Instruction à charge, victime présumée mentant sous serment… Ben tire sur toutes les ficelles disponibles pour se disculper. Il est accusé d’avoir poignardé son ex-compagne dans le ventre.
Vos déclarations ne correspondent pas aux blessures infligées à la victime présumée», annonce le président de la 12e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg à Ben. Le jeune trentenaire est accusé d’avoir tenté d’assassiner Cynthia, sa compagne au moment des faits, en lui plantant à deux reprises un couteau de cuisine dans le bas du ventre, le 28 août 2021 à Frisange, lui perforant l’intestin grêle. La jeune femme est victime d’une hémorragie interne. Elle perd un quart de son sang. «La blessure et l’hémorragie étaient potentiellement mortelles», précise un médecin légiste.
Ben venait de sortir de prison et vivait chez son père avec Cynthia rencontrée quelques années auparavant. Par amour pour elle, il s’était fait la belle du centre pénitentiaire de Givenich pendant sept mois avant d’aller se rendre à la police. Il n’aurait pas supporté d’être loin de celle pour qui il avait eu un coup de foudre. Pourtant, le couple bat de l’aile et chacun décrit aujourd’hui l’autre de manière peu favorable.
Le prévenu évoque des reproches à son encontre, dit avoir voulu désarmer la jeune femme qui le menaçait avec un couteau, raconte comment les ambulanciers lui auraient reproché de les avoir appelés pour des blessures aussi minimes et l’absence de sang. Le prévenu ne sait pas ce qui s’est passé, mais il n’aurait pas eu l’intention de blesser sa compagne avec laquelle il aurait vécu une relation toxique. La lame de 25 centimètres a été plantée à dix centimètres de profondeur. Un coup incompatible avec un désarmement.
La version de Cynthia est diamétralement opposée. Elle raconte que Ben l’a attrapée sans raison par le bras quand elle est revenue d’avoir fumé une cigarette et l’a poignardée. Blessée, la jeune femme explique avoir supplié Ben à plusieurs reprises de prévenir les secours, mais «il m’a dit qu’il ne pouvait pas parce que sinon, il allait devoir retourner en prison». Cynthia prétend ignorer pourquoi il l’aurait attaquée de la sorte.
«Cynthia était à sa merci»
«Ce sont des bêtises», commente le jeune homme qui relève «des mensonges» dans la version de sa victime présumée qui a témoigné sous serment. «Ce n’est pas une raison de ne pas mentir.» Il accuse ensuite la justice d’avoir instruit l’affaire à charge. «Cynthia était bipolaire et avait des pensées suicidaires. Personne ne s’y est intéressé», accuse le prévenu avant de se plaindre de la justice luxembourgeoise. Le juge le coupe en lui rappelant une deuxième fois que «les blessures de la jeune femme ne correspondent pas à sa version des faits». Point barre.
En outre, un expert a estimé que les déclarations de la victime présumée reposaient sur du vécu authentique, souligne le procureur qui ajoute que les secours ont sous-estimé la gravité des blessures et l’urgence étant donné les informations erronées livrées par le jeune homme au 112. Déjà à l’époque, il avait prétendu qu’elle s’était blessée en tombant sur des bouts de verre. «Ce n’est pas grâce à lui qu’elle a survécu», note le magistrat qui exclut la préméditation et retient la tentative de meurtre à l’encontre du jeune homme.
S’ajoute à ce fait, un violent coup de tête qu’il est accusé d’avoir administré à Cynthia quelques semaines plus tôt. «Elle avait le visage ouvert du front jusqu’au nez», indique le procureur. «Comme toutes les victimes, ce jour-là, elle a eu peur de dire ce qui lui était arrivé.» Il a requis une peine de 20 ans de prison à son encontre. Il ne croit pas en «l’histoire du pauvre prévenu qui est tombé sur une femme violente». Ben n’aurait aucune circonstance atténuante en sa faveur. «Il aurait aussi bien pu envoyer l’ambulance à une autre adresse.»
L’avocat du trentenaire a une tout autre lecture des faits. Son client se trouvait, selon lui, en position de légitime défense et doit être acquitté. «Il n’a ensuite pas compris la gravité de son geste, convaincu qu’il était que Cynthia s’était blessée sur des bouts de verre», explique l’avocat. «C’est pour cette raison qu’il n’a pas fait disparaître le couteau et qu’il n’a pas pris la fuite.» Pour cette raison également qu’il a transmis des informations erronées aux secours. «Cynthia était à sa merci. Il aurait été aisé de la supprimer. Or il ne l’a pas massacrée», argumente encore l’avocat. Son client n’aurait pas pu commettre une telle bêtise, sachant ce qu’il risquait. Dans le doute, il doit être acquitté ou subsidiairement condamné tout au plus pour coups et blessures volontaires.
Le prononcé est fixé au 29 juin.