Le gouvernement allemand envisage de prolonger au-delà de mars 2025 les contrôles à ses frontières intérieures. La mesure est sévèrement critiquée par le Premier ministre luxembourgeois.
Manœuvre électorale en vue des législatives anticipées du 23 février ? Ou confirmation d’une réelle menace pour la sécurité intérieure ? Quoi qu’il en soit, la ministre allemande des Affaires intérieures, Nancy Faeser, a fait savoir, vendredi dernier, qu’elle comptait prolonger au-delà de mars 2025 les contrôles aux frontières intérieures. Les passages frontaliers avec le Grand-Duché ne feront pas exception à cette mesure, même si aucune notification officielle n’est encore parvenue au gouvernement grand-ducal.
Le député Meris Sehovic (déi gréng) a dénoncé mardi une «démarche extrêmement problématique, surtout au niveau légal». Les conditions pour prolonger les contrôles, qui, selon les accords de Schengen, doivent rester temporaires et être motivés par une situation exceptionnelle, «ne sont pas remplies». «Je ne vois vraiment pas dans quelle mesure l’Allemagne serait confrontée à un danger imminent», ajoute le député Gusty Graas (DP).
Tous les deux ont interpellé à la Chambre le Premier ministre, Luc Frieden, pour en savoir plus sur la réponse que le gouvernement luxembourgeois compte apporter à cette mesure de l’exécutif allemand. Plus particulièrement, les deux élus se sont intéressés à la possibilité d’introduire un recours devant la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), comme l’a suggéré, mardi dans les colonnes du Wort, le professeur de droit européen, Jörg Gerkrath, qui travaille à l’université du Luxembourg.
«Je ne pense pas qu’un recours devant la CJUE soit la bonne réponse, d’autant plus que cela peut prendre trois ans avant qu’une décision intervienne. J’espère que, d’ici là, les contrôles seront déjà levés depuis longtemps, sans quoi nous serions confrontés à un tout autre problème», répond Luc Frieden.
Le chef du gouvernement, tout comme les ministres des Affaires étrangères et des Affaires intérieures, comptent continuer à intervenir auprès de leurs homologues. «On regrette fortement que la levée temporaire de Schengen ne se limite plus à l’Allemagne. La France en fait de même, rejointe depuis peu par les Pays-Bas, qui sont un partenaire du Benelux. Nous intervenons auprès des gouvernements concernés pour souligner qu’il ne s’agit pas d’une bonne idée. Les contrôles ne permettent pas de lutter contre les problèmes qu’ils comptent combattre», développe le Premier ministre.
«La fausse réponse»
L’immigration illégale devrait être endiguée par des contrôles renforcés aux frontières extérieures de l’UE. La lutte contre la criminalité serait à mener par des moyens de police, y compris des coopérations transfrontalières. «Les contrôles aux frontières sont la fausse réponse à une série de défis auxquels est confrontée l’Europe», renchérit Luc Frieden.
Pour ce qui est de l’Allemagne, le Luxembourg entend continuer à protester auprès de la Commission européenne, mais aussi à l’échelle des réunions du Conseil de l’UE, qui rassemble les ministres compétents. Demain, le ministre des Affaires intérieures, Léon Gloden, va pouvoir interpeller à Bruxelles son homologue allemande. Le Premier ministre aura l’occasion d’aborder le sujet avec le chancelier allemand, Olaf Scholz, à l’occasion du sommet européen fixé au 19 décembre.
«Abandonner un des grands principes qui caractérisent l’UE représente un enjeu bien plus grand que les ennuyants contrôles aux frontières. Ceci dit, beaucoup de collègues montrent peu de sympathie pour notre plaidoyer pour le maintien de Schengen. La libre circulation les concerne beaucoup moins que dans les régions frontalières, où l’impact sur la vie quotidienne est beaucoup plus important», développe encore le Premier ministre.
La ministre allemande des Affaires intérieures renvoie vers le succès de la mesure. Sur les 12 derniers mois, les contrôles aux neuf frontières que compte l’Allemagne avec ses voisins auraient permis d’interpeller 1 600 passeurs et de renvoyer 37 000 personnes sans droit d’entrée sur le territoire allemand.