En souscrivant au ramassage et recyclage des déchets de son salon de coiffure par une entreprise, Mélissa Achouri est la seule au Luxembourg, mais souhaite en inspirer d’autres.
«Deux cent cinquante kilos de déchets par an pour un salon de coiffure en moyenne. Douze kilos par minute pour l’industrie mondiale.» Voilà des chiffres qui ont incité Mélissa Achouri à changer la donne pour son enseigne «Mon Salon by Mélissa» basé à Steinfort.
Chez elle, depuis le 5 avril 2023, on donne une seconde vie aux cheveux coupés, aux bouts d’aluminium utilisés et aux restes de colorations. «Je suis la première à le faire au Luxembourg», explique la gérante. Pour cela, elle s’est associée avec Green Circle Salons, une entreprise canadienne qui permet la récupération et la réutilisation des déchets d’exploitation des coiffeurs, en salon comme à domicile.
Le principe est simple. Avec son abonnement annuel de 250 euros, la coiffeuse d’origine belge bénéficie d’un service de ramassage de ses déchets. Un vrai changement dans son quotidien : «Il existe deux sociétés françaises qui récupèrent les cheveux, mais je devais les envoyer par la poste et le prix au kilo ça coûte cher.» Alors, une fois son carton de déchets rempli après la coupe de 500 clients environ, «ce qui me prend 4 mois», un livreur vient récupérer le tout, avant de le rediriger vers des centres de recyclage en Belgique. Pour l’aluminium et les restes de coloration, c’est direction Courtrai. Pour les cheveux, tout se passe à Waremme.
Une fois récupérés, les déchets sont voués à des fins différentes. L’aluminium lui est recyclé et reconditionné à l’infini. Un atout considérable «puisqu’on en consomme pas mal, en utilisant près de 40 morceaux pour faire une coloration». Les restes de colorations sont eux transformés en énergie injectée dans le réseau électrique. «Et puis ça permet aussi d’arrêter de jeter nos restes dans l’évier, puisqu’on dit que les égouts, c’est le début de la mer», confie Mélissa Achouri.
Grâce à leur pouvoir absorbant, jusqu’à huit fois leur poids, les cheveux contribuent à la dépollution des eaux en étant recyclés en boudins ou tapis pour absorber les carburants, produits chimiques ou hydrocarbures. Réutilisables trois à quatre fois, ces outils absorbants sont ensuite découpés en morceaux afin d’en faire un liant dans la fabrication de ciment. Toute une économie circulaire qui réjouit la coiffeuse qui faisait «déjà attention à l’environnement», en proposant des shampooings rechargeables, ainsi qu’à son empreinte carbone, en travaillant avec des marques locales, en France comme en Allemagne.
«On peut construire des maisons avec nos cheveux»
Pour Mélissa Achouri, ce partenariat avec Green Circle Salons est comme une évidence : «Je suis une fille de la campagne donc je prends soin de la nature.» Alors, c’est à ses frais qu’elle a décidé de faire appel à l’entreprise de recyclage en payant son abonnement et le package des poubelles, sans aucune contrepartie financière. «Je ne répercute pas ces dépenses sur le client, mais si je le faisais, ça serait 50 centimes en plus», précise-t-elle. Sa main verte et d’or, la meilleure coiffeuse de Belgique en 2017 l’a mise au service de salons de grandes chaînes.
Fatiguée par le rythme de travail de «ces usines à cheveux», elle a décidé de se mettre à son compte, lui offrant la possibilité de contrôler ses déchets. «En faisant cette démarche, j’ai appris que l’aluminium est recyclable à l’infini et qu’on peut construire des maisons avec nos cheveux, c’est super», se réjouit-elle. En tant que précurseur au Luxembourg, elle souhaite entraîner dans son enthousiasme d’autres confrères. «Je veux montrer que ce n’est pas difficile. À la maison, on est obligé de trier donc au travail, cela devrait être pareil.»
Au Canada, où l’entreprise a été créée il y a 15 ans, Green Circle Salons parvient aussi à recycler les cheveux comme engrais pour l’agriculture ou à récupérer leur kératine pour en faire des crèmes. Si l’antenne au Benelux reste balbutiante, cela pourrait devenir aussi le cas, Mélissa Achouir espérant «lancer un mouvement parce que, pour l’instant, au Luxembourg on n’est pas dedans».
Pour un client habitué du salon, c’est la première fois qu’il entend parler de ce recyclage. «Je savais juste que certains récupèrent les cheveux pour en faire des perruques» déclare-t-il, avant d’être repris par Mélissa Achouri. «Ça aussi, bien sûr que je le fais», tient-elle à dire, comme une évidence.