Le nouveau film de l’Autrichienne Marie Kreutzer a électrisé la Croisette dès le premier week-end. Dans Corsage (en compétition à Un certain regard), elle réinvente Sissi en impératrice punk et féministe, avec une Vicky Krieps dans l’un de ses meilleurs rôles.
Voilà sans aucun doute le plus grand rôle de Vicky Krieps depuis Phantom Thread (Paul Thomas Anderson, 2017) : l’actrice luxembourgeoise livre «sa» Sissi – ou plutôt celle de la cinéaste Marie Kreutzer –, aux antipodes du cliché sur celluloïd servi il y a plus de six décennies par les films de Romy Schneider. Dans Corsage, l’impératrice Élisabeth d’Autriche vient d’avoir 40 ans, mais on exige d’elle qu’elle reste toujours jeune et belle. Lorsqu’on lui entonne les chants à sa gloire, elle reste impassible; on devine le ras-le-bol de ces manières qui ne ressemblent que trop à du lavage de cerveau. C’est décidé : Élisabeth vivra sa vie selon ses propres règles, qu’importe ce que pensent l’empereur et les autres.
Véritable brûlot féministe tendance anarchiste, dans lequel quand la femme parle, les hommes s’écrasent, Corsage tente de libérer Sissi de la cage qu’elle porte toujours plus serrée à la taille. Dans le palais, elle s’enferme dans sa chambre, recevant ses supposés amants tandis que l’empereur François-Joseph attend à la porte, ou quitte la table en plein repas, gratifiant les invités d’un doigt d’honneur après des propos plutôt désobligeants sur l’impératrice. Quand elle quitte le palais, c’est pour partir loin, en retraite dans la campagne anglaise, chez sa sœur qui ne comprend pas non plus pourquoi elle ne tient pas en place. En fait, elle ne tient pas «sa» place, et c’est ce qui pose problème.
Dans la continuité de Marie-Antoinette (Sofia Coppola, 2006), en beaucoup moins tape-à-l’œil et sincèrement punk, Corsage réinvente l’histoire en mettant à son avantage une figure célèbre qui refuse d’être objectifiée, et se rebelle donc contre toutes les représentations qui existent d’elle jusqu’à aujourd’hui. Marie Kreutzer mélange les faits aux pures inventions, les personnages sont à la fois tragiques et comiques, et les anachronismes, qui viennent égayer le film par petites touches (un bateau moderne, un tracteur, une reprise de Kris Kristofferson jouée par un violoniste qui pince les cordes de son instrument) soulignent que Sissi était trop à l’étroit dans son époque. En avance sur son temps, cela ne fait pas de doute. Dans un mélange esthétique de traditionalisme fidèle aux heures de gloire du film en costumes et pléthore de petites trouvailles visuelles qui viennent en renverser l’équilibre, Marie Kreutzer réalise l’un des meilleurs films de ce festival de Cannes, porté à bout de bras par une sensationnelle Vicky Krieps, débordante d’énergie.
Valentin Maniglia
Je m’étonne que l’on continue à exploiter ce sujet éculé qu’est Sissi même si ici de manière tragi-comique.
Je m’étonne aussi de cette Wicki mania alors qu’il s’agit d’une honnête comédienne qui a eu l’avantage d’être « fille de « et « compagne de « , ce qui ouvre bien des portes qui restent fermées à beaucoup d’autres.