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Christophe Hansen : «Devenir commissaire, une occasion unique»


«Mon ressort pourrait découler de mes activités au Parlement, soit l’agriculture, l’environnement ou le commerce», estime Christophe Hansen.

Christophe Hansen, choisi par le gouvernement pour intégrer la prochaine Commission européenne, compte profiter de son importante expérience comme eurodéputé pour assumer sa nouvelle tâche. Il a hâte de connaître son ressort.

Lundi, Christophe Hansen aura rendez-vous avec Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne. Cet entretien constituera une étape de plus sur son chemin pour devenir le nouveau représentant du Luxembourg dans l’organe exécutif de l’UE.

L’officialisation de sa candidature par le Premier ministre, Luc Frieden, a selon toute vraisemblance mis hors jeu le commissaire sortant Nicolas Schmit, qui voulait pourtant être reconduit. Christophe Hansen devra toutefois encore convaincre ses futurs ex-collègues du Parlement européen avant de pouvoir entrer en fonction, au mieux le 1er novembre.

Actée dans l’accord de coalition en novembre dernier, votre candidature pour intégrer la prochaine Commission européenne a mis du temps avant d’être officialisée. Avez-vous redouté de voir cette nomination vous échapper ?

Christophe Hansen : Au bout des négociations de coalition, Luc Frieden m’a demandé si j’étais prêt à être le candidat du Luxembourg pour aller siéger à la Commission européenne. J’ai accepté avec grand plaisir.

Le choix de Nicolas Schmit comme tête de liste du Parti socialiste européen n’est intervenu que plus tard. Je suis resté assez confiant en dépit des articles qui sont parus au fil des mois dans la presse. La nervosité a augmenté début août lorsque les nominations des autres pays ont commencé à affluer. La pression est devenue plus importante à l’approche de la date limite fixée à ce 30 août.

J’ai eu des chances de devenir membre du nouveau gouvernement

Le Premier ministre, Luc Frieden, s’était pourtant montré plus hésitant avant les vacances d’été sur le choix du candidat luxembourgeois, à un moment où le commissaire sortant Nicolas Schmit restait aussi dans la course.

Je n’ai pas interprété les propos du Premier ministre de la même manière que l’a pu faire une partie de la presse. Il a affirmé vouloir proposer un homme et une femme, comme demandé par Ursula von der Leyen, à défaut de reconduire le commissaire sortant. Il me semblait clair que Luc Frieden allait miser sur moi, même si, à ce moment, il considérait l’opportunité de nommer aussi une candidate.

En fin de compte, le Luxembourg s’est toutefois joint à une large majorité d’États membres qui ont omis de proposer un duo paritaire. Comment l’expliquer ?

En fonction des dernières nominations et de l’issue de l’approbation des candidats par le Parlement européen, le tableau final pourrait encore s’améliorer. Toutefois, il n’est pas à nier que le bilan intermédiaire n’est pas brillant (NDLR : selon le dernier décompte, datant de vendredi, la future Commission, composée de 27 commissaires, pourrait compter au maximum 9 femmes).

S’agit-il d’un manque de respect envers la présidente de la Commission, comme le critique notamment le LSAP ?

Il faut aussi considérer l’équilibre politique sensible qui existe au Luxembourg. Des questions ont dû être tranchées par la coalition, aussi bien en ce qui concerne le contenu que les têtes. Il s’agit d’un fait que l’on doit aussi respecter. Si je deviens bien le nouveau commissaire du Luxembourg, Martine Kemp va venir me suppléer au Parlement européen. Le CSV disposerait dès lors de 100 % d’eurodéputées dans l’hémicycle et deux tiers des représentants du parti à Bruxelles seraient des femmes. Je pense que le CSV a rempli son devoir.

Ne redoutez-vous pas que l’accord conclu entre les sociaux-démocrates (S&D) et les conservateurs du Parti populaire européen (PPE) puisse se retourner contre vous, sachant qu’un poste de vice-président de la Commission était censé revenir à Nicolas Schmit en échange du soutien à la réélection d’Ursula von der Leyen ?

Je n’ai pas connaissance d’un tel accord. A-t-il été conclu oralement ou par écrit? Lors de la répartition des postes clés à la tête de l’UE, les socialistes ont décidé de ne pas proposer leur tête de liste pour prendre la présidence du Conseil européen, mais d’opter pour le Portugais António Costa.

Ils auraient tout aussi bien pu choisir Nicolas Schmit. Je n’exclus toutefois pas que les eurodéputés sociaux-démocrates me mènent la vie dure quand il s’agira d’obtenir, je l’espère, la majorité nécessaire des deux tiers en commission parlementaire.

En tant qu’eurodéputé, vous avez déjà pu acquérir une grande expérience en travaillant notamment sur des dossiers d’ampleur tels que la mise en œuvre du Brexit. Sur la base du travail accompli par le passé, quelles seraient vos ambitions en tant que futur commissaire du Luxembourg ?

En effet, j’ai eu à négocier en tant que rapporteur toute une série de dossiers importants. Dans le domaine de l’environnement, j’ai travaillé sur le règlement sur la déforestation et la directive sur l’eau. Les plans stratégiques pour la politique agricole commune (PAC) sont également à citer. Tout comme des questions liées au commerce, dont le Brexit et l’instrument sur les subventions étrangères.

Il s’agit bien entendu de ressorts qui peuvent m’intéresser en tant que commissaire. Mais c’est un énorme puzzle qui doit être composé. Chaque État membre soumet des demandes à la présidente de la Commission. Mon ressort pourrait découler de mes activités au Parlement, soit l’agriculture, l’environnement ou le commerce.

Quelles sont les demandes de ressorts pour le Luxembourg que le Premier ministre a soumises à Ursula von der Leyen ?

Luc Frieden a certainement formulé plusieurs demandes. Les ressorts précités devraient en faire partie, tout comme d’autres où le Grand-Duché dispose d’intérêts spécifiques à défendre. Il est positif que, contrairement à d’autres pays, qui ne formulent qu’une seule demande spécifique, le Luxembourg propose un candidat ouvert à plusieurs ressorts, ce qui aide certainement Ursula von der Leyen à composer son équipe de commissaires.

Même si le ressort reste à attribuer, ne pensez-vous pas que le Luxembourg risque de perdre du poids à l’échelle de l’UE? Le LSAP estime en effet que, contrairement à Nicolas Schmit, pressenti pour un poste plus relevé, vous serez plutôt un poids plume à Bruxelles.

Il faudra voir quel ressort je vais pouvoir décrocher. D’un autre côté, il faut tenir compte du choix du gouvernement luxembourgeois de miser sur un plus jeune candidat qui aura encore plus d’années devant lui dans sa carrière politique et qui pourrait saisir encore d’autres opportunités après avoir été commissaire. Il faudra aussi prendre en considération la structure de la nouvelle Commission pour mieux pouvoir évaluer le poids des différents postes et ressorts.

«Il me semblait clair que Luc Frieden allait miser sur moi», affirme Christophe Hansen, malgré le bras de fer engagé avec Nicolas Schmit. Photos : julien garroy

Quelles sont, selon vous, les grandes priorités auxquelles devra s’atteler la prochaine Commission européenne ?

Il me semble clair qu’il faudra mieux expliquer la politique européenne aux gens. On a pu ressentir lors de la campagne électorale, mais aussi dans le cadre de la Conférence sur l’avenir de l’UE, que les citoyens ne comprennent plus ce qui se passe.

Ils ont le sentiment, à tort ou à raison, que l’Europe leur complique la vie en raison de différentes obligations. Le même constat vaut d’ailleurs aussi pour les entreprises. Le grand défi sera de simplifier la vie de tous, et non pas imposer des choses, qui, ces dernières années, ont en plus pu manquer de cohérence.

Au-delà de cet aspect plus pratique, où voyez-vous des priorités politiques plus globales ?

L’UE doit devenir un véritable acteur géopolitique. Nous ne sommes pas assez réactifs dans un contexte où le monde ne cesse de tourner très vite. Notre industrie de la défense est encore trop fragmentée. Il faut aussi s’attaquer aux dépendances dans le domaine de l’énergie, par exemple en ce qui concerne la mobilité électrique. De manière générale, il faut éviter de pouvoir être extorqué.

Dans quelle mesure votre parcours au Parlement européen peut contribuer à faire avancer la prochaine Commission ?

Avoir siégé au Parlement européen est un atout indéniable. Je connais très bien les rouages internes. Si un collègue devient commissaire, les eurodéputés continuent à le considérer comme un des leurs. La tâche est bien plus compliquée pour des commissaires qui débarquent sans véritable expérience dans les institutions européennes.

Même si je change de côté, l’avantage sera de savoir comment fonctionne l’autre camp, par exemple lors de négociations dans le cadre du trilogue entre Commission, Parlement et Conseil.

À la suite de votre décision de vous présenter aux élections législatives, on pouvait penser le chapitre européen de votre carrière politique clos. Après moins d’un an, vous êtes déjà de retour à Bruxelles comme eurodéputé et devriez devenir commissaire européen. L’ambition au départ n’était-elle pas plutôt de devenir ministre ?

J’ai assumé pendant trois ans la fonction de secrétaire général du CSV. Au bout de dix ans passés dans l’opposition, mon objectif primaire était de ramener le parti au pouvoir. J’appartiens encore à une plus jeune génération et il était important que l’on réussisse à être crédible dans notre volonté de changement. Je voulais apporter ma pierre à l’édifice.

Mais je dois admettre avoir eu des chances de devenir membre du nouveau gouvernement. Lors des négociations de coalition, j’ai notamment codirigé le groupe de travail sur la politique de l’environnement. Je supposais donc pouvoir devenir ministre. Par le passé, le CSV réservait deux postes de ministre pour la circonscription Nord, à condition de défendre nos quatre sièges de député. Ce fut le cas en 2023, mais la décision de Luc Frieden était de réduire l’effectif du gouvernement. Le choix des têtes pour les ressorts dévolus au CSV lui appartient.

Malgré cette déception, le choix de vous proposer comme prochain commissaire européen peut donc être vu comme bien plus qu’un lot de consolation ?

En politique, on ne peut jamais planifier les choses en détail. Ma nomination pour devenir commissaire n’aurait pas été possible si le CSV n’avait pas été de retour au pouvoir. J’aurais bien aimé poursuivre le travail politique national – que j’ai fortement apprécié – et faire partie du gouvernement, mais ce n’était pas possible cette fois. Devenir commissaire est une occasion unique. Et si jamais je reviens au Luxembourg, il s’agira aussi d’un grand atout.

Repères

État civil. Christophe Hansen est né le 21 février 1982 à Wiltz. À 42 ans, il est marié et père d’un fils.

Formation. Il entame en 2003 des études supérieures à Strasbourg. En 2007, il décroche à l’université Louis-Pasteur un master en géosciences, sciences de l’environnement et gestion des risques.

Carrière professionnelle. Ancien conseiller de l’eurodéputée Astrid Lulling (2007-2014), Christophe Hansen travaillera aussi à la représentation permanente du Luxembourg auprès de l’UE. Entre 2016 et 2018, il enchaîne des postes à l’ambassade du Luxembourg en Belgique, à la Chambre de commerce et au Comité économique et social européen.

Eurodéputé. En septembre 2018, Christophe Hansen prend le relais de Viviane Reding au Parlement européen. Réélu en 2019, Christophe Hansen quitte l’hémicycle en octobre 2023 pour siéger à la Chambre des députés. Il réintègre le Parlement européen à l’issue des élections européennes de juin dernier.

CSV. En tant que secrétaire général, il fait partie de l’équipe dirigeante qui permet au CSV de revenir au pouvoir fin 2023. Christophe Hansen est élu député avant d’être choisi par le gouvernement Frieden-Bettel pour devenir le nouveau commissaire européen du Luxembourg.

 

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