Anne Schroeder propose, à travers « Histoire(s) de femme(s) », en salles mercredi, un documentaire sur l’émancipation des femmes au Luxembourg de 1919 à nos jours.
En 2001, la réalisatrice, productrice et désormais coordinatrice du BTS cinéma et audiovisuel du lycée des Arts et Métiers Anne Schroeder sortait son documentaire Histoire(s) de jeunesse(s). Dix-sept ans plus tard, elle récidive avec Histoire(s) de femme(s).
Après s’être intéressée aux différentes générations de jeunes et à leur rupture avec la génération précédente, elle se penche sur l’émergence et l’évolution de la cause féministe, de l’émancipation de la femme à travers des images d’archives, des manifestations récentes et des interviews de Luxembourgeoises de différentes générations et classes sociales. Un documentaire bien fait et instructif, tantôt drôle, tantôt énervant.
C’est à Paris que débutent les 70 minutes d’Histoire(s) de femme(s), le nouveau documentaire d’Anne Schroeder. Le 21 janvier 2017, jour de la Marche des femmes. Les images ne sont pas très belles, le cadre pas très travaillé, ça bouge dans tous les sens, mais l’important est ailleurs, dans le chiffre. Dix mille manifestants, ce jour-là à Paris, 5 millions partout dans le monde.
Une manière de replonger dans le passé. Toujours à Paris, en 1971, toujours pour les droits des femmes, puis plus loin jusqu’en 1919. C’est là que les Luxembourgeoises obtiennent le droit de vote. Mais ce n’est pas pour autant que les femmes peuvent faire ce qu’elles veulent. Il existe bien déjà un lycée pour filles dans la capitale, mais ce n’est que pour les filles de la haute société, apprend-on.
«Un tablier et un imperméable»
Et c’est parti pour 100 ans de batailles pour les droits des femmes, pour l’égalité des sexe. À travers une voix off sur des images d’archives et 18 intervenantes dont on ne découvrira les noms que lors du générique de fin – une manière, expliquera la réalisatrice, que chacune représente l’ensemble d’une génération, d’une classe sociale, etc. – on part de la femme quasiment esclave à la maison, sous la responsabilité légale du père, puis du mari, de ces jeunes filles qui n’avaient pas le droit de lire et devaient se concentrer sur leur tricot et on assiste à leur lente libération.
Le droit de choisir son école, de pouvoir «regarder les garçons», de sortir de la maison – «un tablier et un imperméable, c’était ça ma vie», dit une femme interviewée –, de travailler – 12 heures par jour à l’époque ! –, au moins jusqu’au mariage. «À l’époque, c’était différent», note simplement une intervenante. Ne serait-ce que parce que certaines femmes avaient jusqu’à 18 enfants et en perdaient encore beaucoup en bas âge. D’où cette autre lutte, plus tard, pour la contraception, l’avortement, le divorce… contre le pouvoir masculin, politique et religieux !
« Ce n’est pas terminé »
C’est le temps du MLF (Mouvement de libération des femmes), des manifs, de l’engagement militant, des premières élues, de la «sororité»… sorte de prémices des actuels MeToo, Time’s Up… Le film, de facture classique, laisse volontairement de côté le sujet des violences domestiques, ce qui n’enlève rien à sa force.
Ce siècle d’évolution est on ne peut plus énervant quand on le regarde avec des yeux d’aujourd’hui. Comment a-t-on pu faire ça ? Laisser faire ? Comment nos mères, grands-mères, arrière-grands-mères ont-elles pu accepter ça ? Comment nos femmes, nos filles, nos amies peuvent-elles encore accepter tout un tas de contraintes aujourd’hui ? Car comme le dit fort bien le film, «ce n’est pas terminé».
Histoire(s) de femme(s) est un film utile qui parvient, malgré le sujet, à rester léger et devient même parfois très drôle. Un film qui sortira dans quasiment toutes les salles grand-ducales, en VO sous-titrée en français ainsi qu’en version française.
Pablo Chimienti