Accueil | A la Une | [Cyclisme] Dan Lorang : «au début, j’ai commencé avec des courses de village»

[Cyclisme] Dan Lorang : «au début, j’ai commencé avec des courses de village»


«Intéressé par tous les sports», Dan Lorang «ne sai(t) pas où l'avenir le conduira».

Dan Lorang, sélectionné pour la sportspress.lu Awards Night, dirige la cellule d’entraînement de l’équipe Bora-Hansgrohe. Il coache également le champion du monde de triathlon longue distance, Jan Frodeno.

Dan Lorang (40 ans) se rend à Majorque avec un certain Jempy Drucker et toute l’équipe Bora-Hansgrohe pour le stage de décembre. Mardi, il s’est étendu sur sa mission, de première importance, dans l’équipe de Peter Sagan. Entretien avec le technicien luxembourgeois, passionné et passionnant, qui est justement sélectionné pour le gala de la presse, demain soir à Mondorf. «Malheureusement, étant actuellement en stage, je ne pourrai pas être présent, mais je suis très honoré de cette nomination», explique-t-il.

Expliquez-nous en quoi consiste votre activité?
Dan Lorang : Je m’occupe principalement de l’entraînement de l’équipe cycliste Bora-Hansgrohe puis ensuite, à titre individuel, de plusieurs autres athlètes et, bien sûr, de triathlètes comme Jan Frodeno.

Vous entraînez Jempy Drucker?
Non, Jempy a un entraîneur différent. Nous sommes quatre entraîneurs dans l’équipe Bora-Hansgrohe, je suis responsable de cette cellule d’entraînement, mais chaque entraîneur a la possibilité de suivre les entraînements des autres. Donc, je sais ce que Jempy réalise à l’entraînement.

D’ailleurs, à cet égard, il nous avait expliqué qu’il demanderait à ses entraîneurs la possibilité de s’aligner au départ de quelques cyclo-cross en janvier. C’est réalisable selon vous?
Nous allons effectivement en discuter après les tests qui seront prolongés dans les deux prochaines semaines. On verra son niveau de performance, mais, normalement, il y a de la place pour qu’il puisse effectivement, s’il en a l’envie, s’aligner dans ce genre d’épreuve. C’est bien de le faire en pareil cas.

C’est une grande joie d’avoir un Luxembourgeois dans notre équipe. Et peut-être dans le futur un peu plus encore, il faudra voir…

Justement, au sujet de Jempy Drucker qui n’a pas été verni la saison dernière, avec de graves chutes à surmonter, comment évaluez-vous son retour au premier plan?
Nous savons qu’il est très fort physiquement. Il était très bien intégré dans l’équipe, mais il n’a pas eu de chance, c’est vrai, l’an passé, avec ses chutes. C’était dommage pour l’équipe et pour lui. Je pense qu’il sera capable de se relancer complètement pour 2020. Je le vois faire une belle saison. C’est un professionnel, il sait que ça peut arriver. Jempy est très important pour nous sur les classiques flandriennes et il a manqué en 2019.

C’était agréable pour vous de voir arriver un Luxembourgeois dans votre équipe?
Oui, ça l’était, Jempy est un coureur attachant. Et c’est agréable de parler luxembourgeois avec lui (il rit). Et même si j’habite en Allemagne, j’ai toujours gardé une liaison avec le Luxembourg, où toute ma famille réside. Je regarde d’ailleurs avec attention tout ce qui se passe dans le sport luxembourgeois. Pour moi, c’est une grande joie d’avoir un Luxembourgeois dans notre équipe. Et peut-être dans le futur un peu plus encore, il faudra voir…

Pour en revenir à vous et à votre histoire assez singulière, comment se retrouve-t-on à la tête de la cellule d’entraînement d’une des équipes les plus fortes au monde et comment se retrouve-t-on entraîneur d’un champion du monde de triathlon?
Ça a été un long chemin, j’ai commencé il y a 15 ans maintenant, lorsque j’ai démarré mes études de sciences dans le sport. Là, j’ai fait la connaissance d’Anne Haug, la championne du monde de triathlon. À partir de là, j’ai directement entamé ma carrière d’entraîneur. Au début, on a commencé avec des courses de village, puis des Coupes d’Europe et, enfin, des Coupes du monde. Elle est devenue de plus en forte et, de mon côté, je progressais également. Puis j’ai entraîné de plus en plus d’athlètes, pas seulement des professionnels mais aussi des amateurs. Pour avoir de l’expérience dans le domaine de l’entraînement, il faut parfaitement connaître le corps humain. J’ai beaucoup travaillé dans le département de médecine du sport de Munich, où j’ai beaucoup appris sur la façon dont le corps réagit à l’entraînement. La physiologie et la morphologie sont des aspects importants. Ce processus de formation dure depuis des années. Avec le succès de vos athlètes, d’autres athlètes vous demandent. C’est un processus. Il faut certainement avoir un peu de chance également d’avoir des athlètes performants et talentueux. Il ne faut pas oublier que vous pouvez faire de bons plans d’entraînement, mais si vous n’avez pas d’athlètes talentueux, alors cela ne marche pas. Il faut aussi avoir de la chance.

Les performances humaines vont continuer à progresser lentement

La pratique du sport vous a-t-elle aidé personnellement?
J’ai pratiqué le cyclisme (NDLR : en Allemagne) et le triathlon, mais uniquement à un niveau amateur. Je sais ce que cela veut dire de faire des camps d’entraînement de deux ou trois semaines, de se livrer en compétition, de connaître un peu de nervosité avant une compétition, mais je n’ai jamais pratiqué à haut niveau.

Vous êtes entraîneur à haut niveau dans le cyclisme et le triathlon, mais nourrissez-vous pour l’avenir d’autres ambitions?
Je suis intéressé par tous les sports et je ne me limite pas au triathlon ni au cyclisme. Je suis intéressé par d’autres domaines, comme notamment le football et la course au pied. En Allemagne, je suis également intégré à un projet avec des biathlètes. Ce qui m’intéresse, c’est d’améliorer la performance de l’être humain et des athlètes. Je suis attaché au cyclisme car je l’ai pratiqué moi-même. Mais le fait de travailler avec les athlètes mais également les personnes qui entourent les athlètes, les médecins, les kinés, les préparateurs physiques, me passionne. Je suis très content de ma situation, mais je ne sais pas où l’avenir me conduira.

Sur ce sujet, l’évolution de la science et de l’entraînement est concrète. Cela va-t-il continuer dans le futur?
Je pense que oui, qu’avec l’évolution de la technologie, cela va continuer. Les performances humaines vont continuer à progresser lentement. Les technologies vous donnent la possibilité de voir de plus près quelles sont les conséquences de l’entraînement et comment intervenir. On voit aussi qu’en cyclisme, le matériel est en constante évolution. De plus en plus aérodynamique. Ce processus va continuer et cela deviendra de plus en plus complexe. On a de plus en plus de données mais il faut savoir les gérer. Si on en a trop, il y a le risque de ne plus voir les choses importantes. Il faut savoir faire un tri.

Concernant le dopage, comment fonctionnez-vous en tant que technicien de l’entraînement?
On ne peut jamais être à 100 % sûr que ses athlètes ne franchiront pas la ligne jaune. Je pense qu’il faut adopter une attitude stricte. Si un athlète se dope, on sait dans notre équipe que tout peut s’arrêter, que les sponsors vont s’en aller et que des dizaines de personnes vont perdre leur travail. On fait des tests, bien sûr, on regarde si les performances et les développements des performances restent cohérents avec l’entraînement. La sécurité absolue reste difficile. Je pense qu’il faut modérer la pression sur les athlètes. Bien sûr qu’il faut de la performance, du succès, mais pas à n’importe quel prix!

Bien sûr qu’il faut de la performance, du succès, mais pas à n’importe quel prix!

Il vous arrive de dresser le constat que de vieilles méthodes d’entraînement qui ne sont plus utilisées aujourd’hui étaient finalement avant-gardistes?
Oui, cela arrive de temps en temps. Les entraîneurs du passé faisaient régulièrement de bonnes choses, souvent sans savoir pourquoi ils le faisaient. La différence sans doute, aujourd’hui, c’est qu’on sait pourquoi on demande à l’athlète de s’astreindre à telle ou telle séance. Moi, je trouve que c’est toujours très intéressant de dialoguer avec des entraîneurs très expérimentés dans ce domaine. On peut combiner cela avec nos savoirs actuels. Entraîner, c’est ma passion!

On observe aussi dans le sport moderne, et notamment dans le cyclisme, que les athlètes parviennent vite à saturation, au point de devoir se résoudre à stopper de manière brutale leur carrière. Qu’en pensez-vous?
Je crois que c’est difficile de généraliser. Je pense que chaque cas est particulier. Parfois, il s’agit d’un surplus de pression que les athlètes se mettent pour réussir dans leur sport. Parfois, il s’agit de la pression du temps. Aujourd’hui, tout doit aller vite. Au point qu’on a l’impression que l’être humain n’a plus le temps de faire les choses qu’il doit faire simplement en s’accordant du temps. Les médias jouent aussi un rôle, je pense. C’est parfois difficile de se dire : « O. K., prends un livre et prends du temps pour ça. Pour te reposer. » Même ça, ça semble aujourd’hui quasiment impossible. Les athlètes, parfois, n’arrivent plus à se reposer. Pas seulement physiquement, mais aussi mentalement. C’est un gros problème actuel, car en même temps que le sport, on doit être capable de développer sa propre personnalité, de se régénérer mentalement.

Du coup, vous êtes également un coach mental?
Parfois ça arrive, notamment après les grands évènements. Il faut du temps pour récupérer. Tout le monde en a besoin. Nous aussi. De mon côté, mon travail me passionne tant que c’est facile. C’est mon hobby. Quand on travaille avec les athlètes, on leur donne beaucoup d’énergie, mais c’est également important que les athlètes nous donnent de l’énergie. Quand c’est le cas, on peut faire un bon travail pendant longtemps. J’essaie d’inculquer à mes entraîneurs qu’eux aussi doivent savoir se reposer…

On peut imaginer que cet aspect-là des choses est facilement gérable avec un coureur comme Peter Sagan qui, naturellement, paraît détaché des choses…
Oui, mais on remarque qu’il a des personnes de confiance autour de lui qui arrangent les choses contraignantes pour lui permettre d’être lui-même. Il a aussi le talent pour pouvoir s’appuyer sur des personnes de qualité pour gérer sa communication. C’est un tout.

Recueilli par Denis Bastien

Bora-Hansgrohe prolonge jusqu’à fin 2021

L’information est tombée mardi matin alors que l’équipe de Jempy Drucker et Dan Lorang était en stage en Bavière.
L’entreprise allemande de robinetterie de salle de bains sponsorise l’équipe depuis 2017, année de la signature de Peter Sagan et de son passage du niveau professionnel continental au WorldTour. Peter Sagan est sous contrat avec l’équipe jusqu’à la fin de 2021. De son côté, Jempy Drucker (33 ans) possède un contrat qui court jusqu’à la fin 2020. L’équipe n’est pas seulement construite autour de Peter Sagan, puisque de nombreux adeptes de courses par étapes garnissent aussi ses rangs.