Accueil | A la Une | Daniel Araujo : «Mon objectif, c’est de vivre de l’e-sport»

Daniel Araujo : «Mon objectif, c’est de vivre de l’e-sport»


Joueur semi-professionnel sur eFootball, Daniel Araujo s’est qualifié pour représenter le Luxembourg lors d’un tournoi en décembre avec les 23 meilleurs joueurs de son jeu. (Photo : DR)

Hissé au plus haut niveau du jeu vidéo eFootball pour une compétition en Arabie saoudite sous les couleurs du Luxembourg, Daniel Araujo espère y trouver une porte vers un avenir professionnel.

À 26 ans, Daniel Araujo est peut-être à un tournant de sa carrière. Trois fois champion du Luxembourg depuis 2021 sur le jeu eFootball, anciennement PES, le joueur semi-professionnel va représenter le Grand-Duché lors d’un tournoi de la Global Esports Federation à Riyad, en Arabie saoudite, en décembre prochain. Lors des qualifications européennes dimanche 1er octobre, le Luxembourgeois a décroché l’une des huit places réservées à l’Europe en terminant premier de son groupe avec 10 victoires sur 13 matchs. Un billet précieux afin de participer aux phases finales avec les 28 meilleurs joueurs mondiaux, qu’il espère être un tremplin pour atteindre le monde professionnel de l’e-sport.

Cette qualification pour Riyad parmi les 30 pays européens en lice, c’était une surprise ou un résultat attendu ?

Daniel Araujo : Honnêtement, un peu des deux (il rit). C’est une surprise, mais je savais que si j’étais dans un bon jour, j’allais faire mal aux autres et bien jouer. Quand je suis dans un bon jour, je peux battre n’importe qui et je le sais très bien. Mais il faut aussi avoir de la chance, que le jeu soit un peu favorable pour nous et les petits détails, qui parfois nous manquent, étaient avec moi ce week-end-là. Sur quelques buts et victoires, j’ai eu de la chance. Le reste, c’était mérité en tout cas.

Le jeu est sorti début septembre donc on n’a eu qu’un mois de préparation, mais je connais de très bons joueurs donc j’ai pu m’entraîner pas mal. Je suis quelqu’un qui s’enferme beaucoup, je ne le montre pas aux gens, mais la vérité c’est que je m’entraîne beaucoup. J’essaye de jouer tous les jours pendant deux ou trois heures et avec les meilleurs joueurs, avec des champions d’autres pays, pour être le mieux préparé possible et c’est ce qui s’est passé.

Comment vous appréhendez la compétition à Riyad avec les meilleurs joueurs du monde, en décembre ?

Je ne suis pas stressé pour l’instant. J’ai de l’expérience sur les gros tournois offline, avec du public. Déjà, je suis content d’être qualifié et d’être avec les 28 meilleurs joueurs. Je vais m’entraîner beaucoup pour aller plus loin encore. Je dois avouer aussi que ce sera très difficile car il y a des joueurs qui ne font que ça de leur vie, qui gagnent de l’argent en jouant, qui respirent et se lèvent en jouant et, malheureusement, ce n’est pas mon cas. Mais je ne baisse pas les bras et j’espère donc faire au moins une bonne prestation là-bas.

Je travaille à côté, je suis chauffeur livreur et préparateur de commandes. Je ne gagne rien avec l’e-sport pour l’instant

Quel est votre statut dans l’e-sport ?

Alors, je travaille à côté, je suis chauffeur livreur et préparateur de commandes. Je ne gagne rien avec l’e-sport pour l’instant. J’ai de la chance de faire ces tournois pour lesquels j’arrive à me qualifier et d’y aller sans rien payer. C’est Global Esports qui va tout payer, les frais de voyage et de logement. C’est déjà quelque chose, mais, pour l’instant, je ne gagne rien et je dois avoir mon travail pour faire ma vie en dehors de l’e-sport. Par exemple, aujourd’hui, j’ai seulement préparé des commandes donc j’ai pu avoir mon après-midi et faire une ou deux heures d’entraînement à fond.

Mon objectif, c’est de vivre de l’e-sport. J’espère avoir une opportunité avec une des équipes qui appartiennent au eFootball Pro, une compétition officielle qui se déroule tout au long de l’année. Les joueurs qui y jouent arrivent à gagner de l’argent chaque mois en représentant des équipes comme le Bayern Munich, Manchester United ou l’AS Roma. Avant de les intégrer, il faut faire de bonnes prestations dans l’année avec des tops 3 ou 4 pour se faire remarquer, mais ce n’est pas si facile. Par exemple, si au Global Esports, j’arrive à faire un podium ou à être champion, alors je pourrai peut-être avoir une porte ouverte.

D’où vient cet amour pour ce jeu ?

J’avais environ dix ans et je voyais mes grands frères jouer tout le temps, je me demandais pourquoi ils jouaient autant, puis j’ai essayé et j’ai tout de suite adoré. Puis, année par année, j’ai pris du niveau. Ça fait quatre ans que je joue sérieusement, que je suis au niveau semi-professionnel. Je regardais mes grands frères jouer et maintenant, je les bats (il rit). Avant c’étaient eux, mais ça a changé et c’est rigolo parce qu’ils essayent à fond de me battre comme ils se disent que je suis semi-professionnel. Avant, sur 20 matchs contre eux, je n’en gagnais qu’un. Maintenant, j’en gagne 19.

J’ai déjà pensé à arrêter, mais quelqu’un d’autre pourrait commencer à représenter le Luxembourg et donc prendre ma place

Est-ce possible de jouer sans se lasser ?

Parfois ce n’est pas facile, il y a des jours moins bons, je le reconnais. Il y a des jours où je fais 9 heures de travail, voire plus, et quand je rentre, je veux profiter de ma petite fille de 5 ans et de ma copine. Donc parfois, tu n’as vraiment pas envie de prendre le jeu parce que tu n’as pas la tête à ça, parce que tu es fatigué. Mais il ne faut pas lâcher. Même s’il y a des jours où je fais moins, j’essaye de jouer ne serait-ce qu’une heure ou 30 minutes pour faire quelques matchs. Du moins, j’essaye de jouer dès que possible pour ne pas perdre l’habitude parce que ça fait partie de ma vie et je ne dois pas laisser tomber. Il y a des gens qui ne s’en rendent pas compte, mais il y a du travail derrière.

J’ai déjà pensé à arrêter, mais quelqu’un d’autre pourrait commencer à représenter le Luxembourg et donc prendre ma place. C’est ce que je me disais, donc je n’ai pas lâché. Pour l’instant, je me sens encore bien et j’arrive à jouer et faire ma vie à côté. J’ai un objectif et même si ça ne dure qu’un an, je veux avoir le plaisir de représenter un club et de vivre la vraie compétition à l’année. Avoir comme une vie professionnelle, c’est ce que je désire et je pense qu’un jour, j’y arriverai.

Quelle a été la réaction de votre entourage par rapport à votre passion ?

Mes grands frères m’ont toujours soutenu et comme ils jouent aussi, je m’entraîne avec eux. C’est vrai que mes parents, au début, me disaient : « Pourquoi tu passes autant de temps à jouer ? ». Surtout quand je ne faisais pas de compétitions. Maintenant, ils comprennent comme ils voient que je vais dans beaucoup de pays, que je suis invité et donc ils me soutiennent aussi. J’aimerais avoir la possibilité de les emmener en compétition avec moi, mais pour l’instant, tout inclus c’est un peu cher, donc il n’y a qu’un délégué de la Fédération d’e-sport du Luxembourg qui vient avec moi. Un jour peut-être.