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[Cyclisme] Luc Wirtgen : «Un moment que je n’oublierai jamais !»


Luc Wirtgen, ici en avant-dernière position des Mondiaux, a vécu un grand moment. (photo AFP)

Luc Wirtgen n’a pas boudé son plaisir de se retrouver dans l’échappée matinale des championnats du monde, dimanche à Zurich. Il raconte…

Après sa longue escapade des championnats du monde, Luc Wirtgen revient sur ses Mondiaux. Juste avant de prendre le départ, aujourd’hui, de la Cro Race, course par étapes de six jours.

Dimanche, vous étiez dans l’échappée matinale des championnats du monde où vous êtes resté près de 150 kilomètres en tête. Comment avez-vous vécu ce moment ?

Luc Wirtgen : C’était génial. Ce n’était pas le plan prévu avant la course. Mais l’échappée a mis du temps à partir. Presque trois quarts d’heure. Lorsque j’ai vu de grands noms comme (Mikel) Landa, (Valentin) Madouas qui attaquaient, alors je me suis dit que le groupe serait solide. Beaucoup de coureurs voulaient anticiper en intégrant cette échappée. Même (Romain) Bardet a essayé. Du coup, j’ai décidé de tout donner pour aller dedans.

Votre groupe de tête, fort de six unités, comportait d’ailleurs des noms tels que Simon Geschke, Tobias Foss, Rui Oliveira et Silvan Dillier…

Oui, il y avait des nations comme la Suisse ou la France qui voulaient figurer dans cette échappée et je ne m’y attendais pas. Tellement de nations étaient incertaines de pouvoir faire quelque chose à la fin qu’elles voulaient être sûres d’avoir un coup d’avance.

Un peu comme sur les grandes étapes du Tour où des grands noms tentent de figurer dans la première échappée, non ?

Oui, un gars comme Foss qui a été champion du monde de chrono n’est pas un petit moteur. Si on a les jambes, on doit aller avec. C’était ma devise pour ces Mondiaux.

Comment vous êtes-vous senti dans cette échappée ?

Très bien. Tout le monde collaborait. C’était chouette, chacun faisait sa part. Personne n’a essayé de sauter un relais. C’était pour moi un moment spécial et très agréable de se retrouver devant, dans un championnat du monde.

Justement, comment avez-vous vécu ça ? 

C’était incroyable. Le premier passage était le pire. On se regardait dans l’échappée et on était étonnés. Je me souviens avoir échangé avec Geschke et Foss sur le sujet. Ils me demandaient : « Tu as mal aux oreilles aussi?« . Dans la partie la plus raide du parcours, le Zurichberg, c’est là où il y avait le plus de monde et lorsque tu sortais de là, on avait vraiment mal aux oreilles tellement le bruit du public était puissant. On était tous étonnés. Il s’agissait ici de mes deuxièmes Mondiaux élite puisque j’avais participé à l’édition 2022 en Australie (Wollongong), mais je pense que c’est différent de vivre un Mondial, soit dans le peloton, soit dans l’échappée. Les gens gueulaient à notre passage à dix centimètres de nos oreilles. C’était fantastique et j’ai souvent eu la chair de poule.

Cela donne des forces ?

Oui. Et beaucoup de supporters luxembourgeois étaient là. C’était une spirale positive. Tu avances sans réfléchir. C’était fantastique! Un moment que je n’oublierai jamais!

Revenons à vous, avez-vous reçu des messages pour votre course ?

Oui, beaucoup, c’était positif. Les Mondiaux, c’est une course très regardée à la télé. Je suis content de ma course.

Avez-vous pensé finir la course ?

Évidemment, cela aurait beau. Mais je prends le départ ce mardi du Tour de Croatie. J’y pensais un peu. Cela m’aurait fait tourner un tour et demi de plus pour plus grand-chose sinon finir. J’ai préféré m’économiser.

Vous avez débriefé ?

Oui, c’est clair que c’était bien qu’on soit représenté devant, avec moi. Ensuite, Kevin (Geniets), Michel (Ries) et Bob (Jungels) ont donné leur maximum. Nous n’étions pas les favoris, on a fait de notre mieux. Il faut comprendre qu’il y a de cela quelques années, on ne connaissait pas les coureurs qui figuraient dans l’échappée matinale.

Lorsque « Pogi » est revenu sur nous, tout le monde savait quelle heure il était…

Au moment où votre échappée se fait reprendre par les poursuivants lancés à votre poursuite, vous avez tenté de vous accrocher. Racontez…

Le contre est revenu et je me sentais encore bien. J’avais encore des réserves. Je pense que j’aurais pu rester longtemps avec eux. Car lorsqu’on voit que tout de suite dans la foulée (Tadej) Pogacar est revenu et a attaqué sans attendre dans la bosse suivante, des grands noms ont explosé cinq secondes plus tard que moi, hormis (Pavel) Sivakov qui a pu s’accrocher durant un tour. Les autres étaient tous un cran en dessous de « Pogi« . Moi, j’avais espoir que notre groupe ainsi reconstitué puisse aller plus loin que ça. J’avais l’impression que je pouvais m’accrocher encore longtemps dans ce groupe. Mais lorsque « Pogi«  est revenu sur nous, tout le monde savait quelle heure il était…

Lorsque vous le voyez passer, vous ne vous dites pas que c’est trop tôt pour lui ?

Non. Car je vous l’avais déjà expliqué, on se connaît bien puisqu’on a le même âge. Lorsque je l’ai vu passer, il m’a jeté un regard qui était parlant pour moi. Il était encore frais. J’ai tout de suite compris. Dans notre groupe, à ce moment-là, on savait tous qu’il serait champion du monde. Sans oreillette, on n’avait pas d’information sur son attaque et son retour sur nous. C’était impressionnant. J’ai aussi pensé qu’il était fou, mais je savais qu’il allait le faire.

Au Tour de Lombardie, j’aurais peut-être la chance de le voir s’il n’attaque pas au départ (il rit). C’est juste génial d’avoir un coureur comme ça!

Et pourtant, à une dizaine de kilomètres, ce n’était pas encore gagné pour lui…

Oui, il ne gagne pas avec trois minutes d’avance. Mais c’est incroyable ce qu’il fait. Même s’il avait été repris, son attaque audacieuse aurait marqué les esprits. Mais là, il gagne…

Vous pensez qu’il s’agit de son plus grand exploit ?

(Il réfléchit) C’est difficile à dire, seul lui peut le dire. Mais remporter la même année, Liège-Bastogne-Liège, Giro, Tour et les championnats du monde, il n’a pas beaucoup de monde qui a fait ça.  Son titre est plus que mérité et il représente à merveille notre sport.

Justement, certains pensent que ses exploits sont de nature à banaliser ses victoires. D’autres prétendent que ses victoires à répétition vont jusqu’à éclipser ses adversaires. Vous en pensez quoi ?

Je ne suis pas d’accord avec ça. Dans ce championnat du monde, il attaque, mais il n’est pas certain d’aller au bout. C’est son instinct qui lui dicte d’attaquer. C’est un champion qui ne veut pas avoir de regrets après la course. C’est ça qui est beau également. Il fait le spectacle.

Est-ce qu’à votre avis, Remco Evenopoel et Mathieu Van der Poel qui ont donc été battus dimanche, sont capables de faire aussi bien ?

Je pense, oui, pour Evenepoel. Pour Van der Poel, c’est un peu différent même s’il part de loin dans des courses comme le Tour des Flandres et Paris-Roubaix. Dimanche, 100 kilomètres, c’est incroyable.

Ce n’est pas frustrant pour des compétiteurs de savoir que face à des Pogacar, il n’y ait pas beaucoup d’espoir de s’imposer ?

Je ne trouve pas. Il faut comprendre que Tadej est un phénomène. Les autres équipes doivent adopter de nouvelles stratégies pour espérer le battre. C’est ça qui est aussi beau. Cette fois, il a pu compter sur la présence de Jan Tratnik dans le groupe de contre. S’il n’est pas là, qui sait ce qu’il serait advenu?

Vous devriez le revoir dans une douzaine de jours au départ du Tour de Lombardie. Vous allez le féliciter ?

Je vais attendre que ça se calme un peu, pour lui envoyer un petit message privé. Au Tour de Lombardie, j’aurais peut-être la chance de le voir s’il n’attaque pas au départ (il rit). C’est juste génial d’avoir un coureur comme ça!