Depuis près de 40 ans, Danielle Ciaccia-Neuen vit avec une sclérose en plaques. Pour elle, pas question de s’arrêter. Au contraire, elle a appris à comprendre et écouter son corps et ne plus avoir peur des symptômes de la maladie.
«Je vis et je veux vivre normalement. Je veux boire un apéritif, je veux fumer une cigarette, je veux danser.» Danielle Ciaccia-Neuen ne se définit pas comme une battante. «J’aime vivre avec la maladie, mais pas contre la maladie.»
Depuis ses 25 ans, cette Luxembourgeoise cohabite avec la sclérose en plaques. Cette maladie auto-immune affecte le système nerveux central et provoque des symptômes très variables selon les personnes atteintes. «C’est une maladie aux mille visages, il n’y a pas deux personnes qui ont le même parcours», tient à souligner Danielle Ciaccia-Neuen, âgée de 63 ans. Selon les chiffres de 2023, entre 700 et 1 000 Luxembourgeois seraient touchés par la maladie.
«Au début, j’avais des fourmis dans les jambes. C’était au début du mois de mai. J’ai consulté mon médecin généraliste, il m’a donné des médicaments pour les veines, pour la circulation du sang. Mai, juin, juillet… Trois mois sont passés pour avoir le diagnostic. À ce moment-là, ce n’était pas du tout connu cette maladie. J’ai eu peur. Tellement peur. J’ai pleuré comme une folle, je ne savais pas ce que c’était.»
Habitant seule dans son appartement lors de la première crise, elle retourne vivre chez ses parents. «Je tombais tout le temps, même dans la douche.» Peu à peu, c’est l’ensemble du bas de son corps qui se paralyse. «J’étais trop gênée de demander à mes parents de m’aider, de me mettre sur les toilettes. J’avais 25 ans, imaginez quand on a déjà vécu sa vie.» Elle préfère aller à l’hôpital pour sa prise en charge médicale.
Les médecins, qui n’ont aucune connaissance sur la maladie, sont partagés. «Il n’y en a un qui voulait que je reste dans mon lit, que je ne fasse plus rien, que je prenne des médicaments, un peu comme une chimiothérapie. Et l’autre, c’était tout l’inverse. Il disait de bouger, bouger, bouger et éviter un traitement sévère.»
Danielle Ciaccia-Neuen choisit la deuxième option. Elle passe quelques mois en fauteuil roulant puis réapprend petit à petit à marcher. Quelques mois après son mariage, à 31 ans, elle est à nouveau paralysée durant plusieurs mois. Cette fois, c’est le haut de son corps. Elle ne peut plus utiliser ses bras ni bouger le tronc. Elle prend la difficile décision de ne pas avoir d’enfant, de peur de ne pas pouvoir s’en occuper en cas de nouvelle paralysie.
Et demain, ce qui m’arrive, je m’en fiche parce que ce sera demain. Il faudra trouver la solution demain et pas aujourd’hui
Danielle Ciaccia-Neuen a travaillé plus de 40 ans en tant que secrétaire et «adorait son travail». Elle a plusieurs fois changé d’entreprises. «J’ai vécu trois faillites et des suppressions d’emplois. Au moment de l’un des plans sociaux, j’étais en fauteuil roulant. Vous pensez qu’ils ont licencié qui ?». Le plus difficile a été la dernière entreprise dans laquelle elle a travaillé près de 20 ans.
«C’était horrible. J’ai eu tellement de mauvaises expériences que je ne pouvais plus aller au travail sans avoir peur. Je m’arrêtais sur la route tellement j’étais mal.» Certains collègues l’accusent de simuler des symptômes et notamment lorsqu’elle perd l’équilibre ou a des troubles visuels.
Elle finit par demander le statut handicap, auquel elle a droit en ayant la maladie. Et doit être placée en arrêt maladie. «Le médecin m’a dit « vous n’allez pas partir en retraite en fauteuil, il faut s’arrêter ».» Les trois dernières années avant la fin de sa carrière se font en dents de scie. «Je tentais d’y retourner mais après une semaine ou deux, j’étais trop fatiguée et à nouveau arrêtée.»
Un travail psychologique et physique
Depuis les premiers symptômes et le diagnostic, Danielle vit avec la sclérose en plaques. Elle et la maladie se sont amadouées et se connaissent. «J’ai appris à vraiment écouter mon corps. Maintenant, je ne vais pas courir chez le médecin à chaque petite douleur, j’attends, je me repose. J’ai trouvé un médecin qui accepte de m’accompagner dans mon chemin. Je ne veux pas quelqu’un qui me dit ce que je dois faire ou ne pas faire. Je ne veux plus ça.» Elle a effectué un travail psychologique important afin de surmonter ses appréhensions.
«La peur, ça te bloque pour tout, ça te bloque pour vivre.» Accompagnée d’une kiné, qu’elle voit deux heures par semaine, Danielle Ciaccia-Neuen fait du renforcement musculaire.
En cas de chute ou si elle doit à nouveau être en fauteuil roulant, elle espère avoir la force pour se débrouiller. La seule chose qui pourrait laisser transparaître sa maladie est sa main droite qui tremble légèrement. «Il y a un autre symptôme dont j’aimerais parler. Je suis incontinente. Peu de personnes veulent en parler, ce n’est pas agréable, mais il faut accepter. J’ai essayé tous les traitements et vu des spécialistes, mais rien n’a fonctionné.» Sans aucun traitement au quotidien, la Luxembourgeoise continue de marcher, de jardiner et s’occupe de sa tante âgée de 100 ans.
Elle profite à présent de chaque instant sans se soucier des moments à venir. «Moi, je ne sais pas grand-chose. Ni sur les médicaments qui existent ni sur des différents symptômes. Et franchement, ça m’arrange. Ça ne veut pas dire que je suis bête ou que je m’en fiche. Mais mon caractère est comme ça. Qu’est-ce que ça change que je sache ou pas ? Je dois passer par ces moments. Et demain, ce qui m’arrive, je m’en fiche parce que ce sera demain. Il faudra trouver la solution demain et pas aujourd’hui.»
La sclérose en plaques l’a sans doute aidée à devenir une meilleure personne. «Je ne serais pas la même personne. Je n’aurais jamais travaillé sur moi, sur mon couple, sur ma famille si je n’avais pas eu cette maladie. Parce qu’au moment où je l’ai eue, je me suis rendu compte qu’il fallait travailler sur beaucoup de choses. Et aussi comprendre un peu pourquoi je suis comme je suis.»
Une chorale pour apprendre des autres
Une fois par semaine depuis trois ans, Danielle Ciaccia-Neuen va chanter au sein d’une chorale. L’occasion de rencontrer de nouvelles personnes, malades ou non.
«Ça nous apprend à faire attention aux autres, à les écouter et à les respecter. Ça nous donne aussi confiance en nous-mêmes, ça nous rend fiers.» Accompagnés de Theresia Birngruber, chanteuse soliste ou dans des groupes, ils apprennent à utiliser leur voix au sein du chœur. Une façon aussi de pratiquer la respiration de manière ludique et contrôler ainsi «les nerfs et la sensibilité», selon Danielle Ciaccia-Neuen.
À l’occasion de la journée mondiale de la Sclérose en plaques ce jeudi 30 mai, la chorale du Bill donne le concert All Together à 19 h au Käercher Schlass à Koerich. Deux cent cinquante chanteurs venus de neuf chorales luxembourgeoises sont rassemblés.