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[CINÉMA] La critique du jour : Gutland


Gutland débarque au pays, en compétition officielle du Luxembourg City Film Festival. Ici l'actrice Vicky Krieps, alias Lucy, la fille du maire d'un petit village de la campagne luxembourgeoise. (Photo : DR)

Après des débuts remarqués dans les festivals internationaux, Gutland est en compétition officielle du Luxembourg City Film Festival.  Attention, ce n’est pas une jolie fable sur la campagne luxembourgeoise, mais plutôt un film noir…

Particulièrement remarqué avec ses courts métrages Géi du scho mol vir , En Dag am Fräien ou le documentaire We Might as Well , Govinda van Maele continue son exploration des marges, des clairs-obscurs, des dysfonctionnements, tout en brouillant les pistes du genre entre fiction et réalité, et ce, avec son premier long métrage, Gutland . L’histoire? Au petit matin, dans la campagne luxembourgeoise, un homme sort des bois à la recherche d’un travail saisonnier pour les moissons. Jens (Frederick Lau) se retrouve confronté à l’animosité des locaux jusqu’à ce que la fille du maire, Lucy (Vicky Krieps), jette son dévolu sur lui. Tout s’arrange alors pour cet homme mystérieux qui cache un lourd secret. Dans une microsociété rurale où l’intégration semble complexe, Jens va s’épanouir et entrevoir un possible changement de vie jusqu’à ce que l’image parfaite de la communauté s’altère petit à petit, ternie par des secrets bien enfouis…

Encore une fois, le réalisateur se joue des genres, proposant un récit entre documentaire et fiction. Il propose ici un drame hyper-réaliste et un film noir à tendance thriller SF. Pas facile, en tout cas, de le faire rentrer dans une case. La poésie des images bucoliques, que le temps ne semble altérer que par la lumière changeante et les éléments climatiques, s’immisce dans la violence sous-jacente et pesante de ce village. Le développement de la narration est lent, détaillé, installant le spectateur dans une position de témoin silencieux.

Dénouement (trop?) brutal

Si quelques éléments ici et là nous mettent la puce à l’oreille sur ce qui est réellement en train de se passer dans ce village, à l’instar de Jos (Marco Lorenzini) un peu trop paternel avec ce nouvel arrivant qui force quelque peu son assimilation, ou encore cette magnifique scène durant laquelle Jens se met à suivre une silhouette ressemblante à Lucy qui finira par disparaître au cœur de la nuit… Chacun des éléments du film – le grain de la pellicule 35 mm, la musique, les cadrages, les anonymes acteurs et le duo Lau-Krieps – sert un climat à la fois onirique et déstabilisant, malsain, ou peut-être trop réaliste. Il est juste dommage que le dénouement arrive de manière trop brutale.

Il est clair que Gutland n’est pas une jolie fable sur la campagne luxembourgeoise mais bien un film noir racontant les secrets que chaque communauté préfère enterrer. Govinda van Maele fait tomber les masques et révèle les non-dits. Avec ce premier long métrage, le réalisateur luxembourgeois maîtrise à la perfection son langage cinématographique, dans tous ses recoins, faisant ainsi, aisément, oublier quelques maladresses et s’offrant au passage une belle entrée dans le monde des grands. Après de beaux débuts dans les festivals internationaux, Gutland débarque au pays, en compétition officielle du Luxembourg City Film Festival, pour notre plus grand plaisir!

Mylène Carrière

Cinémathèque, ce dimanche à 21 h, en VO st. fr.