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Conduite autonome : le Luxembourg en route pour devenir un «leader»


Depuis novembre 2022, une voiture autonome circule au Kirchberg, sous la direction du professeur Raphaël Frank, chercheur spécialisé en la matière.

Le gouvernement s’engage à développer une ambitieuse stratégie «Conduite automatisée». Un chercheur de l’Uni.lu voit dans cet outil un «levier» pour attirer de nouveaux investisseurs.

Aux États-Unis, notamment à San Francisco, les robotaxis circulent déjà, de manière tout à fait autonome. Le professeur Raphaël Frank, chercheur de l’université du Luxembourg spécialisé en la matière, a pu prendre place dans de tels véhicules lors d’un récent voyage professionnel. «Des robotaxis sont aussi une réalité à Los Angeles et dans d’autres villes américaines. Tesla vient de lancer son modèle dans les rues d’Austin, au Texas», énumère-t-il. Sa conclusion personnelle est limpide : «L’exploitation de robotaxis et d’autres véhicules autonomes n’est économiquement rentable que lorsqu’il n’y a plus d’opérateur assis à bord.»

Au Luxembourg, on en est encore assez loin, même si, depuis fin mars, l’entreprise Pony.ai réalise des essais scientifiques de voitures en mode conduite autonome sur la voie publique à Lenningen. Un chauffeur reste toutefois obligatoire. Le même mode opératoire est d’application pour les tests réalisés, depuis fin 2022, sur le plateau du Kirchberg par l’Interdisciplinary Centre for Security, Reliability and Trust – en bref SnT – rattaché à l’université du Luxembourg (Uni.lu).

Le gouvernement compte désormais accélérer le développement de la conduite autonome. Jeudi dernier, le feu vert a été donné à la mise en place d’une ambitieuse stratégie qui, selon le Premier ministre, doit permettre de «positionner le Luxembourg comme un leader» à l’échelle de l’UE. «Nous voyons que d’autres pays européens se positionnent aussi dans ce domaine. Notre volonté est de démontrer que l’on peut occuper un tel rôle de précurseur», développe Luc Frieden.

La stratégie «Conduite automatisée» concernera notamment l’encadrement légal et pratique de la circulation de voitures autonomes sur les autoroutes du pays et la circulation de robotaxis. «Une importante composante sera l’établissement du cadre légal, en réglant les questions de responsabilité et d’autres points sensibles en lien avec la conduite automatisée», indique le Premier ministre.

Du concret avant octobre 2028

La mise en œuvre d’un tel cadre légal est, selon le professeur Raphaël Frank, une condition clé pour faire avancer le Grand-Duché dans ce secteur d’avenir. «Les sociétés voulant investir au Luxembourg dans le domaine de la conduite autonome ont besoin d’un cadre légal concret, répondant aux questions qui se posent», insiste-t-il.

La réglementation devrait aussi permettre la mise en place d’une surveillance à distance des véhicules, qui à terme, devront, aussi sur nos routes, circuler sans opérateur humain à bord. «L’ensemble d’une flotte devra pouvoir être géré à partir d’un centre de contrôle», ajoute notre interlocuteur, qui se trouve à la tête du groupe de recherche UBIX, ayant pour ambition de développer des systèmes intelligents et interconnectés grâce à l’intelligence artificielle.

Le levier que doit constituer la stratégie nationale est censé aussi être profitable aux équipes du SnT. «Les sociétés spécialisées que l’on pourra attirer au Luxembourg vont continuer à miser sur l’innovation et poursuivre leur travail de recherche. C’est ici que la stratégie devient intéressante pour nos chercheurs», avance le professeur Raphaël Frank.

En attendant, les essais au Kirchberg, sous la direction du groupe UBIX, et ceux réalisés par Pony.ai à Lenningen, vont se poursuivre.

Le Premier ministre estime que le projet de loi sur la réglementation de la conduite autonome au Luxembourg pourra être ficelé dans «six à dix mois». «Notre objectif est de voir, dans la mesure du possible, encore lors de la législature en cours de premières actions concrètes sur le terrain», met en perspective Luc Frieden. Les prochaines législatives sont fixées au mois d’octobre 2028.

Panne de réseau,
crashs sur les routes?

Le hasard du calendrier a voulu que le Premier ministre annonce la stratégie pour développer la conduite autonome au Luxembourg au lendemain de la panne massive de réseau chez Post. Une connexion stable à la 5G est nécessaire pour faire circuler des voitures sans conducteur à bord. Que se passerait-il donc si le réseau est coupé?

«Le cas échéant, les véhicules autonomes devront avoir la capacité de stopper en toute sécurité, avec le soutien des centres de surveillance à distance. On en a d’ailleurs besoin pour ramener, en cas de problème, le véhicule sur sa voie autonome», explique le professeur Raphaël Frank. Le scénario, en cas de panne de réseau, de voir des accidents en série sur les routes empruntées par des voitures autonomes devrait donc pouvoir être évité.