Après une longue période d’immobilisme, le gouvernement est plus que jamais décidé à enfin faire évoluer les choses pour parvenir à un développement plus cohérent du pays. Mais ce processus sera très long.
La croissance aveugle que vit le Luxembourg depuis des années devrait bientôt appartenir au passé. Du moins, si le gouvernement parvient à mener à bien le nouveau processus qui doit définir le développement futur du pays, en tenant compte des besoins sur le plan économique mais aussi au niveau des finances publiques. «Le processus participatif qu’on a choisi est le bon chemin, même si tout ne sera pas harmonieux. À un moment, il faudra trancher, et c’est le rôle de la politique de prendre ses responsabilités. Peu importe quelle sera notre décision, il y aura toujours des mécontents. Mais il nous faut éviter l’immobilisme», a résumé jeudi soir François Bausch pour évoquer l’énorme défi qui attend le camp politique dans les années à venir.
Depuis de (trop) longues années, les concepts pour le développement du territoire limité du Grand-Duché se succèdent, sans aboutir à aucune concrétisation. Même si anciens et actuels membres du gouvernement ont limité les accusations mutuelles hier soir, les reproches étaient toutefois palpables entre les lignes. «Je partage beaucoup d’éléments présentés par le ministre Bausch. Maintenant, il nous faut les transposer dans la réalité et en tant que parti de l’opposition, on est prêt à adopter une attitude constructive dans ce processus qui va durer plusieurs législatures. Mais il est faux de dire que sur ces dernières années, rien n’a été concrétisé», a ainsi lancé le chef de file du CSV à la Chambre, Claude Wiseler.
Des manquements indéniables
Des manquements sont cependant indéniables, comme l’a fait remarquer le secrétaire d’État Camille Gira. «Indépendamment de la croissance démographique et économique qu’on aura demain, il ne faut plus se contenter de se limiter à prendre en considération son seul apport financier. Il faut aussi mesurer l’impact sur l’environnement. Et il faut sortir de la discussion stérile pour savoir s’il vaut mieux protéger des chauves-souris ou privilégier l’homme. Les deux ont besoin du même espace de vie», a souligné l’ancien bourgmestre écolo de Beckerich.
Ce changement de mentalité fait partie des «tabous à briser» évoqués jeudi soir par le député déi Lénk David Wagner. Même si ce dernier a plaidé pour une profonde remise en question du «piège de la croissance», évoqué par Gast Gibéryen (ADR), les intervenants étaient d’accord pour affirmer hier soir que le pays continue d’avoir besoin de croissance. «La limiter implique aussi des répercussions sur le financement de nos systèmes sociaux ou nos pensions. Ces dernières se situent sans aucune raison objective à un niveau très élevé. La seule raison est qu’on peut se le permettre», a fait remarquer le ministre de l’Économie, Étienne Schneider (LSAP). Son collègue de parti, le ministre de l’Intérieur et de la Fonction publique, Dan Kersch, lui a emboîté le pas : «Il n’existe pas de piège de la croissance. Il faut de la croissance pour financer nos infrastructures et nos systèmes sociaux. Je ne crois cependant pas que les gens soient prêts à renoncer à des acquis. Dans mes négociations actuelles avec un syndicat sur un nouvel accord salarial, on évoque tout, mais pas le fait de renoncer à quelque chose. Le plus important est d’enfin mener une réflexion sur la répartition équitable de la richesse que la croissance génère et sur la manière dont on utilise nos ressources naturelles.»
Un changement de mentalité s’impose
Tout ce processus vers une croissance plus qualitative est donc désormais lancé et les deux débats de cette semaine ont peut-être permis de lever une certaine chape de plomb. Mais le chemin pour le concrétiser est encore long et nécessitera de nombreux changements de mentalité. Est-ce que le discours sera encore le même après les prochaines élections législatives ? Pour Claude Wiseler, qui ambitionne clairement le poste de Premier ministre, les manquements du passé n’importent plus trop. Pour éviter de devoir trop louer les propositions du gouvernement actuel, il a préféré, jeudi soir, se projeter encore plus loin vers l’avenir. «Il nous faut aussi déjà planifier ce qui va se passer au-delà des 20 ou 25 ans qu’on planifie maintenant», a-t-il lancé.
En attendant, il faudra clarifier ce que recouvrera concrètement la croissance qualitative désormais promue par les responsables au pouvoir. Certaines voix réclament bien une «croissance zéro». En ayant conscience des répercussions que cela impliquerait ? La question est posée et sera débattue dans les semaines, mois et années à venir.
David Marques