Les points de vue de la défense et de l’accusation étaient diamétralement opposés. Les uns plaident l’acquittement et la légitime défense, l’autre a conclu au règlement de comptes planifié.
Le parquet veut inventer une histoire parce que Ramiro a la tête du coupable idéal.» Me Paris, un des avocats du prévenu, a imputé de la malhonnêteté intellectuelle au substitut du procureur et lui a demandé «des preuves tangibles» de l’intention de son client de tuer ses trois victimes présumées. «Les dés étaient pipés dès le départ», alors que «le dossier penche en sa faveur». L’avocat et le magistrat ont chacun une interprétation différente de l’affaire.
Le substitut venait de requérir une peine de 20 ans de réclusion à l’encontre du jeune homme de 29 ans pour trois tentatives de meurtre. Il ne s’est pas opposé à un sursis probatoire malgré «sa particulière mauvaise foi». Pour le magistrat, le coup de feu a été tiré dans la nuit du 22 août 2021 rue du Fort-Neipperg dans le cadre «d’un règlement de comptes et pas d’une légitime défense». Le prévenu ne serait constant qu’en une chose, selon le substitut : «Se dédouaner quand il est mis dos au mur face à ses contradictions» et «se borner à nous faire croire contre vents et marées qu’il a agi en légitime défense».
Me Paris a plaidé en faveur de l’acquittement de son client des tentatives de meurtre. Poignardé au Portugal dans sa jeunesse, il aurait pris peur devant le Lenox Club face à un individu armé d’un couteau avec lequel il avait déjà eu maille à partir plus tôt dans la nuit, explique l’avocat. «Il n’a pas tiré pour tuer, mais pour impressionner ou pour faire peur. Il ne ressort pas du dossier qu’il ait visé une partie vitale de cette personne non identifiée», explique Me Gomes. «Il a tiré vers le bas pour ne blesser personne.» Pour le substitut, Ramiro a «coursé sa cible», inconnue à ce jour, l’a visée et a touché un autre jeune homme à la cuisse. Ensuite, le prévenu «a mis en joue le vigile du club pour garantir sa fuite après un crime dont il savait qu’il risquait gros s’il se faisait attraper». Le coup n’est pas parti, l’arme s’est enrayée.
Une seule et unique victime
Arme qu’il serait allé récupérer chez lui avant de revenir à la boîte de nuit pour «se venger», dans la version du substitut. Dans la version de la défense, il est retourné près du Lenox Club malgré la peur qui le tenaillait pour récupérer son cousin qui y avait oublié son blouson, comme il l’avait expliqué à la 13e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg la veille. «Il a vu l’inconnu armé d’un couteau et a tiré par instinct» avec une arme remise juste avant par un certain Gabi pour se protéger. Un geste «irresponsable» qui ne permettrait pas de conclure à l’intention de tuer et qui a fait «une victime collatérale».
Une seule et unique victime, selon l’avocat qui met en doute le statut de victime de l’inconnu non identifié et celui du vigile que la défense accuse de faux témoignage depuis le début du procès. «Il est le seul à avoir vu ce qu’il vous a dit à la barre. Il se trompe sérieusement», affirme Me Gomes avant de lire les «dépositions de trois témoins neutres». «On peut supposer qu’il y avait un motif financier derrière son témoignage.» Le vigile avait fait une demande de dommages et intérêts de 10 millions d’euros que son nouvel avocat a entre-temps ramenée à de plus justes proportions.
Le parquet et les deux avocats ont dégainé chacun des témoignages différents pour étayer leurs propos et contredire ceux de la partie adverse. Pour le substitut, «la défense du prévenu ne tient pas la route face aux éléments concrets du dossier» qui ne corroboreraient pas la thèse de la légitime défense. «Il s’est mis en tête ou ses amis lui ont mis en tête de se venger», indique-t-il. «Leurs témoignages en disent long.»
Et ont marqué le procès. Depuis son début en juin dernier, les différents témoins entendus n’ont fait que semer le doute dans cette affaire de contradiction en contradiction. Le substitut du procureur est malgré tout parvenu à en dégager «un fil rouge» lui permettant de conclure à une triple tentative de meurtre, là où la défense ne voit que des doutes bénéficiant à Ramiro. Ils s’entendent cependant sur un point : si le prévenu n’était pas retourné sur les lieux, avec ou sans arme, pour récupérer son cousin ou pour se venger, il ne se serait rien passé. Qu’il n’y ait pas eu plus de victimes ne serait «que le fruit du hasard».
Le prononcé est fixé au 28 mars prochain.