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Crise du logement : les étudiants internationaux à la peine 


L’université du Luxembourg compte 6 700 étudiants dont 60 % d’élèves venus de l’étranger.  (photo : archives LQ)

Au Luxembourg, loyers élevés et résidences saturées mettent les étudiants internationaux à rude épreuve. Associations et initiatives misent sur la solidarité pour tenter de les loger.

La chasse aux logements étudiants luxembourgeois est un véritable parcours du combattant. Problème estival tristement célèbre, ces hébergements sont surdemandés et pourtant l’offre reste, elle, très limitée. Selon ses chiffres, quelque 6 700 étudiants, dont 60 % d’internationaux, sont inscrits à l’université du Luxembourg. Mais si les bancs se garnissent, les résidences affichent complet bien avant la rentrée. Et pour cause : le parc locatif étudiant ne peut même pas couvrir un sixième de ces étudiants.

Cette tension a motivé la question parlementaire du député Alex Donnersbach (CSV) en juillet 2025 sur l’avenir du projet «Porte de France» à Belval. Prévu pour augmenter cette capacité, il devait comprendre quatre bâtiments, dont deux tours offrant 140 unités destinées aux étudiants. Lors d’une réponse parlementaire en mars 2023, la mise en service était annoncée pour 2027. Mais selon l’élu, le chantier était «actuellement suspendu, voire abandonné».

Dans une réponse en date de lundi, la ministre de la Mobilité et des Travaux publics, Yuriko Backes, confirme bien cette suspension. En cause, elle évoque, d’une part, la «géométrie du projet» pensé en 2008 qui est jugé aujourd’hui comme «pas compact et développant 4 façades pour chacune des quatre tours» et, d’autre part, une «hausse exceptionnelle des prix de la construction».

Résultat : les travaux ne sont pas près de reprendre. Des discussions sont engagées «entre les instances concernées» que sont le ministère de la Recherche et de l’Enseignement supérieur, la Ville d’Esch-sur-Alzette et la commune de Sanem pour envisager des alternatives à Belval.

Des infrastructures bien inférieures à la demande

Dans le pays, les loyers atteignent des sommets avec un montant moyen national s’élevant à 1 768 euros par mois. Ceci place le pays parmi les plus chers d’Europe et qui met de nombreux étudiants en difficulté, surtout les internationaux.

Selon une réponse d’avril 2023 de l’ancien ministre du Logement Henri Kox à une question parlementaire d’André Bauler et Gilles Baum (DP), l’université proposait «990 logements en 31 résidences». Une autre réponse de Claude Meisch, fraîchement nommé à la tête du ministère, à la question des députées Nathalie Oberweis et Myriam Cecchetti (déi Lénk) en novembre 2023, énonçait que le parc locatif de l’université du Luxembourg comptait 1 072 logements étudiants. Des projets prévus auraient dû ajouter environ 303 à 323 unités supplémentaires.

Pour les nouveaux arrivants, le choc est brutal. L’Erasmus Student Network (ESN) Luxembourg affirme recevoir «beaucoup de demandes de conseils pour trouver un logement». L’association essaye alors pour les étudiants de l’Uni de les orienter «vers le SEVE Logement [organisme de logement de la faculté].

Nous orientons les autres (…) vers certains sites web d’aide à la recherche de logement au Luxembourg ou à la frontière, en fonction de s’ils sont citoyens/résidents européens ou non». Elle informe aussi sur l’existence de groupes Facebook indépendants et possède un partenariat avec la plateforme Spotahome. Mais même ce site ne propose actuellement qu’une «chambre en colocation au Luxembourg, à partir du 16 décembre, pour 1 400 euros par mois».

L’association fait par contre de la prévention. Elle alerte sur les risques comme les arnaques ou les frais d’agence abusifs. Conscient de la situation, l’ESN déclare qu’il sait que «des étudiants Erasmus doivent renoncer à venir au Luxembourg car ils n’ont pas pu trouver de logement dans leur budget». Et pour ceux qui persistent, l’arrivée se fait parfois sans domicile fixe en passant «les premières semaines en auberge de jeunesse ou Airbnb».

S’en remettre à la solidarité

Face à la pénurie, la solidarité devient essentielle. ESN Luxembourg a créé par exemple un groupe WhatsApp qui compte 300 à 500 étudiants par semestre. Cet espace voit s’échanger bons plans et offres de chambre. C’est dans ce contexte de demande internationale tendue qu’est née WeConnect, une initiative créée par Ivo Silva, Clémentine Offner et Christian Gutenkauf. «Quatre-vingt-dix-neuf pour cent de nos demandes viennent d’étudiants étrangers. (…) Certains arrivent au Luxembourg et sont pris au dépourvu par les prix», explique Ivo Silva, cofondateur.

Il raconte la genèse de ce projet. «Au début de notre parcours universitaire, on a rencontré le problème du logement. (…) On a constaté que les institutions elles-mêmes peinaient à loger les étudiants. Alors, on s’est dit : « Pourquoi ne pas créer une solution abordable, fondée sur la cohabitation?« »

Le principe est simple : mettre en relation des particuliers disposant d’une ou plusieurs chambres libres et des étudiants à la recherche d’un logement, avec des loyers au moins «30 % moins chers que le marché privé. (…) L’objectif n’est pas de maximiser les profits, mais de créer un match gagnant-gagnant». Par cette expression, Ivo entend loger un étudiant dignement, permettre à un hôte de percevoir un peu d’argent de poche et aux deux de vivre une expérience humaine et solidaire.

WeConnect travaille aussi en partenariat avec l’université du Luxembourg : «Lorsqu’un étudiant ne trouve pas de place en résidence, il peut être redirigé vers la plateforme.». Une fois les inscriptions remplies, si des accointances sont repérées entre un hôte et l’étudiant, des rencontres sont organisées pour valider la compatibilité. «Nous avons récemment atteint notre 100e contrat hôte, avec plus de 30 cohabitations actives», précise Ivo Silva.

Côté hôtes, la diversité est grande : retraités, familles, jeunes couples, personnes ayant une chambre disponible après un départ… La démarche est volontaire et gratuite pour eux. Les étudiants, eux, paient 5 euros de frais d’inscription pour éviter les fausses demandes. «On rencontre toujours les étudiants avant le match, souvent en visio, pour s’assurer que tout est clair», insiste Ivo Silva. Les contrats incluent «l’assurance que vous obtenez, ou encore l’accompagnement durant toute la cohabitation» pour protéger les deux parties. L’étudiant devra donc débourser une commission mensuelle de 60 euros pour ce service.

Pour Ivo Silva, l’initiative ne remplace pas une politique publique efficace. «Il y a un besoin clair d’adapter la réglementation et de simplifier les démarches administratives. Tout change d’une commune à l’autre, c’est très complexe. Mais en attendant, nous essayons d’apporter une solution concrète.» Pour les étudiants, c’est l’assurance de trouver un toit abordable. Pour les hôtes, d’avoir de la compagnie ou un complément de salaire. Le tout, en étant sûr de ne pas être trompé. «Nous voulons que chacun reparte enrichi», conclut Ivo Silva.