Le succès du nouveau cinéma iranien en Europe – en particulier en France et dans les pays francophones – a été le premier moteur de nouvelles synergies qui se sont développées entre l’Iran et notre continent.
Le succès du nouveau cinéma iranien en Europe – en particulier en France et dans les pays francophones – a été le premier moteur de nouvelles synergies qui se sont développées entre l’Iran et notre continent. Au Luxembourg aussi : le dernier exemple en date de 2019, avec Yalda, de Massoud Bakhshi, captivant thriller en temps réel qui prenait pour décor un plateau de télévision. Le film avait remporté d’une des plus hautes distinctions à Sundance, le Prix du jury dans la catégorie «World Cinema». Et c’est à la même société de production, Amour Fou, que l’on doit Une histoire provisoire, comédie dramatique inattendue faisant le lien entre l’Iran, le Grand-Duché et la Suisse, elle aussi confinée, cette fois entre les murs d’un Airbnb.
Réalisé par le Suisse Romed Wyder et coécrit par l’Iranienne Nasim Ahmadpour (auteure du scénario du fascinant et labyrinthique Careless Crime, l’un des films les plus sous-estimés au sein de la compétition du LuxFilmFest 2021), Une histoire provisoire se déleste de (presque) tous les artifices du cinéma pour se concentrer sur un récit on ne peut plus simple. Sacha (Felipe Castro), en pleine crise existentielle, quitte sa petite amie et se réfugie dans l’appartement de ses grands-parents, reconverti en Airbnb. Là, il est forcé de partager l’appartement avec Marjan (Pooneh Hajimohammadi), qui a quitté Téhéran pour Genève, où elle traverse, elle aussi, une crise conjugale. Les deux s’évitent, jusqu’à l’arrivée d’une touriste américaine, Mina (Elisabet Johanesdóttir).
Un Suisse, une Iranienne et une Américaine sont dans un appartement : la trame commence comme une blague. Le film aussi… En ouverture, la scène de rupture entre le héros et sa petite amie se clôt par une chute dans les escaliers. On ne sait pas tellement si l’on doit rire ou pleurer; le montage hasardeux et la pauvreté de la mise en scène font plutôt pencher pour la première option. Mais la scène existe au-delà de l’humour : Sacha passera tout le reste du film – qui se déroule sur l’espace de quelques jours – avec une jambe plâtrée. Incapable de se déplacer, l’homme, un publicitaire prêt à lâcher, en plus de sa fiancée, son job, ne sort de son mutisme que pour se mettre en colère.
Une étrange romance fugace que l’on a bien de la peine à trouver crédible
Ainsi, la rencontre qu’il va faire est moins provisoire que providentielle. Marjan doit être l’électrochoc qui lui redonne goût à la vie. Les deux, réunis par un mal commun, rejouent à leur façon Un homme et une femme (Claude Lelouch, 1966), mais toujours avec ce foulard qu’elle porte et qui maintient une distance entre eux. Comme chez Lelouch, d’ailleurs, Une histoire provisoire n’a aucun enjeu; que les deux tourtereaux continuent de s’aimer ou se quittent à la fin, le titre même du film répond à cela. Et, aussi sublime et convaincante que puisse être la comédienne iranienne, on a de toute façon bien de la peine à trouver crédible cette étrange romance fugace…
Puisque la trame n’a rien de très intéressant à raconter, Une histoire provisoire cherche à se positionner dans un curieux niveau de réalité. Tout prend la forme d’un symbole qui trouvera son écho plus tard. À commencer par le décor lui-même, antichambre figée dans un autre temps où se retrouvent les personnages, tous dans l’attente que leur vie décolle. À l’exception de l’Américaine, figure presque irréelle dont la seule présence fait converger Sacha et Marjan l’un vers l’autre. Mais l’allégorie finit par prendre toute la place, jamais de façon subtile, et jusqu’à la nausée : on cite les préceptes de la prêtresse du rangement Marie Kondo (nous débarrasser de tout ce qui ne nous est pas utile), on allume la télé pour y tomber sur un débat autour de la question du voile dans les lieux publics, on croise un chat noir mystérieusement attiré par le carton contenant «la vie de Sacha»…
Il y avait bien des idées à exploiter avec plus de force, dans ce film qui nage constamment en surface, le seul personnage de Marjan, qui joue avec les clichés des Occidentaux pour se protéger, en est la preuve. Le mélange des deux sensibilités, celle de la scénariste iranienne et du réalisateur suisse, se révèle parfois intéressante. Mais pas assez pour tenir une heure et demie. Très vite, Une histoire provisoire rend le spectateur complètement passif, ce que la mise en scène, plate comme un téléfilm du dimanche après-midi, n’essaie jamais de sauver. Pas plus que le jeu insipide de l’acteur principal, d’ailleurs…