Dernière ligne droite pour la COP15 de Montréal, dont l’objectif est de prendre des décisions fortes pour enrayer la perte dramatique de biodiversité à travers le monde. Roby Biwer y représente le Luxembourg.
Depuis le 7 décembre et jusqu’à lundi, des représentants des gouvernements et d’associations du monde entier sont rassemblés à Montréal, au Canada, pour participer à la 15e Conférence des parties à la Convention sur la diversité biologique des Nations unies. Cette COP15, sœur jumelle des célèbres COP sur le climat, a pour but d’aboutir à la prise de mesures fortes destinées à sauver la biodiversité de la planète, en net déclin depuis les années 1970, et dont dépend la survie de l’espèce humaine.
De nombreuses questions sont négociées au cours de ce sommet, afin de parvenir à trouver des accords sur les 20 objectifs fixés par le projet initial, qui visent à s’attaquer aux cinq principaux facteurs directs de la perte de biodiversité : le changement en matière d’exploitation et l’utilisation des mers et des terres, la surexploitation des organismes, le changement climatique, la pollution ainsi que les espèces non indigènes envahissantes.
La COP15 a ainsi pour dessein d’émettre des propositions permettant notamment de «réduire l’utilisation des pesticides», «réformer ou supprimer les subventions nuisibles à l’environnement» et à l’inverse, «accroître le financement de la protection de la nature par des sources publiques et privées».
Une perte de biodiversité «dramatique» au Grand-Duché
Roby Biwer, président de natur&ëmwelt, assiste à cette COP et y représente le Luxembourg en tant que membre du Comité européen des régions, un organisme rassemblant des membres issus des 27 États européens. Une présence luxembourgeoise d’autant plus essentielle que la perte de biodiversité est absolument «dramatique» dans le pays, notamment du fait de sa forte urbanisation.
«C’est très important qu’on soit présents à la COP15 en tant que régions et communes, qu’il n’y ait pas seulement les gouvernements nationaux, parce que ces entités locales sont aussi en charge d’implanter les mesures décidées pour régler ces problématiques», ajoute-t-il.
COP15 et COP27
En novembre dernier se tenait à Charm el-Cheikh (Égypte) la COP27 sur le climat. Pourquoi avoir créé deux COP différentes alors que l’objectif semble être le même, à savoir sauver la planète? «On brouillerait toutes les discussions en agglomérant biodiversité et climat, bien que les deux soient évidemment liés. Le sujet de la biodiversité est déjà si vaste, il y a tellement de pistes à discuter, ce serait insurmontable de jumeler les deux COP. Il est utile de discuter séparément de ces deux sujets», explique Roby Biwer.
Restauration de la nature
À quelques jours des dernières discussions, Roby Biwer se montrait relativement optimiste quant à l’issue de ce sommet, même si les résultats seront, à n’en pas douter, «en dessous de ce qu’il faudrait», ne serait-ce que parce qu’il est difficile d’harmoniser les approches des cinq continents, pas toujours concordantes.
Quoi qu’il en soit, il n’y a guère le choix d’aboutir à des mesures fortes et concrètes, insiste Roby Biwer : «Il faut réagir maintenant. On ne peut pas attendre la COP30, parce qu’à la COP30, il n’y aura plus de biodiversité à protéger. Le temps des pourparlers devrait être terminé. Il faut qu’on ait des objectifs et des décisions ambitieuses.»
Parmi les éléments positifs déjà constatés, il note la participation et l’énergie des gouvernements subnationaux (régions et villes), dont la voix doit être entendue dans les problématiques environnementales : «Lors de la COP14, on était encore en train de discuter si les processus décisionnels incluraient les gouvernements subnationaux. On a depuis réussi à faire comprendre aux hauts décideurs que sans ces gouvernements subnationaux, rien ne peut se faire réellement sur le terrain. Je suis très confiant dans le fait que dans la déclaration définitive, les villes et les régions seront considérées comme des partenaires égaux dans les discussions.»
Il faut créer et recréer des écosystèmes
Autre avancée qu’il espère voir inscrite dans le futur cadre mondial : la restauration de la nature, qui fait déjà l’objet d’une proposition de loi européenne, émise en juin dernier, dans le cadre du pacte vert. Cette proposition de la Commission européenne vise en effet à réparer les 80 % des habitats européens en mauvais état et à ramener la nature dans tous les écosystèmes endommagés par le développement humain (forêts, zones humides et autres paysages marins et terrestres). Et prévoit pour cela des mesures juridiquement contraignantes, une première.
«Bien sûr, la proposition de loi doit encore être validée et votée, mais elle existe, et la discussion sur la restauration de la nature est également ouverte à la COP : c’est un changement de paradigme», se réjouit Roby Biwer. «On ne dit plus seulement qu’il faut freiner la perte de la biodiversité, ce qui n’est plus suffisant, mais qu’il faut créer et recréer des écosystèmes. En outre, la Commission européenne propose d’établir des mesures contraignantes pour atteindre des buts précis. En gros, il y aura des « punitions« si les États n’y parviennent pas, c’est essentiel. Car on l’a bien vu avec les directives Oiseaux et Habitats, qui étaient pourtant très fortes : sans mesures contraignantes, le succès escompté n’est pas au rendez-vous.»
75 % des terres altérées par l’humanité
Environ 75 % de la surface terrestre est altérée de manière significative, 66 % de la surface des océans subit des impacts cumulatifs croissants et plus de 85 % des zones humides ont disparu, alerte la Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES). La restauration est toutefois possible et multiplierait par dix les bénéfices des sommes investies, selon l’IPBES.
Un million d’espèces menacées
Sur les quelque 8 millions d’espèces animales et végétales estimées sur la planète, un million sont menacées d’extinction, toujours selon l’IPBES. L’enjeu est particulièrement de taille pour les pollinisateurs, indispensables à la reproduction des plantes et des trois quarts des cultures qui nourrissent l’humanité. Pour l’ONU, les «cinq cavaliers de l’apocalypse» de cette crise de la biodiversité sont par ordre décroissant : la destruction des habitats, la surexploitation, les changements climatiques, la pollution et les espèces envahissantes.
La moitié du PIB mondial dépend de la nature
Plus de la moitié du produit intérieur brut mondial dépend fortement (15 %) ou modérément (37 %) de la nature et de ses services, d’après le Forum économique mondial, soit 44 000 milliards de dollars exposés à la dégradation des écosystèmes. Le secteur de la construction est le plus à risque, suivi par l’agriculture puis l’alimentation et les boissons. La pollinisation, la qualité de l’eau et le contrôle des maladies sont cités parmi les services cruciaux assurés par la nature.
1 800 milliards de subventions négatives
Très débattu, le montant des subventions néfastes pour l’environnement a été estimé jusqu’à 1 800 milliards de dollars par an, soit 2 % du PIB mondial, par la coalition internationale Business for Nature. De son côté, l’ONU estime qu’environ 470 milliards de dollars des subventions aux agriculteurs génèrent «des distorsions de prix et sont dommageables pour l’environnement et socialement». Un pavé jeté dans la mare fin 2021, puisqu’il s’agit de 87 % des subventions moyennes des dernières années. Le pacte mondial encore en discussion à Montréal prévoit de «réorienter, réaffecter, réformer ou éliminer les incitations néfastes», en les réduisant d’au moins 500 milliards de dollars par an.
Beaucoup de blabla pour sans doute accoucher d’une demi-souris au bout.