Danièle Martin est la nouvelle présidente du Conseil national des femmes du Luxembourg (CNFL). Elle revient sur les enjeux du féminisme en 2017 et l’importance du renouvellement du mouvement.
On célèbrera ce mercredi 8 mars la journée internationale des Femmes. Un journée pour rappeler toutes les inégalités dont la moitié de la population fait encore l’objet, mais aussi pour célébrer leurs différences.
Des organisations comme Amnesty International parlent de droits humains et non de droits de l’homme. Est-ce que la sémantique a son importance dans la lutte pour l’égalité entre hommes et femmes?
Danièle Martin : Cela fait des années que nous utilisons ce terme. En réalité, il n’y a bien que les Français qui utilisent « droits de l’homme ». C’est dû historiquement à la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Mais à vrai dire, dans les autres langues, que ce soit en allemand ou en anglais, on parle bien de « droits humains », ce qui me paraît en effet plus juste et plus inclusif.
Le CNFL s’est exprimé sur de nombreux sujets de société en 2016 (réforme du divorce, du congé parental, prostitution, violences faites aux femmes, etc.). Est-ce que tout cela va dans le bon sens?
Vu tous les avis qu’on a donnés sur tous ces sujets, je pense qu’effectivement cela va dans le bon sens. Mais cela va prendre du temps car les mentalités doivent changer, et cela ne se fera pas en un claquement de doigts. On le voit bien avec le congé parental par exemple. Il est financièrement plus intéressant, ce qui devrait théoriquement pousser plus de pères à le prendre, pourtant ça n’est pas encore le cas. C’est donc un pas en avant, et pourvu que cela marche!
La grosse actualité en 2017, ce sont les élections communales. Comme à chaque élection, vous allez travailler à faire la promotion de la participation des femmes en politique. Qu’est-ce que vous faites concrètement pour arriver à plus de parité?
Ce qui est important pour nous c’est que plus de femmes se portent candidates, et ce n’est malheureusement pas encore le cas. La campagne « Votez Égalité » lancée par le ministère de l’Égalité des chances incitera peut-être plus de femmes à se lancer….
Je crois que les femmes n’osent pas encore assez, elles n’ont pas assez confiance en elles. Pourtant, elles sont nombreuses à s’engager dans des associations qui font beaucoup de choses. Mais franchir le pas en politique, c’est difficile car elles ont l’habitude de rester en retrait dans l’ombre, et la politique c’est une exposition publique et médiatique. C’est un cap à passer et j’espère que cette campagne va inciter plus de femmes à s’engager, peut-être pas encore pour ces élections communales, mais peut-être plus pour les prochaines élections législatives.
Il y a aussi le fait que les partis politiques doivent aussi œuvrer dans ce sens. Certains font des efforts, et puis les quotas ont été introduits pour les élections législatives et européennes. Ils sont pratiquement obligés, ce qui n’est pas le cas pour les élections communales. Pourtant, c’est un bon terrain d’apprentissage et un bon tremplin pour démarrer. Trouver des candidates, et même des candidats d’ailleurs, c’est un travail de longue haleine et de terrain qui ne se fait pas un mois avant une élection. Le ras-le-bol général envers la politique fait qu’il est difficile pour les partis de renouveler les générations et de trouver de nouveaux talents.
Selon vous, l’instauration de quotas est un passage obligé pour que la présence des femmes en politique devienne la norme ?
Oui, c’est malheureux à dire mais il faut en passer par là. Une fois que les femmes sont en place, élues, elles sont réélues et sollicitées. C’est ce que nous avons constaté avec notre Observatoire de la participation des femmes aux élections. Il est désormais prouvé que les femmes ont tout autant de chance que les hommes à partir du moment où elles sont là. Mais le problème, c’est de les amener à sauter le pas.
Cela ne vaut pas dans tous les domaines. Moi qui viens du milieu juridique, je peux dire qu’à Luxembourg les juges et les magistrats sont pour beaucoup des femmes. Mais les vacances judiciaires sont en même temps que les vacances scolaires, cela doit jouer indéniablement…
Vous avez lancé le projet « Voix de jeunes femmes » pour toucher la nouvelle génération de féministes. Quelle est votre démarche ?
Nous nous sommes aperçues au fil du temps qu’il manquait des jeunes dans notre mouvement, non seulement pour renouveler la génération au niveau du Conseil, mais également pour connaître et entendre les revendications de cette nouvelle génération de féministes qui n’ont pas les mêmes aspirations et les mêmes demandes que nous. Il a donc été mis en place une page Facebook pour pouvoir échanger.
Entretien réalisé par Audrey Somnard
Retrouvez l’intégralité de cette interview dans Le Quotidien papier de ce lundi.