À la veille de la manifestation des frontaliers français à Audun-le-Tiche, Christian Simon-Lacroix, responsable des frontaliers français auprès de l’OGBL, dénonce à nouveau la convention fiscale qui s’apprête à être appliquée en France.
Jamais appliquée depuis sa signature en 2018, l’application de la convention fiscale entre Paris et Luxembourg s’approche dangereusement des frontaliers français. Preuve en est la tentative de blocage de la frontière, via Audun-le-Tiche, prévu ce vendredi 21 mars par le Comité de défense et d’initiative des frontaliers du Luxembourg (CDIFL) afin de protester contre méthode d’imposition polémique.
Comme un air déjà vu pour l’OGBL qui a déjà manifesté contre la convention par le passé. Pour Christian Simon-Lacroix, responsable des frontaliers au sein du syndicat, il s’agit d’une nouvelle attaque envers les frontaliers mais aussi un danger pour l’économie luxembourgeoise.
Quel avait été votre positionnement lors de la signature de la convention fiscale ?
Christian Simon-Lacroix : On était doublement prudents dès le départ parce que ce changement de fiscalité était inscrit dans une convention dont le titre était, grosso modo, «Une convention contre l’évasion fiscale». Cela commençait mal parce qu’indirectement, cela considère que les travailleurs frontaliers sont des fraudeurs fiscaux en puissance. Effectivement, dans cet état d’esprit là, on constate depuis des années que la France reproche à Luxembourg d’être un paradis fiscal.
Alors, que le gouvernement français ait voulu resserrer les boulons ou mettre des garde-fous contre les abus des entités digitalisées et des solutions offshore, c’est compréhensible. Mais en aucun cas on peut dire qu’être frontalier fait de vous quelqu’un qui cherche l’évasion fiscale.
D’autre part, le texte initial n’était vraiment pas clair. La France voulait effectivement changer un petit peu les règles de la mondialisation en passant vers une méthode par imputation. Mais cela dépend de la façon dont cela va être fait ?
En 2020, il y a eu une première tentative et les gens ont réagi, parce qu’il y avait des augmentations d’impôts qui allaient de quelques centaines d’euros jusqu’à 3 000 euros parfois.
C’est comme jouer à l’apprenti sorcier
Vous faites partie de ceux qui ont réclamé une étude d’impact à l’époque ?
Oui, car on avait déjà des doutes. Lors de l’annonce de l’avenant en 2020, le ministre français Bruno Le Maire assurait partout que cela permettait d’assurer une neutralité financière et qu’il n’y aurait pas d’impact. Soit. Tout le monde n’a pas les mêmes types de propriétés, c’est une addition de situations individuelles et particulières.
Nous avions donc réclamé une étude d’impact globale qu’ils avaient promis et qu’ils étaient en mesure de faire puisqu’ils avaient fait un exercice complet sur les ménages fiscaux frontaliers, y compris avec les revenus mixtes. Cela fait trois ans que l’on nous la promet, mais elle n’est toujours pas là.
C’est une situation un peu absurde dans laquelle on met en place une nouvelle mesure sans avoir réfléchi aux incidences et aux conséquences ultérieures. Pour moi, c’est comme jouer à l’apprenti sorcier. En France, on cherche des sous et des recettes partout.
Le contexte est très négatif pour les frontaliers parce qu’au-delà de cette convention fiscale, le gouvernement a voulu changer les règles d’indemnisation du chômage en décembre dernier. Ils se sentent discriminés négativement.
Lors de la signature, certains députés luxembourgeois avaient aussi fait part de quelques inquiétudes. Aurait-il pu y faire quelque chose et peuvent-ils le faire aujourd’hui ?
Le gouvernement luxembourgeois a tendance à dire que la France est souveraine. Alors oui, c’est compliqué, mais on essaye d’alerter le gouvernement luxembourgeois en leur disant : «Il faut que vous réagissiez, car ce n’est pas dans votre intérêt que l’attractivité générale de Luxembourg soit dégradée».
Parce qu’il faut comprendre qu’il y a des gens qui vont se dire : « Est-ce que j’ai encore intérêt à travailler au Luxembourg si c’est pour que l’on me prenne ce qui, en partie, me motive à faire une heure et demie de transport par jour ?».
Indirectement, l’attractivité du Luxembourg est attaquée. Et les employeurs luxembourgeois sont déjà sous pression dans un certain nombre de secteurs. Si je pointe du doigt deux secteurs parmi tant d’autres, le premier, c’est l’intérim, où plus 60 % des intérimaires sont des travailleurs français. Le second c’est l’Horesca, où l’on entend que les frontaliers français abandonnent facilement compte tenu des coupures, des temps de travail et de trajet.
On souhaite un nouvel avenant
Vis-à-vis du texte en lui-même, que souhaitez-vous ?
De manière générale, on souhaite un nouvel avenant à cette convention fiscale qui soit plus juste fiscalement. Et au niveau d’une demande temporaire, on réclame un gel de l’application pour cette année afin d’avoir le temps d’y voir plus clair et de faire enfin l’étude d’impact. C’est le minimum.
L’année dernière, cela avait été gelé à la dernière minute donc on pousse pour que cela soit encore le cas cette année. Mais reporter ou geler ne réglera pas le problème. Encore faut-il une vraie réflexion derrière.
L’OGBL promet une action d’envergure
Pas convaincu par l’efficacité d’une tentative de blocage de la liaison Micheville prévue par le Comité de défense et d’initiative des frontaliers du Luxembourg (CDIFL) ce vendredi 21 mars, l’OGBL annonce être à son tour en cours d’organisation d’une manifestation contre la convention fiscale en l’état.
L’action promet d’être «d’envergure» et « assez originale» afin de faire pression sur le ministère français des Finances. Pour rappel, en 2021 et 2022, le syndicat avait notamment manifesté à ce sujet au centre de ville de Metz et sous les fenêtres de la préfecture de Moselle.