ne serait presque qu’une formalité, par rapport à l’exigence dont il faut faire preuve pour être choisi à l’issue de l’épreuve de «la piscine», concept phare de l’École 42. Une sélection drastique, bien que ce mot soit banni du vocabulaire des encadrants : «On évite le terme sélection, c’est plus une période d’essai», explique Serge Linckels, le directeur adjoint du Digital Learning Hub.
Justement, dans la «piscine» en ce moment à Belval, ils sont 150 à avoir la tête immergée jusqu’au cou dedans, pendant encore une dizaine de jours. Venus du Luxembourg, de Belgique et de France, ils ont entre 18 et 28 ans en moyenne. Vingt-deux pour cent d’entre eux sont des filles. Répartis sur deux étages – une petite dizaine de «piscineurs» ne venant que la nuit –, ils sont assis face à leur écran d’ordinateur, souvent par petits groupes. On est bien loin du cliché du geek isolé codant seul dans sa chambre. Bien sûr, les casques audio vissés sur les oreilles sont de rigueur et la fatigue se lit sur certains visages concentrés, mais l’ambiance paraît détendue, presque potache. Pourtant, comme le confie un étudiant, être là signifie mettre sa vie entre parenthèses pendant un mois.
Des critères de sélection inconnus
«La piscine, c’est vraiment condensé, avec les examens les vendredis, le rush (NDLR : un défi compliqué à réussir en groupe le week-end), le projet… Et en semaine, vous faites le travail. Mais c’est fait pour montrer ce que c’est d’apprendre par soi-même, se motiver tous les jours à venir et à apprendre à coder. Ce n’est pas évident, c’est comme apprendre une langue étrangère», poursuit le directeur adjoint.
À l’issue de ce mois intensif, les étudiants autorisés à faire leur rentrée en février seront avertis par e-mail. Les critères de sélection demeurent inconnus : le niveau atteint, le nombre d’heures effectuées, les notes obtenues aux examens ou données par leurs pairs ou le comportement ? Sans doute un mélange de tout cela et d’autres critères, mais le flou est savamment entretenu. Même le nombre de reçus est indéterminé. Certainement le prix à payer pour trouver rapidement un emploi.
Il en manque
Pour participer à la piscine et espérer en sortir sélectionné, il faut d’abord se confronter à une série de jeux de logique en ligne pendant deux heures. En tout, 649 personnes s’étaient inscrites à cette session, 395 d’entre elles ont réussi, mais seules 150 ont plongé dans le grand bain du codage pendant un mois. Pourquoi celles qui ont passé avec succès les tests en ligne ne sont-elles pas toutes dans cette piscine ? Serge Linckels émet plusieurs hypothèses : «C’est leur choix. La date ne leur convenait peut-être pas ou elles avaient encore des obligations quelque part, voire besoin de réfléchir un peu plus…»