À l’approche des élections, le CLAE invite à repenser la conception de citoyenneté et à remettre la «solidarité au cœur de notre société». En ce sens, le travail des associations doit être davantage valorisé.
La conjoncture internationale, à l’origine de nombreuses dynamiques migratoires, et la période préélectorale, qui se profile peu à peu au Luxembourg, alimentent les réflexions quant à la citoyenneté et son régime de détermination.
Au regard de nos sociétés, pluriethniques et constamment en mouvement, le statut actuel de citoyen peut être soumis à une remise en question, voire à un examen de conscience : par quels moyens garantir la jouissance des droits civiques et publics à tous les résidents du Grand-Duché, en dépassant, de fait, les caractérisations ethnoculturelles?
Depuis 1985, le Comité de liaison des associations d’étrangers (CLAE) cultive une conception de la citoyenneté dissociée des origines sociales et culturelles, tout en portant la question de l’accueil des personnes issues de différents flux migratoires au plus haut niveau. Ainsi, la plateforme informe, conseille et appuie 190 ASBL héritières de l’immigration dans leurs démarches, avec comme intention première, la création d’un espace d’expressions citoyennes.
Le travail de terrain, tant du CLAE que des associations qu’elle rassemble, a permis d’élaborer de nouvelles pistes pour mieux concevoir la citoyenneté et faire de chaque résident au Luxembourg, «un citoyen à part entière au sein d’une société en mouvement». Dans ce paquet de revendications, la création d’un ministère de la Citoyenneté apparaît comme le cheval de bataille dont le comité entend faire la promotion à l’approche des élections communales et législatives.
En quête d’équité
Le constat d’un monde qui se replie sur lui-même et davantage en proie à des crises économiques invoque, pour le CLAE, la nécessité de retisser les liens et d’impulser une vision plus large de l’inscription citoyenne : «On se rend progressivement compte qu’on n’est pas tous protégés contre ces crises et qu’il faut aller vers l’autre. On peut s’entraider grâce à l’engagement collectif et populaire, analyse Kristel Pairoux, chargée de communication et de l’accueil associatif au CLAE. Un ministère de la Citoyenneté permettrait de sortir de cet enfermement qu’on pourrait avoir.»
Si le projet ne revêt pas de forme politique spécifique et se veut «symbolique», peu ou prou, il porte en sa chair un ensemble de préconisations concrètes pour repenser l’accueil et réinscrire le principe de solidarité au cœur de notre société. Parmi elles, le remplacement du contrat d’accueil et d’intégration, jugé nettement «insuffisant» par le comité.
Une fois signé, ce programme permet aux résidents non luxembourgeois de bénéficier de séances d’instruction civique, d’une journée d’orientation et de bons à tarif réduit pour participer à des cours linguistiques. «Il faudrait une politique d’accueil plus englobante et réfléchie, qui résoudrait les inégalités au sein de la société. On part du principe que seul un ministère pourrait arriver à une politique générale autour de la citoyenneté et à répondre à plusieurs questions transversales», pose Kristel Pairoux.
Les champs d’action déclinés par le CLAE, permettant à toute la population de trouver sa place dans la société, sont nombreux et concernent essentiellement la scolarisation, le marché du travail ou encore le logement : «On ne parle pas d’un ministère en termes de migration, mais d’un ministère qui aurait une visibilité globale sur les questions liées à tous les aspects de la citoyenneté. Ça introduirait l’équité et on saurait les difficultés spécifiques que rencontrent les résidents», complémente Pascale Zaourou, présidente du CLAE.
Encore faut-il réussir à dépasser les désignations et les lectures ethnicisantes de l’intégration, qui renvoient constamment les personnes issues des flux migratoires en des termes liés au voyage : «Est-ce qu’on est encore un migrant quand on est installé dans un pays pendant plus de dix ans? Il ne faut pas enfermer les personnes dans leur rôle d’étranger et faire société ensemble», exhortent Pascale Zaourou et Kristel Pairoux.
Valoriser le travail associatif
Le lot de préconisations, qui accompagne la pensée du CLAE, s’arc-boute également sur la fin de l’externalisation des frontières et des pratiques utilitaristes, qui consistent à faire appel temporairement à de la main-d’œuvre étrangère.
En somme, un changement de paradigme en matière d’accueil et d’intégration, dans lequel le tissu associatif luxembourgeois peut apporter gros. La présidente du CLAE le rappelle sans détour : «Les associations sont très souvent une porte d’entrée vers la citoyenneté et les personnes s’adaptent à la société à travers elles.»
En partant de ce postulat, le comité invite les pouvoirs publics à mieux soutenir et promouvoir la vie associative : «Pour le moment, il n’y a pas vraiment de ministère dédié aux associations et les solutions liées à l’intégration sont souvent morcelées. L’accès aux informations peut être compliqué, or tous les domaines qui favorisent l’inscription citoyenne doivent être renforcés», explique la chargée de communication du CLAE.
À travers leurs activités, les associations, comités et collectifs développent des liens avec les sociétés d’accueil et d’origine. Un travail en synergie, autour d’un même pôle, pourrait ainsi pallier les carences étatiques en la matière et offrir une réponse aux difficultés spécifiques.
Cet «espace où peuvent se croiser toutes les associations» permettrait l’impulsion de nouvelles dynamiques culturelles et de réseaux de solidarité, dans lesquels tout le monde pourrait s’exprimer et faire entendre ses préoccupations. Au final, ce qui fait de chacun d’entre nous, un citoyen. À ce jour, cette proposition a déjà été présentée au LSAP et s’apprête à être exposée à déi gréng.
Les prochains rendez-vous du CLAE
Outre l’accompagnement qu’il propose aux associations héritières de l’immigration, le Comité de liaison des associations d’étrangers est à l’origine de nombreuses initiatives citoyennes. Le 11 décembre, un ouvrage édité par le CLAE fera son apparition dans le paysage littéraire. Tout le monde en classe!, de France Neuberg, exposera «les approches plurielles et la différenciation dans les classes de langues pour adultes ainsi que la création d’un espace joyeux de l’apprentissage».
Les formateurs et formatrices sont régulièrement confrontés à une grande diversité de profils dans les classes linguistiques, mais ne sont pas toujours outillés pour apporter des réponses cohérentes. Des questions pédagogiques et des valeurs plus philosophiques sur l’accueil des personnes y seront donc abordées dans l’objectif de répondre aux besoins de chacun.
Évidemment, le CLAE donne également rendez-vous pour la 40e édition du festival des Migrations, des Cultures et de la Citoyenneté, qui aura lieu à Luxexpo, au mois de février. Un village culturel, des résidences d’artistes et des discussions animeront le week-end, placé sous le signe de la convivialité et du partage. Plus d’informations sur le site internet www.clae.lu.
Cela fait des années pour ne pas dire décénies qu’on nous annonce des actions en la matière, dont un projet de loi pour le bénévolat en 2001: Dès lors, on a une multitude de congés (culturel, sportif, etc.) mais rien pour l’action citoyenne, que ce soit dans le domaine de l’intégration que du handicap!
Peut-être faudrait-il d’abord casser et repenser cette administration dénommée « Ministère de la Famille et de l’Intégration »: créée hélas par le CSV il y a plus d’un demi-siècle pour maintenir le plus longtemps possible un modèle social et familial jugé « valable » (homogène et catholique), alors que de nos jours, ce sont la cohésion sociale, l’inclusion et la diversité qui comptent.