Ils étaient «comme des frères» et aujourd’hui, ils s’accusent l’un l’autre de coups et blessures. Un rendez-vous «pour parler» a dégénéré et le prévenu a tiré un couteau.
L’affaire qui oppose Djallal, un Algérien de 46 ans, à Jérôme, un Luxembourgeois de 41 ans, donne lieu à de nombreuses interrogations. Jérôme accuse Djallal de l’avoir agressé au couteau devant son domicile. À la barre de la 7e chambre correctionnelle, Djallal prétend que c’est Jérôme qui l’a attaqué. Les deux hommes étaient «amis depuis trois ou quatre ans», indique le prévenu. «Comme des frères», précise sa victime présumée. A priori, les deux hommes n’avaient pas de raison de s’en vouloir au point de se battre et de se blesser.
Le 7 novembre 2020, sur la place Benelux à Esch-sur-Alzette, «Jérôme a été blessé à l’œil par un coup de poing asséné par le prévenu», indique un policier. «Il a ensuite tiré un couteau et a essayé de s’en servir avant de prendre la fuite.» Tandis que les policiers enregistraient sa déposition, Jérôme a reçu un appel de Djallal qui le menaçait de mort. «Nous lui avons mis le grappin dessus dans la rue de l’Alzette. Il était sous le coup d’une interdiction de se trouver sur le territoire luxembourgeois et n’avait pas de papiers d’identité sur lui.» À défaut de papiers, les policiers ont trouvé six boules de cocaïne et huit boules d’héroïne dans ses poches.
Immédiatement, les faits décrits par le policier prennent une autre dimension, même si les policiers ne sont «pas parvenus à déterminer avec certitude si le prévenu se livrait à un trafic de stupéfiants». «Un des contacts trouvés dans son smartphone nous a parlé d’un passif en matière de stupéfiants entre les deux hommes», précise le policier. Jérôme aurait également eu une dette d’argent importante auprès de Djallal. Interrogé à ce sujet par le président, Jérôme répond timidement : «Nous allions souvent boire des coups et manger ensemble.»
Le témoin explique que le jour des faits, il avait demandé à Djallal de le rejoindre parce qu’il devait lui parler. «Un ami m’avait dit que Djallal les harcelait lui et son père. Il sonnait tout le temps à leur porte.» «Il voulait récupérer de l’argent de la drogue?», demande le président. – «Non, ils étaient amis et Djallal entrait et sortait de chez eux comme bon lui semblait.»
Haschisch ou héroïne?
Le rendez-vous ne s’est pas passé comme prévu et les deux «frères» ont échangé plus de coups que de mots. «Djallal m’attendait devant chez moi. Il a voulu me serrer dans ses bras. Il avait un couteau ouvert en main.» Deux jeunes femmes qui ont assisté à la bagarre ont prévenu la police. «Sinon, je n’aurais pas insisté», explique le témoin qui n’a pas pris au sérieux les menaces de mort proférées à son encontre.
L’Algérien décrit une tout autre scène. «Il m’a sauté dessus dès que je suis arrivé, alors je lui ai donné un coup de poing. Je ne voulais pas le blesser. Nous étions amis.» Ni le menacer. «Le couteau suisse que les policiers ont trouvé chez moi était un cadeau de Jérôme. Je ne l’ai jamais utilisé pour le menacer», précise le prévenu qui botte également en touche concernant un éventuel trafic de stupéfiants.
«Nous avons trouvé des messages contenant le symbole de l’œuf dans son téléphone», a indiqué le policier. Un symbole pouvant faire référence aux capsules jaunes renfermant des petits jouets placés à l’intérieur des œufs en chocolat. «Dans ce cas, il s’agissait d’une surprise avec un bonus», a commenté le président de la chambre correctionnelle qui a parfaitement saisi la référence. En effet, ces petites capsules sont utilisées par les dealers pour transporter des stupéfiants. Mais Djallal s’obstine : la drogue trouvée sur lui lors de son arrestation était destinée à sa consommation personnelle. Pas à être vendue.
«Et les 5,8 grammes d’héroïne trouvés sur vous en juillet 2021?», le questionne le juge. Le prévenu s’était fait pincer dans un train en provenance de Rodange. «C’était aussi pour ma consommation personnelle. Et c’était du haschisch, pas de l’héroïne», répond-il. Le procès-verbal de police fait pourtant état d’héroïne, selon le magistrat. Djallal insiste : c’était du haschisch! Un détail qui a de l’importance et qui mérite d’être tiré au clair. Pour ne pas piétiner les droits de la défense, le président a décidé d’interrompre l’affaire et de convoquer l’auteur du procès-verbal à une date ultérieure. En l’occurrence, le 7 mars.