Une organisation chypriote œuvre pour rendre à leur famille les corps de personnes disparues depuis près de 60 ans.
En visite de travail à Chypre avant de s’envoler pour deux jours à Jérusalem et en Palestine, le ministre des Affaires étrangères, Xavier Bettel, a tenu à se rendre au Commitee on Missing Persons (CMP), près de Nicosie. Les locaux de l’organisation se trouvent dans un no man’s land tout droit sorti d’un film de science-fiction dans lequel l’humanité aurait été décimée. Après le passage d’un poste-frontière vétuste, apparaissent une station-service abandonnée, un terrain de football à la pelouse brûlée, divers bâtiments vidés de leurs occupants… Puis, au bout de la route, des préfabriqués surgissent. À l’intérieur, des anthropologues, archéologues et généticiens du CMP travaillent.
L’organisation a été créée en 1981 par les dirigeants des communautés chypriote grecque et chypriote turque, avec la participation des Nations unies. Elle tente de retrouver, récupérer, identifier et rendre à leurs familles les restes de 2000 personnes, disparues lors de la guerre civile de 1963 à 1964 et dix ans après en 1974 quand la Turquie envahit Chypre. Il ne s’agit pas là de déterminer les circonstances du décès ni de trouver un coupable – les morts appartiennent aux deux camps – mais bien de permettre à des familles entières de faire définitivement leur deuil.
Un travail de longue haleine
Dans le laboratoire, sur des dizaines de tables sont alignés, serrés côte à côte, des restes humains : os, crâne, mâchoire… tout est étiqueté, numéroté. Un travail de longue haleine. Il faut d’abord repérer les corps, à l’aide des technologies les plus précises possibles telles que des drones, des images satellites, mais aussi enquêter auprès de la famille pour faire ressurgir des souvenirs permettant de situer l’endroit où la personne se trouvait avant de disparaître. Ensuite, il est temps d’«entreprendre des fouilles, ce qui est parfois compliqué à cause de nouvelles constructions», nous explique Pierre Gentile, représentant de l’ONU au comité.
Dans chaque famille, l’un des parents du disparu a fourni son ADN pour qu’un profil génétique soit établi par un laboratoire situé aux États-Unis. Il est ensuite comparé avec l’ADN prélevé sur les restes et si les deux correspondent, les restes sont remis à la famille. Quelque 1 050 disparus ont ainsi pu retrouver un nom. «Les restes qui se trouvent sur les tables n’ont, pour la plupart, pas encore été identifiés, ils en sont au stade du test ADN», précise Pierre Gentile, qui ne doute pas qu’un jour tous les disparus auront été retrouvés.
De notre envoyée spéciale au Proche-Orient, Isabelle Simon