L’Union européenne, troisième émetteur de gaz à effet de serre (10%), est-elle une si bonne élève de la lutte climatique? Tour d’horizon de ses engagements, progrès et marges de manœuvre alors que se déroulent à Bonn des négociations sur l’application de l’accord de Paris. Le Luxembourg est à la traîne.
Pionnière dans les années 90 (création d’un marché carbone et investissements dans les énergies renouvelables), l’Europe a depuis été rattrapée en termes d’investissements verts et son marché carbone, qui couvre 40% de ses émissions (chimie, acier, ciment notamment), doit profondément être réformé car il ne remplit pas son rôle (encourager les entreprises à réduire leurs émissions).
« L’UE a commencé le plus tôt et a fait le plus d’efforts pour réduire ses émissions », souligne David Levaï, chercheur à l’Institut du développement durable (Iddri) de Paris. Depuis 1990, les émissions des Etats-Unis ont elles grimpé de 7%.
Toutefois, selon le Climate action tracker (CAT), qui évalue les engagements des pays, les objectifs de l’UE sont « loin de ce qui est possible et nécessaire » pour limiter la hausse du thermomètre mondial en deçà 2°C, l’objectif de l’accord de Paris. Il est vrai que tous les grands émetteurs (Chine, Etats-Unis, Inde, Russie, Japon) doivent être plus ambitieux.
Certains acteurs des pays développés le sont déjà, relève Bill Hare de Climate analytics: « la Californie, qui en tant que telle serait la 6e économie mondiale, vise 100% d’électricité renouvelable en 2045 » et « la Suisse vise 50% de réduction de ses émissions d’ici 2030 ».
« Pour parvenir à une décarbonation totale des économies dans la seconde moitié du 21e siècle, l’Europe devra, en tant que leader industriel, être dans les premiers à le faire », explique David Levaï. « Pour cela, il faut structurellement transformer la façon dont l’économie croit, génère de l’emploi, consomme et cette réflexion n’a pas été véritablement engagée, c’est le véritable défi », ajoute-t-il.
Les trois objectifs à 2020 devraient être atteints: baisse des gaz à effet de serre (-20%), énergies renouvelables (20%) et efficacité énergétique (+20%) avec 1990 comme année de référence. La réduction des gaz à effet de serre a déjà été atteinte même si quatre pays sont hors les clous (Autriche, Belgique, Luxembourg et Irlande) et l’Agence européenne de l’environnement prévoit que la baisse atteigne même 24% en 2020.
« L’objectif de réduction des émissions était modeste vu qu’on va le dépasser alors même que des pays n’atteignent pas leurs propres objectifs », souligne Célia Gautier du réseau d’ONG Climate action network.
Selon Eurostat, la part des énergies renouvelables était de 16,7% en 2014. Onze pays ont déjà atteint leur cible (dont la Bulgarie, République Tchèque, pays nordiques et Roumanie) et 20 sont en position de le faire. En revanche, Pays-Bas, France, Irlande, Grande-Bretagne, Danemark, Espagne et Portugal et Luxembourg sont en retard sur leurs objectifs. La Suède est la championne des énergies renouvelables (53,9%), suivie par la Finlande (40%).
Pour la COP21, les 28 se sont donné une feuille de route jusqu’en 2030: parvenir à au moins 27% d’énergies renouvelables, à 30% de gains d’efficacité énergétique (moins d’énergie pour assurer le même service) et au moins 40% de baisse des émissions par rapport à 1990. « Ces objectifs fixent un cap vraiment minimal », estime David Levaï. Cela correspondrait à une baisse moyenne des émissions d’environ 0,9% par an entre 2014 et 2030, ce qui est moins ambitieux que ces dernières années.
Selon le Climate action tracker, l’Europe devrait baisser ses émissions d’environ 2% par an pour arriver à réduire de 45 à 50% ses émissions en 2030, une cible plus cohérente avec l’accord de Paris.
La répartition des efforts entre les 28 est en discussion. La Commission a proposé une réduction des émissions entre 35 et 40% pour l’Allemagne, la France, le Royaume-Uni, la Belgique, le Danemark, le Luxembourg, les Pays-Bas, l’Autriche, la Finlande et la Suède. A l’inverse, l’effort imposé aux économies les moins riches est, comme pour 2020, moindre: la Bulgarie vise un niveau égal à celui de 2005. Croatie, Lettonie, Lituanie, Hongrie, Pologne (5e émetteur européen) et Roumanie entre de 2% à 9%.
« La manière la plus rapide et la plus facile de réduire les émissions est d’agir au niveau de la production énergétique avec le remplacement des fossiles (charbon, gaz, pétrole) par les renouvelables, combiné à une efficacité énergétique accrue », explique Bill Hare.
« C’est le secteur le plus facile à décarboner car on a les technologies et les coûts baissent », estime également Olivier Sartor de l’Iddri.
« Ce n’est plus seulement le solaire mais aussi l’énergie éolienne off shore », fait valoir Laurence Tubiana, la directrice générale de l’European climate foundation, pour qui « les gouvernements européens n’ont pas encore complètement saisi l’ampleur de cette transformation ».
L’institut Climate analytics estime que pour respecter l’accord de Paris, les 300 centrales à charbon implantées en Europe devront être fermées d’ici à 2030, la moitié de leurs émissions étant situées en Pologne et en Allemagne.
Des progrès significatifs seraient, selon Olivier Sartor, aussi très accessibles dans les transports, 2e secteur le plus émetteur, avec des normes pour les poids lourds et des investissements dans les infrastructures pour permettre le déploiement à grande échelle des véhicules électriques.
Les Pays-Bas ont été les plus volontaristes dans ce secteur: ils prévoient d’interdire la vente de carburants issus du pétrole à l’horizon 2025. Hors UE, la Norvège et la Californie ont adopté des normes très contraignantes.
Enfin, seul un fonctionnement efficace du marché du carbone permettra des progrès dans les industries très « sales » comme l’acier et le ciment.
Le Quotidien / AFP