Dans la lignée des grandes œuvres engagées et sociales d’un cinéma italien révolu, Palazzina LAF, de Michele Riondino, a gagné la compétition du festival de Villerupt en faisant aussi écho aux problématiques liées au passé sidérurgique de la région.
Rarement, d’histoire récente, le triomphe d’un film au festival du Film italien de Villerupt aura été aussi parfaitement en phase avec son époque, cohérent à tous points de vue.
Ainsi, Michele Riondino, ex-jeune premier du cinéma transalpin à la fin des années 2000 puis vedette de la télévision (il a repris le rôle du célèbre commissaire Montalbano créé par l’auteur sicilien de polars Andrea Camilleri), était attendu dans le Pays-Haut pour y recevoir l’Amilcar de la Ville – récompense honorifique plus que tout autre chose.
Il en est reparti avec le Prix du jury pour son premier long métrage, Palazzina LAF. Une œuvre engagée, biographique et drôlement féroce qui revient sur un grave cas d’abus de pouvoir dans le monde du travail (débouchant ensuite sur un énorme scandale environnemental), vu de l’intérieur, à travers le parcours trouble d’un simple ouvrier de l’aciérie Ilva, à Tarente, dans les Pouilles.
C’est à Tarente qu’est né Michele Riondino, et c’est dans cette même usine Ilva que son père a travaillé toute sa vie durant. Palazzina LAF représente en quelque sorte le travail d’une vie pour celui qui, adolescent, allait manifester aux côtés des ouvriers de l’usine, et qui continue de militer activement dans sa ville natale, encore largement dépendante du fonctionnement des usines, contre des conditions de travail désastreuses et les effets de la pollution.
À la majorité, Riondino, pris de l’irrésistible envie de faire carrière dans le cinéma, s’éloigne de Tarente, mais ne quittera jamais vraiment la classe ouvrière. Ironie du sort, c’est en 1997 (l’année de ses 18 ans) que se déroule ce récit dans lequel il se met en scène dans le rôle de Caterino, que le dirigeant de l’aciérie transforme en espion prêt à dénoncer les collègues «indésirables».
Ces derniers, par ailleurs les plus qualifiés au sein de l’entreprise, sont transférés dans un ancien laminoir à froid (la «palazzina LAF» du titre) où ils sont contraints de ne rien faire. Être payé à se tourner les pouces, à jouer aux cartes ou à se faire des passes avec un ballon de foot ressemble, pour nombre d’entre eux, à une certaine idée du paradis – le bâtiment, en réalité, a plutôt à voir avec l’asile de fous, un véritable enfer sur terre.
Un écho au Luxembourg
On comprend les qualités qui auront plu au jury présidé par le producteur luxembourgeois Jani Thiltges (Samsa Film) : dans la lignée du dernier gros succès du cinéma italien, C’è ancora domani (Paola Cortellesi, 2022), Palazzina LAF renvoie aux œuvres «tragicomiques» et engagées du cinéma italien des années 1970, qu’incarne ici le personnage désespérément ambigu et jamais héroïque de Caterino, exprimant par la fiction tout le dilemme qui conditionne la classe ouvrière de cette ville entièrement polluée par leur employeur.
Au-delà des motivations purement cinématographiques, le film, qui répond aussi au thème mis en avant cette année par le festival («Travailleurs, travailleuses et algorithmes»), devrait trouver un certain écho au Luxembourg.
Le décor de l’usine sidérurgique, bien sûr. Mais pas n’importe laquelle : cette «bombe écologique» (ainsi que Le Quotidien décrivait l’usine Ilva en 2018) récemment autorisée par l’Union européenne à être reprise par ArcelorMittal pour une mise aux normes écologiques, contre la vente de plusieurs usines, dont celle de Dudelange (aujourd’hui propriété de Liberty Steel).
Derrière la caméra comme à Villerupt, Michele Riondino assure que son combat est loin d’être terminé.
Amilcar du jury
Palazzina LAF, de Michele Riondino
Mention spéciale à Familia, de Francesco Costabile
Amilcar de la critique
Vermiglio, de Maura Delpero
Amilcar des professionnels
Vermiglio, de Maura Delpero
Amilcar du jury jeune
I bambini di Gaza, de Loris Lai
Amilcar du public
Familia, de Francesco Costabile
Amilcar de la Ville
Michele Riondino