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Chez Joon, hotesses de l’air et stewards à bout de souffle


Jean-Marc Janaillac, l'ex-PDG d'Air France KLM, posant il y a un an avec les hotesses et stewards de Joon, à l'occasion du lancement de cette compagnie low-cost. (Photo : AFP)

Lancée il y a à peine un an, la compagnie aérienne Joon, filiale à coûts réduits d’Air France, connaît le désamour d’une partie de son personnel, qui dénonce des conditions de travail éprouvantes et une rémunération insuffisante.

« Les PNC sont déjà épuisés à peine un an après le lancement des opérations », s’alarme l’intersyndicale SNPNC/Unsa PNC, arrivée en tête des élections professionnelles chez Joon, dans une lettre envoyée début novembre à Ben Smith, directeur général d’Air France-KLM.

« Les nombreux arrêts maladie, les désertions de poste parfois ou encore les clauses fatigue évoquées en nombre pour une si jeune compagnie devraient mener à une réflexion sérieuse sur les règles d’utilisation » des hôtesses et stewards, estiment ces syndicats.

Un jeune chef de cabine, qui préfère rester anonyme, constate « beaucoup de démissions ». « Les équipages sont très fatigués » et « la direction n’est pas du tout à l’écoute », regrette-t-il.

Plusieurs personnes dénoncent, comme Patrice Pradel de l’Unsa PNC de Joon, « un temps de repos inadéquat » entre deux vols, par exemple entre un long et un moyen courrier, et « une gestion du planning catastrophique ».

Amélie -son prénom a été changé- décrit un « rythme intenable », la fatigue qui s’accumule et les sinusites à répétition à cause de l’air conditionné dans l’avion, qui la conduisent à plusieurs arrêts maladie.

La direction évoque « la mise en place d’actions d’amélioration avec de nouvelles mesures concernant l’élaboration des plannings » et le recours à un cabinet extérieur sur la gestion de la fatigue.

Les salaires constituent un autre grief récurrent des PNC de Joon, compagnie jouant sur une image moderne et décontractée et qui emploie environ 540 hôtesses et stewards.

Le coût des hôtesses et stewards chez Joon est inférieur d’environ 40% à celui de la même catégorie de personnel chez Air France. Une différence qui s’explique, entre autres facteurs, par un écart de rémunération d’environ 10% à l’embauche, selon la direction.

Les pilotes eux, viennent d’Air France et sont donc soumis aux conditions de rémunération de la compagnie historique.

1 200 euros net

« On est les moins bien payés du secteur en France », affirme le chef de cabine chez Joon. Il parle d’un salaire de base à 1.512 euros brut par mois, à peine plus que le Smic.

Amélie a touché pendant plusieurs mois 1 200 euros net. « Avec ce salaire, on n’arrive pas à vivre », soupire la jeune femme de 27 ans. « Je volais aux Seychelles et je n’avais pas les moyens de manger autre chose que des nouilles chinoises dans ma chambre », se souvient-elle.

La direction reconnaît quelques bulletins de paye à 1 200 euros net dans des cas particuliers, mais évoque des salaires médians très largement supérieurs, sans donner de chiffres.

Selon Patrice Pradel, de l’Unsa PNC, « les rotations sont mal réparties, certains volent peu, d’autres beaucoup, ça se ressent sur les salaires ». Les rémunérations sont plus attractives au sein des compagnies à bas coûts Easyjet et Transavia, autre filiale d’Air France, au point que ceux qui avaient quitté ces compagnies pour Joon ont parfois fait ensuite le chemin inverse, assure-t-il.

D’autres ont complètement changé de voie, comme Amélie qui a démissionné en novembre pour « prendre un petit boulot d’hôtesse de caisse ». « Travailler dans l’aérien, c’était un rêve de petite fille, j’ai fait une reconversion professionnelle, j’ai appris l’anglais pour être hôtesse de l’air… C’est une grosse déception », confie-t-elle.

« La grève est envisagée si les choses ne changent pas rapidement », prévient Patrice Pradel. Les salariés sont soumis à des « rumeurs persistantes de fermeture de Joon, l’inquiétude est grande », ajoute-t-il.

LQ /AFP