L’inquiétude monte dans les bureaux d’architectes et ingénieurs-conseils du pays, confrontés à une chute d’activité et à un carnet de commandes qui reste désespérément vide. L’OAI appelle les pouvoirs publics à réagir d’urgence.
Impliqués dès la conception d’un nouveau projet de construction, soit deux à trois ans en amont du début des travaux, les architectes, ingénieurs-conseils, urbanistes-aménageurs et paysagistes sont bien placés pour observer l’état du marché et se faire une idée de son évolution à moyen terme. Ils attestent d’un climat économique compliqué, avec des indicateurs qui virent au rouge.
D’abord, le nombre moyen de certificats que ces professionnels délivrent pour des autorisations de bâtir est en chute libre : -41 % en janvier dernier par rapport à juillet 2021 pour des projets de logement, et -50 % pour les plans d’aménagement particuliers (PAP) sur la même période.
Après la Chambre des métiers et la Fédération des artisans en début d’année (lire notre dossier du 17 janvier), c’est donc au tour de l’Ordre des architectes et ingénieurs-conseils (OAI) de tirer la sonnette d’alarme et d’appeler les pouvoirs publics à agir pour éviter ni plus ni moins que «l’effondrement de l’ensemble du secteur». Car, pour la première fois, certains concepteurs OAI voient leur chiffre d’affaires diminuer, ce qu’ils avaient toujours pu éviter lors de précédentes crises, y compris lors du séisme financier de 2008-2009.
La branche, qui compte 779 bureaux établis au Grand-Duché et emploie près de 6 000 personnes, s’avère particulièrement vulnérable, alors que la plupart (70 %) de ses entreprises sont de petites structures.
Une récente enquête de l’OAI auprès de ses membres confirme un avenir incertain pour nombre d’entre elles, frappées de plein fouet par les crises successives et la demande en berne : «Si une bonne moitié des bureaux considèrent encore leur situation économique comme satisfaisante, 21 % se disent déjà en mauvaise posture. Un chiffre qui grimpe à 26 % pour les sociétés avec moins de six collaborateurs», déplore l’OAI.
Et l’embellie ne sera pas pour tout de suite, au vu du faible taux de remplissage de leur carnet de commandes : 67 % estiment que leur activité va, au mieux, rester stable d’ici l’automne, tandis que 23 % s’attendent à voir leur situation financière se dégrader. En parallèle, 42 % des bureaux confirment une stagnation de leur marge bénéficiaire, quand 36 % l’ont vu fondre comme neige au soleil ces derniers mois.
Avec de lourdes difficultés à la clé puisque plus d’un bureau sur deux juge désormais que ses liquidités ne lui suffiront pas pour tenir au-delà de trois mois, si la situation perdure. Or, c’est bien ce qui risque de se produire, les clients se faisant de plus en plus rares : 48 % des bureaux déclarent ne pas avoir décroché de contrat au-delà des six prochains mois, et ça monte jusqu’à 69 % pour les plus petits. À plus long terme, ce n’est pas plus rose pour la plupart, le carnet de commandes n’est rempli qu’à 25 % pour les trois ans à venir.
7 % des bureaux vont devoir licencier
Un climat morose qui se répercute logiquement sur le recrutement, avec des prévisions d’embauche en recul dans le secteur : à peine un bureau sur cinq pense renforcer son équipe au cours de cette année, et seulement un sur dix parmi ceux qui ne dépassent pas cinq employés. Malheureusement, 7 % n’auront pas d’autre choix que de licencier certains salariés.
Un horizon bien sombre qui pousse aujourd’hui l’OAI à alerter le gouvernement : «Le volume de projets en études à court terme est encore passable, mais l’évolution alarmante exige une réaction très forte du secteur public pour redonner confiance à tous les acteurs», estime l’organisation, rappelant à l’État son rôle d’investisseur anticyclique.
Pour cela, elle plaide notamment pour un cadre plus propice aux nouveaux projets de construction dans les domaines du logement et du patrimoine, encourage l’innovation et les projets pilotes, défend une loi clarifiant tous les recours nécessaires pour une qualité durable dans le bâtiment, et réclame une simplification administrative doublée d’une digitalisation des procédures.