Épreuves olfactives, respect de la technique, minutie dans la décoration… Ambiance au championnat national des barmen du Luxembourg qui s’est déroulé, ce lundi, dans la capitale.
La pression commence à monter à la brasserie Abtei, située au cœur de l’abbaye de Neumünster à Luxembourg. Devant l’établissement qui accueille le championnat national des cocktails, le personnel finalise les derniers préparatifs avant le début du concours. Hier après-midi, huit barmen du pays avaient décidé de se frotter à ce championnat aux allures d’émission culinaire télévisée.
Parmi eux, Xavier Dellenbach. Le jeune homme âgé de 29 ans n’en est pas à sa première participation. Membre de l’association des barmen du Luxembourg depuis plusieurs années, il a tenté à plusieurs reprises le concours. Et il a réussi, l’année dernière. Une première victoire qui lui a permis de se rendre à Rome, en Italie, pour participer au championnat du monde des barmen. «Humainement, c’est incroyable. On rencontre et on échange avec des barmen du monde entier. J’ai appris beaucoup de choses et cela m’a aidé à améliorer ma technique et mes idées de création», confie celui qui travaille au restaurant et bar G.A.N.G à la Belle Étoile.
Alors cette année, le jeune homme espère réussir à «faire le doublé». Mais avant cela, il faut réaliser toutes les épreuves du concours. Justement, elles viennent de commencer. La première : l’écrit. Dans une ambiance studieuse, les huit candidats doivent répondre durant un temps imparti à une cinquantaine de questions. En plus des noms, des saveurs ou de la composition des cocktails, les barmen doivent aussi plancher sur quelques questions de culture générale sur le Luxembourg. «Quand on est barman, on doit essayer de suivre l’actualité du pays pour pouvoir avoir une discussion avec les clients», explique Xavier Dellenbach.
«C’est devenu une passion»
Les trente minutes sont écoulées. Place maintenant aux épreuves olfactives et de décoration. Ici, les huit candidats sont divisés en deux groupes. Nous suivons le tenant du titre pour la découverte à l’aveugle de cinq senteurs mystères. «Je ne sais pas ce que c’est, ça me rend dingue», s’exclame-t-il. De l’autre côté de l’entrée de la brasserie, les candidats s’apprêtent à commencer l’épreuve de décoration.
L’objectif est ici de créer les éléments qui seront intégrés au cocktail. Avec dextérité et finesse, Julien, barman au château d’Urspelt à Clervaux, dispose des fleurs sur des chips de gingembre. Voilà bientôt neuf ans que ce Belge natif de Bastogne exerce cette profession. «Je suis tombé dedans comme ça. C’est devenu une passion du jour au lendemain, car au départ, j’étais dans le domaine du tourisme», explique le jeune homme.
Il reste encore sept minutes pour finaliser la décoration des cocktails. Les mains tremblantes, Marco, barman de l’établissement qui accueille la compétition, ajuste les dernières touches florales de sa boisson. Les deux épreuves désormais terminées, le moment le plus difficile est sur le point d’arriver. Dans un bar installé pour l’occasion, les huit candidats vont tour à tour préparer leur cocktail qui sera ensuite noté par un jury. Pendant cette épreuve, ils sont aussi jugés pour leur technique. «C’est assez compliqué, car il faut réussir à se mettre dans sa bulle et garder sa concentration», explique Elie Clément, le président de l’association des barmen du Luxembourg. Tandis que les cocktails s’enchaînent, le jury déguste et analyse avec précision les goûts et saveurs qui émanent de chaque boisson.
Après plusieurs heures de compétition, celui qui représentera le Luxembourg au championnat du monde à Madère a été désigné. Il s’agit de Xavier Dellenbach. Le jeune homme a remporté le concours grâce à sa création estivale «Soon», un cocktail de gin charentais avec des touches de melon, pomme, basilic et citron. Une fierté pour ce Français originaire de Strasbourg. «C’est un plaisir de pouvoir porter à nouveau les couleurs du pays qui m’a accueilli et qui m’a permis de faire mon métier. Cette victoire, c’est aussi une façon de montrer que le cocktail est un vrai art», se réjouit-il. Le barman a désormais quelques mois pour se préparer et réfléchir au nouveau cocktail qu’il présentera au championnat du monde au Portugal, qui se déroulera du 31 octobre au 3 novembre.
Immersion dans le jury du concours
Qui n’a jamais eu envie de savoir comment se déroulait la notation des épreuves d’un concours culinaire ou d’une dégustation de vin? C’est dans cette optique que j’ai accepté, pour la première fois, de me prêter au jeu. Avant de commencer à noter les différents candidats, Bruno Sanfilippo, jury professionnel et grand spécialiste en la matière, nous explique, aux deux autres membres novices ainsi qu’à moi-même, les règles de notation. De mauvais à excellent, il faut répondre à une série de questions et analyser pour chaque cocktail l’aspect esthétique de la boisson, l’équilibre entre les saveurs, la décoration… Des choix difficiles tant les boissons sont différentes et apportent toutes quelque chose de particulier.
Le mojito détrôné
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le mojito, la star des cocktails, n’est pas le plus consommé au Luxembourg. Il a même été détrôné. «Nous avons la chance, ici, au Grand-Duché, d’avoir une diversification des bars. Chacun a vraiment ses cocktails signatures. Les génériques restent, cependant, les plus appréciés et je pense que cette année, ça sera encore le Negroni», explique Elie Clément, le président de l’Association luxembourgeoise des barmen. Ce cocktail à base d’alcool de campari, de vermouth rouge et de gin est plébiscité, aujourd’hui, pour ses saveurs amères et moins sucrées que celles du mojito. Ces dernières années, les mocktails, la version sans alcool, connaissent aussi un fort engouement. «Il y a eu une démarche des bars de proposer ces cocktails, mais de manière plus recherchée, avec plus de saveurs. Un championnat au niveau mondial existe également», détaille Elie Clément qui possède lui aussi un bar à Diekirch.