Une lourde avarie sur une écluse en Allemagne et c’est toute une chaîne logistique qui se retrouve paralysée.
« J’essaie d’être détendu, là comme ça… mais la situation est compliquée pour tout le monde.» Depuis qu’un cargo a percuté une porte d’écluse sur la Moselle, à Müden, près de Coblence en Allemagne, le téléphone de Jean-Marc Thomas chauffe sec. En tant que directeur général de Rhenus PartnerShip France, structure ayant la concession pour le syndicat mixte ouvert des ports lorrains, c’est vers lui que toutes les entreprises utilisant le transport fluvial se retournent.
« Chaque client, chaque convoyeur a ses contraintes. Il existe autant de situations différentes que de bateaux!» Et des péniches – automoteurs rhénans pour utiliser le terme exact –, il y en a 70 coincées entre Müden au nord et Neuves-Maisons au sud près de Nancy.
On a une fâcheuse tendance à l’oublier, mais le transport fluvial est un acteur essentiel en Lorraine, depuis la canalisation de la Moselle pour les grands gabarits, à partir de 1964 à Thionville jusqu’à Neuves-Maisons dans les années 70. La grosse majorité des péniches atteint 110 mètres de long pour une charge maximale de 2 450 tonnes et un enfoncement dans l’eau de 3,2 mètres. Des mastodontes qui permettent de retirer une foule de camions de nos routes. Imaginez : la rivière autorise en moyenne le transit de 500 000 tonnes de marchandises chaque mois, en importation comme en exportation.
Un tel blocage, une première
« Les céréales représentent 45 % du trafic, le reste étant lié aux produits finis de l’industrie et au BTP, livre Jean-Marc Thomas. Cette avarie sur l’écluse tombe au plus mauvais moment, l’activité automnale est forte, tous secteurs confondus.»
Le directeur général ne veut pas verser dans le catastrophisme, mais « un tel accident et surtout un blocage de la rivière annoncé jusqu’au 31 mars 2025, c’est une première! Et je travaille dans ce domaine depuis 1989…» Selon lui, il est trop tôt pour tirer des conclusions hâtives : «Il faut attendre ce que dira l’Office allemand de la navigation. Peut-être qu’une solution technique de passage en mode dégradé pourra être trouvée.» Toujours est-il qu’il faut prendre des décisions quant au devenir des cargaisons des quelque 70 péniches immobilisées en différents points de la Moselle. Notamment lorsque la marchandise est périssable.
Pour répondre à une situation d’urgence, «c’est la route qui va être privilégiée, le fret ferroviaire demande davantage de temps d’organisation», reconnaît Jean-Marc Thomas, qui voit dans cet accident des conséquences sur l’exploitation portuaire : «On va perdre les deux tiers de notre activité…» Une certitude aux yeux du directeur général de Rhenus PartnerShip France : «Des enseignements seront à tirer dans la gestion des écluses.»
Olivier Chaty
(Le Républicain lorrain)