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Claudia Monti : une dernière plaidoirie pour le droit à l’erreur


L’ex-Ombudsman, Claudia Monti, égratigne l’adage qui veut que nul n’est censé ignorer la loi, lui préférant l’erreur est humaine.  (Photo : archives lq/hervé montaigu)

Avant de quitter son poste d’Ombudsman, Claudia Monti a livré son dernier rapport d’activité dans laquelle elle invite le législateur à introduire un droit à l’erreur pour les administrés.

C’était la dernière préface de Claudia Monti avant de quitter son poste d’Ombudsman. Dans le rapport d’activité de 2024, le lecteur pourra mesurer combien elle s’est investie pendant huit ans, en parcourant son avant-propos. «Au cours de ces années, j’ai regretté de faire face à des situations tragiques, sinon humainement difficiles à justifier, générées par un processus décisionnel écartant parfois toute logique sociale ou empathie», témoigne-t-elle.

Elle a toujours inlassablement répété que les administrations devaient soigner l’aspect humain et gardé en mémoire, aussi, que l’erreur est humaine. C’est donc sans surprise que Claudia Monti, qui préside aujourd’hui aux destinées de Hëllef um Terrain (HUT), plaide pour le droit à l’erreur. Elle presse le législateur à introduire dans le droit administratif, à l’instar de la France, ce droit à l’erreur que les Belges appliquent également via des jurisprudences en la matière.

Inverser la charge de la preuve

En France, la loi du 10 août 2018, a introduit un texte destiné à un État au service d’une société de confiance, dite loi ESSOC, qui consacre le principe de l’a priori bonne foi dans le Code des relations entre le public et l’administration. Claudia Monti précise que cette loi s’inscrit dans une démarche de simplification administrative et de renforcement de la relation de confiance entre l’administration et les administrés, principe cher aux gouvernements successifs luxembourgeois.

Le gouvernement français reconnaît ainsi «la possibilité, pour chaque Français, de se tromper dans ses déclarations à l’administration sans risquer une sanction dès le premier manquement», précisant que «chacun doit pouvoir rectifier sa situation, spontanément ou au cours d’un contrôle, lorsque son erreur est commise de bonne foi». «La charge de la preuve est ainsi inversée : c’est à l’administration de démontrer la mauvaise foi de l’usager.»

Une législation toujours plus complexe

L’important, pour l’ancienne médiatrice, est de passer de la prémisse qu’elle juge «extrêmement rigide» qui veut que «nul n’est censé ignorer la loi» à celle de «l’erreur est humaine». Dans son dernier avant-propos, Claudia Monti déclare avoir été confrontée à diverses reprises et «faute d’argumentaire plus élaboré», à l’invocation de l’incontournable maxime selon laquelle «nul n’est censé ignorer la loi».

«Si tant est qu’il puisse être jugé opportun d’avancer pareil élément en guise d’argumentaire juridique, encore faudrait-il que le texte concerné ne puisse prêter à discussion», écrit-elle. L’ancienne avocate sait combien «la complexité du droit, son évolution constante et l’influence grandissante de la législation internationale rendent bien illusoire la démonstration pratique de ce si célèbre adage», témoigne-t-elle.

L’expérience lui a montré que même si un administré veut bien s’informer avant d’agir, il passera facilement, en toute bonne foi, à côté d’une disposition utile et pertinente à sa situation, laquelle sera alors portée à sa connaissance par l’administration a posteriori, parfois plusieurs années après, à la suite d’un contrôle ou d’un réexamen périodique.

Passer du rigide au souple

«Par une rigidité moins excessive dans l’application des textes de loi, le droit à l’erreur évite une sanction immédiate pour une erreur commise par méconnaissance ou maladresse, pourvu que l’administré soit de bonne foi», explique-t-elle. En France, le Code des relations entre le public et l’administration prévoit qu’«une personne ne peut faire l’objet d’une sanction si, pour la première fois, elle a méconnu une règle administrative, sauf mauvaise foi ou fraude». Pour que l’administration accompagne plutôt qu’elle ne sanctionne, ce droit à l’erreur rééquilibre les relations entre l’administré et l’administration en favorisant le dialogue et la pédagogie administrative.

Le français retient que «les relations entre le public et l’administration sont fondées sur les principes de confiance, de transparence, de simplicité et d’intelligibilité». Le législateur impose deux conditions : Il faut que ce soit la première fois que l’administré ait méconnu une règle applicable à sa situation ou commis une erreur matérielle lors du renseignement de sa situation et qu’il ait régularisé sa situation spontanément, sinon, après avoir été invité à le faire par l’administration et dans le délai que celle-ci a fixé.

Faciliter les démarches

«L’Ombudsman invite le législateur luxembourgeois à réfléchir sur pareille approche, dans l’esprit de poursuivre et d’améliorer les démarches déjà entreprises en faveur d’une simplification administrative», écrit-elle encore.

Claudia Monti «reste persuadée» de l’importance de soigner cet aspect humain, et elle relève que nombre d’administrations étatiques et communales «ont pris à cœur d’entretenir cette relation avec l’usager au-delà d’un aspect purement bureaucratique, en facilitant par exemple les démarches, en multipliant l’information pré et post décisionnelle ou encore en adaptant leurs réponses types à la situation concrète de l’usager».

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