La veille de la saint Nicolas, Dylan a mis le feu à une voiture à Differdange. Personne ne sait expliquer pourquoi. Pas même le jeune homme lui-même qui prétend être atteint d’amnésie.
J’ai aperçu un jeune homme vêtu de noir avec un sac blanc tourner autour de la voiture de ma voisine avant d’asperger le capot avec un liquide et d’y mettre le feu», raconte une voisine qui fumait à sa fenêtre rue de Soleuvre à Differdange, peu après minuit, dans la nuit du 5 décembre 2021. La Peugeot s’est rapidement embrasée et les flammes ont léché la façade de l’immeuble dans lequel habitait la propriétaire de la voiture. Dylan, 19 ans, se mêle aux riverains pour regarder la voiture flamber. Quelques instants auparavant, il avait alerté les services de secours.
Une ancienne camarade de classe le reconnaît et l’interpelle. Autour d’eux, les riverains échangent sur l’individu qu’ils ont vu juste avant que les flammes ne prennent. Un individu qui lui ressemble beaucoup trop pour ne pas être lui. La voisine fumeuse le reconnaît. Dylan préfère alors s’éclipser avant que la police n’arrive et tente de les mettre sur une fausse piste. Trop tard, son ancienne camarade de classe l’a identifié et le fait savoir aux forces de l’ordre.
Le jeune homme, poli-toxicomane et sans domicile fixe, n’a pas assisté à son procès hier après-midi face à la 12e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg et s’est fait représenter par son avocat, Me Schettgen. Il prétend avoir été victime d’une amnésie complète le soir des faits et ne pas être en mesure d’expliquer son geste.
Ce jour-là avait été «un samedi normal», selon l’expert en neuropsychiatrie qui l’a rencontré lors de sa détention préventive. Il avait passé l’après-midi à boire avec un ami avant de rentrer dîner chez sa petite amie chez qui il vivait à l’époque. Il serait ensuite ressorti acheter de l’alcool, «de la vodka, du whisky et des bières» dans une station-service. «Il m’a dit avoir consommé quatre bières et un peu de whisky puis c’est l’amnésie complète», relate le médecin. Un trou noir que l’expert qualifie d’amnésie défensive. Elle semble d’ailleurs être intervenue après l’interrogatoire des policiers.
Le fruit du hasard
D’après le spécialiste, Dylan était en pleine possession de ses moyens malgré sa forte consommation d’alcool qui n’aurait pas suffi à altérer son discernement au moment des faits. La raison de son acte reste inconnue à ce jour. Il ne connaissait pas le propriétaire de la voiture et l’expert a exclu la pyromanie.
L’enquêteur de la police judiciaire n’en a pas découvert davantage. «Je pense que c’est le fruit du hasard que cette voiture ait été incendiée», confie le policier. Dylan a d’abord nié toute implication et prétendu ne pas être sorti de chez son amie ce soir-là avant d’accuser un autre homme et de raconter une version «pleine d’incohérences». Lors d’une perquisition, les policiers retrouvent les vêtements décrits par les témoins ainsi que la preuve de son appel téléphonique aux services d’urgence.
Rapidement arrivés sur les lieux, les sapeurs-pompiers ont pu éteindre les flammes facilement et éviter qu’elles ne se propagent à l’immeuble d’habitation devant lequel la voiture était stationnée. «Le danger que les flammes se propagent à l’immeuble était très faible», a précisé un expert en incendie qui n’a toutefois pas exclu cette possibilité. La famille à qui appartenait la voiture et qui vivait dans l’immeuble s’est portée partie civile. Elle réclame 17 500 euros de préjudice moral et 6 000 euros de location d’une voiture de remplacement.
Pour le procureur, «il n’y a pas de doute possible» quant à l’implication de Dylan. Il a demandé au tribunal de retenir l’article 528 du code pénal concernant la destruction d’objets mobiliers et de rejeter les articles 516 et 517 concernant l’incendie volontaire. Le magistrat a requis une peine de 30 mois de prison et une amende administrative à l’encontre du jeune homme et s’est opposé à un sursis simple intégral «étant donné la gravité de son acte», mais a proposé un sursis probatoire pour «l’inciter à réparer sa bêtise grave».
Son avocat a indiqué que Dylan reconnaissait à présent avoir incendié la voiture et s’est rallié à l’analyse du procureur. Son client n’aurait pas eu l’intention en mettant le feu à la voiture, d’incendier l’immeuble. Rien ne permet de le prouver. Me Schettgen a plaidé en faveur du sursis intégral ou d’une peine pouvant être aménagée de sorte que le jeune homme n’ait pas besoin de retourner en prison. «Tout n’est pas perdu pour lui», a-t-il assuré après avoir demandé au tribunal de faire l’impasse sur l’amende.
Le prononcé est fixé au 7 juin.