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Criminalité financière : la justice veut plus de moyens


Plus de 400 dossiers seraient en attente de traitement par la justice. (Photo : archives editpress)

Ils ne sont que quinze magistrats affectés à la lutte contre la criminalité financière. C’est loin d’être assez et les députés ont pu s’en rendre compte.

Le Grand-Duché est une place financière florissante et reconnue. Mais certains services n’ont pas suivi ce développement. La justice luxembourgeoise connaît ainsi un manque criant de magistrats engagés dans la lutte contre la criminalité financière.

Plusieurs représentants de la justice, dont le procureur général d’État, Martine Solovieff, le procureur du parquet de l’arrondissement de Luxembourg, Georges Oswald, ou encore Jean-François Boulot, procureur adjoint et chef du département éco/fin du parquet de Luxembourg, ont été reçus jeudi en commission de la Justice à la Chambre des députés pour un échange autour des besoins en matière d’effectifs des institutions judiciaires pour remplir leur mission de lutte contre la criminalité économique et financière. Les élus ont pu appréhender le gouffre séparant l’effectif actuel et l’effectif nécessaire pour permettre un fonctionnement «normal» de l’institution.

Des autorités judiciaires «victimes de leur succès»

Interrogés par les députés sur l’origine des problèmes qu’ont les autorités judiciaires à traiter le nombre d’affaires financières, les représentants de la justice ont affirmé que «ce retard existe depuis l’émergence de la place financière dans les années 80» et ne s’est jamais résorbé, dévoile le compte rendu de la réunion rédigé par les services de la Chambre des députés.

Les chiffres cités par les différents intervenants illustrent cette réalité, notamment ceux qui concernent les «réserves», les affaires qui sont en attente d’instruction. Il y aurait ainsi 400 dossiers, souvent volumineux, en attente de traitement par la justice. Le chiffre est très important. Et c’est compter sans toutes les affaires qui s’ajoutent à ces «réserves».

Le procureur du parquet de l’arrondissement de Luxembourg, Georges Oswald, a affirmé que les autorités judiciaires sont «victimes de leur succès» et reçoivent de plus en plus de dénonciations de la part des différentes administrations. Et d’ajouter, à titre de comparaison, qu’il y avait au Luxembourg plus de 1 000 personnes à la Commission de surveillance du secteur financier (CSSF) et seulement 15 magistrats au parquet économique.

Laurent Mosar «effrayé» par le manque d’effectifs

Les députés ont souhaité revenir sur l’évaluation du Luxembourg par le Groupe d’action financière (GAFI), l’organisation intergouvernementale de surveillance du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme. Les représentants de la justice ont expliqué que le GAFI teste l’efficacité technique (la législation) et l’implémentation. L’organisation a affirmé que «nous avons les textes nécessaires», mais que «l’efficacité pratique» laisse à désirer.

Le GAFI affirmerait ainsi qu’il n’y aurait clairement pas assez d’affaires traitées, pas assez de volume et pas assez de confiscations par rapport à la quantité d’argent que représente la place financière au Luxembourg. Il faudrait ainsi «plus de condamnations et de confiscations» et «des sanctions effectives et dissuasives» afin que les prochaines évaluations aillent dans le bon sens, d’où un besoin clair en termes de ressources humaines, selon le compte rendu de la Chambre.

Les constats sont similaires du côté des représentants de la police judiciaire et des juges d’instruction, qui parlent eux aussi d’une accumulation d’affaires et d’un manque d’effectifs pour les prendre en charge, créant des situations de surcharge de travail très difficiles à gérer par le personnel en place, ont appris les députés. Un parlementaire a voulu savoir si les problèmes rencontrés dans le traitement des dossiers étaient également liés au secret bancaire et s’il fallait le supprimer. Les représentants de la justice ont affirmé qu’il s’agissait d’une question politique.

Un manque d’effectifs effrayants

Un projet de loi déposé lors de la législature précédente, qui va dans le sens de recrutements supplémentaires, suit son parcours législatif à la Chambre des députés. Il s’agit du projet 8299A. Georges Oswald s’est félicité de cette avancée, mais a affirmé qu’il fallait «aussi rapidement trouver les fonctionnaires et les greffiers nécessaires» pour accompagner le travail des magistrats. Un point partagé par Martine Solovieff, qui a affirmé souhaiter le recrutement de 18 nouveaux greffiers. La ministre de la Justice, Elisabeth Margue, a, quant à elle, affirmé en début de réunion que des propositions des autorités judiciaires étaient en cours d’examen et que le gouvernement allait étudier l’opportunité de prendre des mesures législatives.

À la suite des explications des représentants de la justice, le président de la commission de la Justice, Laurent Mosar, s’est dit «assez effrayé» par la situation de manque d’effectifs décrite. Il a invité ses interlocuteurs à revenir en commission de la Justice dans un an pour procéder à un bilan des mesures.

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