Ich bin dein Mensch, un film de Maria Schrader (comédie, science-fiction). Avec Maren Eggert, Dan Stevens, Sandra Hüller… (1 h 48).
Devant la caméra, elle fut éblouissante chez Margarethe Von Trotta et Agnieszka Holland ou dans l’excellente série d’espionnage Deutschland 83, avec des rôles forts et souvent graves. Après un détour par la case Netflix, pour qui elle a réalisé des épisodes de la série Unorthodox, unanimement saluée par la critique et le public, Maria Schrader déboule avec son troisième long métrage, Ich bin dein Mensch, qui prend à revers les lieux communs de la comédie romantique.
Que les aficionados du genre se rassurent : il y a ici de l’amour, du quiproquo et du rire. Mais avec parcimonie et avec une émotion – qui, c’est connu, tourne rapidement à la mièvrerie dans un tel contexte – qui s’efface au profit de questions philosophiques. La faute au «love interest» du film : un robot.
Tom (Dan Stevens), c’est son prénom, est conçu comme tous ceux de son espèce avec pour mission de rendre heureuse la personne à qui il est destiné. Tom a été programmé par la société qui l’a fabriqué pour être le petit ami parfait d’Alma (Maren Eggert), une archéologue.
Le duo d’acteurs, l’atout majeur du film
Pour la quadra célibataire, cela a tout d’un piège : le financement de son travail de recherche dépend de sa participation à un test de trois semaines de cohabitation avec l’androïde. Et plus si affinités… Mais la chercheuse, qui se voit davantage comme une testeuse de produit, est assez peu réceptive aux parades amoureuses du robot.
Alors, oui, l’histoire sent le réchauffé : la comédie romantique ressemble à un millier d’autres films du même acabit et la science-fiction a déjà superbement exploré le rapport – sentimental et domestique – entre humains et androïdes dans Ex Machina (Alex Garland, 2014) et la série suédoise Real Humans (2012-2014). Mais tout n’est pas pour autant à jeter.
À vrai dire, les enjeux ont beau être joués d’avance et le langage visuel se rapprocher davantage de la télévision que du cinéma, on ne s’ennuie jamais vraiment. La photographie, propre et soignée, traduit en fait le monde formaté dans lequel évolue une humanité composée de couples qui se défont comme ils se font et vice versa. Si Maria Schrader place son film dans un futur proche, il est impossible de le regarder comme tel.
Le duo d’acteurs est de toute évidence l’atout majeur du film. Physique irréprochable, bleu perçant dans les yeux et s’exprimant dans un allemand parfait, le Britannique Dan Stevens livre une performance excellente alors même que son jeu demande le strict minimum. Quant à Maren Eggert, sa seule présence enveloppe son personnage d’un insaisissable voile de mystère, qu’elle déchire sans crier gare, au détour d’une scène où explose sa colère.
La solitude et la précarité des sentiments questionnées
À leur alchimie tardive, on préfèrera certes la phase d’«apprivoisement» de la première moitié du film, durant laquelle Tom doit affiner son algorithme et voit tous les comportements du parfait séducteur tomber à l’eau – il maîtrise la danse et les phrases romantico-ringardes, et compte charmer avec un combo bain-champagne-pétales de rose –, face à une Alma ultracynique qui ne s’intéresse à lui que pour ses talents d’ordinateur. Ses premières questions pour lui sont des calculs complexes et une question de haute importance : «Quel est le sens de la vie?».
«Rendre ce monde meilleur», répond Tom du tac au tac. Une réponse énoncée à voix haute, qui en cache beaucoup d’autres qu’il faut lire entre les lignes du scénario. Voilà les véritables intentions de Maria Schrader et de son coscénariste, Jan Schomburg : questionner la solitude, l’éphémérité des relations amoureuses (l’ex-mari d’Alma est un des personnages clés de l’intrigue) et le sens des sentiments à l’époque de Tinder.
Des préoccupations on ne peut plus actuelles, que le film utilise aujourd’hui afin d’entrevoir le futur des relations amoureuses. Ce qui est dommage, c’est qu’on se pose déjà ces questions avant même d’entrer dans l’histoire et que le film n’apporte pas de réponse satisfaisante. Pour ça, il faudrait des machines.