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Coups, menaces, rixes : le calvaire des chauffeurs de bus


«Certains chauffeurs sont dorénavant réticents à conduire sur les lignes dites sensibles», alerte le LCGB. (Photo : archives lq/fabrizio pizzolante)

Les syndicats sonnent l’alerte face à la multiplication des agressions et autres actes de violence dans les bus régionaux. Les faits qui se produisent sur le réseau sont, pour certains, très graves.

Pas plus tard que dimanche dernier, deux chauffeurs de bus ont été violemment agressés à la gare routière de Bettembourg. Trois jeunes s’étaient vu refuser l’accès à un bus en raison de leur état d’ébriété avancé. Loin de s’en soucier, ils ont demandé une cigarette à un autre chauffeur, là aussi, sans succès. Furieux, ils ont alors frappé au visage le chauffeur en question, lui assénant un coup de poing, puis un coup de pied. Le premier conducteur de bus s’est précipité pour aider son collègue, mais a également été agressé physiquement. Les jeunes malfrats se sont ensuite enfuis en direction du parc de Bettembourg, avant d’être interpellés par la police.

«Cet incident montre encore une fois que le personnel des transports publics – et surtout les chauffeurs – est de plus en plus exposé à des violences aveugles, sans disposer d’une protection adéquate», s’insurge le syndicat Transport sur route de l’OGBL dans un communiqué diffusé hier. Dès le 13 septembre, le LCGB, en tant que syndicat majoritaire du secteur, avait déjà dénoncé une «recrudescence exponentielle d’agressions envers les chauffeurs de bus», tout en évoquant une «série noire».

Les cabines sécurisées installées progressivement

Le LCGB dit «apprécier» l’accord trouvé avec le ministère de la Mobilité pour la mise en place de cabines sécurisées pour les chauffeurs de bus. L’OGBL «salue évidemment» la volonté du ministère d’installer ces cabines de protection. Mais le récent incident à Bettembourg témoignerait du besoin de mettre en place un plan d’action plus global «visant la protection des chauffeurs également en dehors des véhicules».

Le ministre François Bausch confirme que l’argent public nécessaire pour doter progressivement les bus RGTR de ces cabines est inscrit dans le budget de l’État 2023. Il rappelle en outre que des entreprises de transport ont d’ores et déjà pris les devants en équipant leurs bus avec des cabines sécurisées. L’objectif serait de protéger les chauffeurs contre les courants d’air et les… crachats.

En attendant que l’ensemble des bus soient équipés de telles cabines, les chauffeurs sont appelés à continuer à utiliser le bouton d’alerte qui les met en relation avec la centrale de l’administration des Transports publics. Les opérateurs s’occupent de prendre les mesures nécessaires et appellent, si besoin, la police.

En 2021, forte hausse des agressions

Selon les chiffres fournis par le syndicat chrétien, une dizaine d’agressions contre des chauffeurs a eu lieu depuis le début de cette année, avec comme point noir la ligne transfrontalière vers Mont-Saint-Martin et Longwy. Entre le 20 août et le 7 septembre, cinq incidents se sont produits sur ces tronçons exploités par des bus luxembourgeois du réseau RGTR. «Les agressions ont toutes eu lieu à une heure tardive», renseigne le LCGB.

Le ministre de la Mobilité, François Bausch, a décidé dans la foulée de supprimer au-delà de 19 h 30 les courses nocturnes vers ces deux villes frontalières franco-luxembourgeoises. «Dans le cas où les agressions se multiplient, il est de la responsabilité du ministre de tutelle de prendre les mesures adéquates», est-il précisé dans la réponse à une question parlementaire signée par Jeff Engelen (ADR). Le camp syndical se dit cependant moyennement satisfait de cette solution. «Cette mesure ne résout en rien la problématique, mais tend seulement à l’éviter temporairement», déplore le LCGB.

L’accès aux transports publics peut être interdit

Le ministre en charge de la Mobilité peut, en fonction de la gravité des incidents, décréter contre les fauteurs de troubles une interdiction d’accès aux transports publics. Cette sanction est limitée à 12 mois. La mesure serait employée pour prévenir de nouvelles agressions ou incidents. François Bausch précise qu’en fonction de la gravité des faits, des enquêtes judiciaires peuvent être ouvertes. Des peines de prison ne sont pas à exclure. Pour des coups et blessures, le code pénal prévoit des peines d’emprisonnement allant de huit jours à 15 ans et des amendes situés entre 251 et 10 000 euros.

En remontant le fil des agressions et autres incidents signalés entre 2017 et 2021, des faits souvent graves sont à constater. Selon le relevé fourni par le ministre Bausch au député Engelen, de 10 à 15 agressions verbales et physiques sont déclarés chaque année. En 2021, une importante hausse des incidents était à signaler, avec au moins sept agressions physiques et treize agressions verbales. Tous les faits ne sont pas forcément signalés.

Aux «simples» insultes s’ajoutent des menaces et des coups volontaires. Un exemple : le 9 juillet 2021, à la gare de Troisvierges, un chauffeur de bus encaisse un coup au thorax. En avril 2018, à Mont-Saint-Martin, un chauffeur est menacé avec un couteau après que son bus a été caillassé. Des vitres brisées sont à signaler. Les jets d’objets sont d’ailleurs un fléau. Tout comme les rixes entre passagers, tant à l’intérieur des véhicules que sur les quais et arrêts.

«La peur commence à s’installer»

Certains passagers ne connaissent plus aucune limite. Ouverture abusive des portes, portes forcées pour entrer dans le bus à un feu rouge, refus de quitter le bus au terminus et actes de vandalisme en tout genre. Toute raison semble bonne pour disjoncter. En décembre 2012, à Folschette, un chauffeur est insulté et agressé par un passager, car le bus est contraint d’emprunter une déviation…

«La peur commence à s’installer dans le secteur et certains chauffeurs sont dorénavant réticents à conduire sur les lignes dites sensibles», alerte le LCGB. Au vu d’une situation «qui ne cesse de se dégrader à une vitesse fulgurante», le syndicat «exige» une «solution d’urgence» pour «enrayer rapidement ces actes de violence, et ce, dans l’intérêt de tous les chauffeurs et usagers des lignes de bus». De son côté, l’OGBL réclame un plan d’action global contre les violences dans les transports publics, à établir entre syndicats, patronat et ministère de la Mobilité «afin de systématiquement lutter contre les violences dans les transports publics».

Peu évident d’identifier les points noirs

Cet été, les agressions contre les chauffeurs de bus se sont succédé sur les lignes RGTR transfrontalières ayant leur terminus à Mont-Saint-Martin et à Longwy. En 2021, des incidents semblables se sont également produits à Villerupt ou Audun-le-Tiche. Il n’est cependant pas possible de conclure que les lignes reliant le Luxembourg aux localités frontalières françaises constituent le principal point noir.

Sur la base des cas officiellement signalés entre 2017 et 2021, on peut constater que le plus grand nombre d’agressions et autres incidents ayant impliqué des chauffeurs ou passagers de bus se sont produits à Luxembourg. Suivent le nord du pays et la région Sud. La région frontalière arrive en quatrième position. Les ministres compétents précisent toutefois que les fichiers de la justice ne renseignent pas les métiers exercés par les victimes d’agressions. Il ne serait donc possible ni de dresser des statistiques exhaustives, ni d’avancer un nombre de condamnations d’agresseurs cités en justice.

Un commentaire

  1. La chienlit française déborde chez nous. Lamentable!